Loi Covid-19 : les incidences sur la démocratie communale

La loi Covid-19 publiée le 24 mars a chamboulé le fonctionnement de la démocratie communale. Que deviennent les conseillers municipaux sortants ? Quand entreront en fonction les candidats élus ? Quelles sont les règles de la campagne pour le second tour ? Gilles Le Chatelier et Simon Rey, avocats au cabinet Adamas, répondent à ces questions.

Publié dans la Gazette des Communes, le 31/03/2020.

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L’ordonnance « urgence » et le code de la commande publique : Entre confirmations, innovations et responsabilisation

L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 

L’essentiel (art. 1)

L’Ordonnance confirme tout d’abord que les mesures seront applicables sous réserve de justifier, au cas par cas de la nécessité d’y recourir sous l’influence de la crise sanitaire. Le rapport et la stricte lecture de l’article 1 alinéa 2 ne laisse pas de place au doute. 

Elle tempère la position de la DAJ qui invitait à reconnaitre à la crise sanitaire les caractéristiques de la force majeure. L’ordonnance n’utilise pas l’expression de « force majeure » lui préférant « la nécessité de faire face ».L’effet est le même, du moins en droit. Comme de nombreux juristes, dont nous sommes, l’ont déjà écrit, l’invocation de la force majeure sera à justifier, et ne concerne que l’exécution. 

Bien que le rapport ne traite pratiquement que de l’exécution, l’ordonnance décline ensuite, chronologiquement, les nécessaires adaptations selon qu’elles concernent une consultation en cours (art. 2 et 3) ou un contrat en cours d’exécution (art. 4 à 6).

Consultations en cours – adaptation obligatoire des délais (art.2) 

L’analyse des règles prévues pour la passation souligne la volonté de ne pas geler complétement la commande publique, de ne pas renvoyer systématiquement à la fin de la crise sanitaire la poursuite des consultations. 

Par consultation « en cours », il faut retenir celles pour lesquelles l’attributaire n’est pas encore désigné. 

Pour les consultations qui auraient reçu, selon leur stade d’avancement, les candidatures ou les offres en nombre suffisant, il semble possible de considérer que les délais n’ont pas à être prorogés. 

Pour les autres consultations en cours, les plus nombreuses, ou bien l’urgence commande de maintenir les délais, ou bien l’absence d’urgence rend obligatoire la prorogation des délais. 

Les délais initiaux ne peuvent être maintenus qu’en cas d’urgence caractérisée et justifiée, le texte limitant son application «aux « prestations (qui) ne doivent pouvoir souffrir aucun retard ». 

Sauf urgence, l’Ordonnance impose donc aux acheteurs de proroger les délais de candidature et de remise des offres « d’une durée suffisante ». Comme cette dernière faculté existait déjà en l’état des textes en vigueur, on doit retenir qu’il s’agit bien ici d’une obligation, même si le délai suffisant est laissé à l’appréciation de l’acheteur. 

Bien que le texte ne le précise pas, il est logique de considérer que les délais doivent être prorogés pour permettre l’efficacité de la commande publique, la mise en concurrence et l’égalité des candidats à participer. L’acheteur devra apprécier le caractère « suffisant » du délai et de sa prorogation, sous le contrôle du juge. Il y aura donc un risque d’annulation de la procédure sur recours de tout candidat potentiel qui exposerait que compte tenu de délais insuffisants au regard des contraintes induites par la crise sanitaire, il n’a pas pu participer.

Rien ne semble s’opposer à ce que la faculté de reporter les délais soit mise en œuvre plusieurs fois pour la même consultation. 

Consultations en cours – adaptation facultative des autres règles (art.3) 

L’article 3 offre la possibilité aux acheteurs d’adapter les règles en cours de consultation. Comme il ne s’agit pas de revenir sur les délais, objet de l’article 2, il faut considérer qu’il s’agit des autres règles de la consultation, celles particulières prévues au RC. (négociations, visite de site obligatoire, format des réponses, maquettes, échantillon, voire critères de jugement etc.). là encore, l’adaptation devra être justifiée au double regard des principes directeurs de la commande publique et de l’influence de la crise sanitaire. 

Rien n’est dit sur les consultations pour lesquels les offres ont déjà été remises. C’est donc le droit commun qui s’applique. L’acheteur conserve la faculté de proroger le délai de validité des offres avec l’accord préalable des opérateurs et sans avoir à justifier de l’influence de la crise sanitaire…solution qu’il faudra utiliser, par exemple, faute de pouvoir réunir une CAO. 

Prolongation par avenant des contrats en cours (art.4) 

La mesure concerne les contrats arrivant à expiration entre les dates suivantes : 

  • Date de départ : le 12 mars 2020
  • Date d’expiration :  deux mois à compter du 24 mars 2020 (en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, période à laquelle est ajoutée une période supplémentaire de deux mois, soit jusqu’au 24 juillet 2020.  

Le motif de la prolongation est limité à l’impossibilité, liée à la crise sanitaire, d’organiser une procédure de mise en concurrence et de désigner un nouveau prestataire avant l’expiration du contrat précédent. 

Ce motif surprend car, quel que soit le contrat, les acheteurs doivent systématiquement anticiper la remise en concurrence de leurs contrats, obligation qui renvoie à l’obligation de détermination préalable des besoins applicable quel que soit le contrat. 

Suivant les contrats, la remise en concurrence s’étale en règle générale sur une période comprise entre 4 mois (pour des marchés publics correspondant par exemple à des besoins répétitifs) et 18 mois (lorsqu’il s’agit de remettre en concurrence un contrat de concession complexe). 

L’acheteur devra donc justifier que l’impossibilité de mise en concurrence est due aux conséquences de l’épidémie de Covid 19 et n’est pas le résultat de son impréparation. 

On pense donc en priorité aux consultations en cours, impactées significativement par la crise sanitaire

L’article 4 comporte des mesures particulières à destination de contrats spécifiques : 

  • Il peut être dérogé par avenant à la durée maximale des accords-cadres qui est de 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs et de 8 ans pour les entités adjudicatrices
  • Les avenants aux contrats de concession dans le domaine de l’eau, de l’assainissement et des déchets qui auraient pour effet de prolonger le contrat initial pour une durée totale supérieure à 20 ans sont dispensés de l’examen préalable du directeur départemental des finances publiques. 

Le texte ne précise pas si les collectivités locales et leurs groupements restent tenus de saisir selon le cas, la commission d’appel d’offres (art. L.1414-4 CGCT) ou la commission de délégation de service public (art. L.1411-6 CGCT) de leur projet d’avenant qui entrainerait une augmentation globale de 5%.  Cette simplification dans la situation actuelle de confinement aurait été pertinente.

L’article précise enfin que « dans tous les cas, la durée de cette prolongation ne peut excéder celle de la période prévue à l’article 1er, augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration ». La rédaction interroge encore car elle laisse à penser que la période correspondant à l’état d’urgence sanitaire est neutralisée, alors que l’on peut raisonnablement penser que l’acheteur est en mesure durant cette période de préparer la remise en concurrence de ses contrats. 

Libéralisation des avances (art. 5) 

La mesure est destinée à soutenir les entreprises qui du fait du ralentissement de l’activité économique causé par la crise sanitaire ont des difficultés de trésorerie. 

Le taux de l’avance peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande, sans plafond maximum et peut donc en théorie correspondre à l’intégralité du marché. 

Et il n’est plus exigé la constitution de garanties à première demande pour les avances supérieures à 30 %. Cette mesure devra être utilisée avec discernement afin d’éviter d’être exposés au risque de non-remboursement des avances. Limité à la garantie à 1ère demande, l’exclusion n’interdit donc pas, en théorie, de solliciter du titulaire la fourniture d’une caution personnelle et solidaire. 

La mesure concerne les contrats en cours, il aurait été opportun de la rendre explicitement applicable aux contrats à conclure, sauf à imaginer qu’il s’agit de la modification d’une règle rendue possible au titre de l’article 3. 

Difficultés d’exécution 

L’article 6 comporte une série dispositions visant à protéger le titulaire dans l’exécution du contrat au cours de la période de crise sanitaire : 

  • L’allongement des délais contractuels d’une durée correspondant à l’état d’urgence sanitaire est systématisé. Néanmoins, il appartient au titulaire de formaliser une demande d’allongement, celle-ci devant intervenir avant l’expiration du délai contractuel. Le texte est flou sur le cas d’un délai contractuel venu à expiration entre le 12 mars 2020 et la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il aurait été judicieux de couvrir également cette période.
  • L’inapplication des pénalités contractuelles et possibilité de passer un marché de substitution : le titulaire est dégagé de ses obligations contractuelles s’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive. L’insuffisance des moyens doit résulter de la situation engendrée par l’état d’urgence sanitaire, elle ne doit pas être imputable au prestataire qui n’aurait pas mis en œuvre des moyens suffisants. Dans ce cas de figure, l’acheteur peut conclure un marché de substitution en s’appuyant sur les nouvelles dispositions prévues par l’ordonnance en matière de passation de marché.
  • Indemnisation des dépenses engagées en cas d’annulation d’un bon de commande ou de résiliation de marché. L’indemnité à laquelle peut prétendre le titulaire est celle correspondant aux dépenses utilement engagées pour l’exécution du contrat, à l’exclusion du bénéfice manqué. Le fondement indemnitaire n’est donc pas celui d’une résiliation pour motif d’intérêt général dans laquelle le titulaire peut prétendre non seulement à la prise en compte des pertes subies mais aussi du gain manqué. 

Règlement provisoire de l’intégralité du prix du marché à prix forfaitaire dont l’exécution est suspendue. Certainement la mesure la plus conséquente pour les finances publiques selon l’état d’avancement du marché, et la plus favorable à la trésorerie de l’entreprise. Attention, si la reprise de l’exécution s’avère impossible, l’entreprise devra rendre l’éventuel trop perçu au regard de l’avancement réel du Marché. 

Suspension de l’exécution des concession et des obligations financières du concessionnaire. Les secteurs d’activité concernés sont notamment le tourisme et les activités culturelles. Cette disposition concerne, le cas échéant, le paiement des redevances liées à l’’occupation du domaine public, à l’intéressement du concédant. De façon plus inattendue, le texte prévoit que le contrat peut prévoir le versement d’une avance par le concédant sur les sommes dues au concessionnaire, ce qui devrait essentiellement concerner les investissements à réaliser par ce dernier. 

Indemnisation des surcoûts en cas de modification unilatérale du contrat de concession. Application de la jurisprudence du droit au maintien de l’équilibre financier du contrat en cas de modification unilatérale du contrat de concession, (CE, 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes Le Cannet Mandelieu la Napoule, n°318617), aux hypothèses de modification rendues nécessaires par la crise sanitaire.

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La signature scannée en question : Aperçu sur un outil (injustement ? ) méconnu du Code civil

La signature scannée est une espèce hybride apparue au début du 21ème siècle, au moment où la grande vague du bricolage numérique a supplanté le rouleau de scotch et la paire de ciseaux. 

Ce que nous appellerons ici  signature scannée ( ou encore scannérisée (1)) consiste en une « image » de la signature manuscrite originale apposée sur un document numérique qui peut lui-même se présenter sous plusieurs formats  ( doc,  pdf, tif, etc…). 

L’usage type de la signature scannée est celles des contrats conclus à distance quand il est impossible d’organiser une réunion de signature ou d’attendre la circulation du contrat par courrier. 

Nous recevons souvent demandes de clients qui s’interrogent sur la valeur  de la signature scannée et plus précisément de la valeur d’un contrat signé et échangé par « pdf scanné ». Ces demandes se font plus nombreuses en ces moments où réunions et services postaux apparaissent soudain comme des  souvenirs de temps révolus. 

On verra que  la signature scannée n’est pas une panacée  mais peut être raisonnablement utilisée quand il est impossible d’obtenir une signature originale (ou en attendant la signature originale). Des précautions complémentaires restent bienvenues s’il est  possible de les mettre en œuvre.  

[…]

Publié dans le Moniteur des travaux publics, le 6/04/2020. 

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https://www.lemoniteur.fr/article/la-signature-scannee-un-outil-injustement-meconnu-du-code-civil.2084011

Rediffusion webinaire : Crise sanitaire et contrats publics : préconisations immédiates

Après le succès de la première édition de ce webinaire, le Moniteur en propose la rediffusion à trois nouvelles dates.

Voici un aperçu des problématiques couvertes lors de la première édition :

  • Quel impact de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 ?
  • Est-il possible d’invoquer la force majeure ? L’imprévision ? Si oui, à quelles conditions ? Selon quel formalisme ? Selon quelles modalités indemnitaires ?
  • Quelles suites donner aux contrats en cours ? Quelles mesures à prendre ?
  • Quelles conséquences de l’interruption du processus électoral sur la passation des contrats par les communes et EPCI ?
  • Comment gérer les consultations en cours et celles à venir ?

Inscriptions

Loi d’urgence sanitaire : quels impacts pour les communes et leurs groupements ?

L’aggravation de la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 et l’adoption des mesures de confinement mises en œuvre en conséquence, ont rendu impossible la tenue du deuxième tour du scrutin des élections municipales, communautaires et métropolitaines initialement prévu le 22 mars 2020.

Le Gouvernement s’est donc trouvé contraint d’adopter en urgence la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de covid-19, adoptant une mesure sans précédent dans notre histoire politique contemporaine : le report du second tour de scrutin d’une élection.

L’option d’une annulation de l’ensemble des opérations électorales et leur report complet à une date ultérieure a été écartée. Le premier tour de scrutin du 15 mars 2020, ayant permis le renouvèlement intégral des conseillers municipaux dans 30 143 communes, le Gouvernement n’a pas voulu remettre en cause l’ensemble des mandats acquis lors de ce scrutin.

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COVID-19 : la suspension des loyers et la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie ?

Informations publiées sur le Site internet du cabinet Delcade

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 a été définitivement adoptée le 22 mars et promulguée le 23 mars 2020. Elle a été publiée au Journal Officiel du 24 mars 2020.

Ce projet de loi d’urgence, tel qu’adopté par le Sénat le 19 mars 2020, a été amendé par l’Assemblée Nationale. Voici les principales modifications concernant la suspension des loyers.

1/ Sur la notion de « très petite entreprise dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie »

Le législateur est venu préciser les entreprises susceptibles de bénéficier de la suspension des loyers.

Il s’agit des microentreprises au sens de l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008, à savoir celles qui réunissent les deux critères suivants :

–       occuper moins de 10 personnes ;
–       avoir un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros.

2/ Sur le mécanisme de suspension

Le législateur précise que le report du paiement des loyers peut être intégral.
Toutefois, nous ne disposons pas d’informations complémentaires sur les modalités de mise en œuvre de cette suspension. Affaire à suivre au regard des ordonnances du Gouvernement qui seront prises en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 23 mars 2020.

3/ Sur la nature des locaux concernés

En sus des locaux professionnels, les locaux commerciaux sont également concernés par cette mesure de suspension.
Les locaux artisanaux ne sont pas visés expressément mais il est possible de considérer que la notion de locaux professionnels englobe également les locaux artisanaux.

La passation des contrats publics face au COVID-19

Alors que nous entamons notre deuxième semaine de confinement, les acteurs économiques de notre pays s’organisent du mieux possible pour faire face à la situation de crise actuelle. Les évènements que nous connaissons font naître de nombreuses interrogations. 

Dans un précédent article d’une série consacrée aux impacts du COVID-19, nous avons formulé quelques observations et recommandations concernant l’exécution des contrats publics (articles consultables sur notre site https://www.adamas-lawfirm.com). 

La passation des contrats publics suscite également des questionnements. Dans l’attente de l’adoption des mesures d’adaptation que le Gouvernement pourra prendre par voie d’ordonnance conformément à l’article 11 de la loi dite « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » promulguée le 23 mars (qu’il faudra examiner avec attention), nous formulons d’ores et déjà les observations et recommandations suivantes. 

Il faut tout d’abord veiller aux conséquences de la limitation de la compétence des élus locaux procédant des élections municipales dont le mandat a été prorogé dans l’attente du second tour (I). Nous verrons que des mesures pourront être mises en œuvre afin de s’adapter à la situation de crise tant pour les procédures de passation d’ores et déjà lancées (II), que celles qui n’ont pas encore fait l’objet d’une publicité (III). 

I.  Limitation de la compétence des élus locaux dont le mandat a été prorogé 

La loi d’urgence sanitaire organise la prorogation des mandats des élus locaux procédant des élections municipales (A). La compétence de ces élus locaux est ainsi limitée (B).  La théorie dite des circonstances exceptionnelles pourra dans certains cas être mise en œuvre (C). 

A.    Prorogation des mandats : 

La loi d’urgence sanitaire (article 19) prévoit le report de l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au complet le 15 mars 2020, ainsi que des maires et maires adjoints désignés lors d’une séance d’installation qui aurait été tenue entre le 20 et le 22 mars 2020, à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin. 

Le mandat des conseillers municipaux sortants est prorogé jusqu’à l’entrée en fonction de leurs successeurs. Le mandat des maires et maires adjoints sortants est maintenu jusqu’à la tenue de la séance d’installation et si cette séance a été tenue, à la date fixée par le décret (voir notre article Report de la séance d’installation). 

Le mandat des membres des assemblée délibérantes et des exécutifs des établissements publics de coopération intercommunale ainsi que des syndicats mixtes sont également prorogés. 

B.     Limitation des compétences : 

Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, le mandat des élus pendant la période couvrant le premier et le second tour doit être limité à la seule gestion des affaires courantes, c’est-à-dire celles qui relèvent de l’activité quotidienne et continue de l’administration et celles qui présentent un caractère d’urgence (CE, 1er avril 2005, Commune de Villepinte, n° 262078, Lebon p. 132 ; CE, 23 décembre 2011, Ministre de l’intérieur c/ SIDEN, n° 348647, Lebon p. 662 ; CE, 28 janvier 2013, Syndicat mixte Flandre Morinie, n° 358302, Lebon T. p. 694).

Il a ainsi été décidé que la conclusion d’un marché de travaux de rénovation des canalisations d’eau potable et de branchement de quatre rues (CE, 23 décembre 2011, préc.) ou encore la conclusion d’un marché de conception d’un centre de valorisation énergétique (CE, 28 janvier 2013, préc.) ne relevaient pas de la gestion des affaires courantes en raison de leur coût, de leur volume, de leur durée et de l’absence d’urgence. 

Le fait que la procédure de passation ait été engagée antérieurement aux élections municipales et que la commission d’appel d’offres ait émis un avis favorable est sans importance (CE, 23 décembre 2011, préc.). 

A notre sens ces solutions s’appliqueront aux assemblées délibérantes et aux exécutifs dont le mandat des membres a été prorogé en application de la loi d’urgence sanitaire à moins que les ordonnances à venir prévoient des règles spécifiques. 

Toutefois, la théorie dite des circonstances exceptionnelles pourrait être mobilisée. 

C.   Théorie dite des circonstances exceptionnelles : 

La théorie dite des circonstances exceptionnelles permet de déroger aux règles normales de légalité administrative dans des situations où le fonctionnement normal des services publics est altéré par certaines circonstances (CE, 29 juin 1918, Heyriès, Lebon p. 651 ; CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent, Lebon p. 208). 

Cette théorie a principalement été mise en œuvre lors de la Première guerre mondiale et à certains moments de la Seconde (période de l’invasion de la France par les armées allemandes au printemps 1940, Libération du territoire en 1944). Selon cette théorie, et si cela apparaît justifié par les nécessités tenant à assurer le bon ordre public et la continuité des services publics, il est par exemple admis que les autorités administratives puissent alors s’affranchir des règles normales de compétence (CE, 1er août 1919, Société des Etablissements Saupiquet, Lebon p.713 ; CE, 16 avril 1948, Laugier, Lebon p.161 ; CE, 5 mars 1948, Marion, Lebon p.113). La jurisprudence n’admet qu’une seule limite : les mesures adoptées doivent être proportionnées à la situation et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est requis par le maintien de l’ordre public et la continuité des services publics.

Ces notions de nécessité d’assurer la continuité des services publics et de proportionnalité s’apprécieront au regard de l’objet du marché, son caractère d’urgence, son coût et sa durée. Ce qui, in fine, conduira dans certains cas à cumuler les conditions entre la notion de « gestion des affaires courantes » et la théorie dite des circonstances exceptionnelles garantissant d’autant plus la sécurité juridique de l’opération. 

Il conviendra d’être particulièrement vigilant et de s’interroger au cas par cas afin de déterminer si la conclusion du contrat public en question peut relever de la gestion des affaires courantes ou de la théorie dite des circonstances exceptionnelles aussi bien dans le cadre d’une procédure en cours de passation que d’une procédure qui n’a pas encore été lancée.

Dans chacun de ces cas, des outils peuvent également être mise en œuvre pour faire face à la situation actuelle. 

II.      Les procédures de passations en cours

En fonction de ses besoins et des contraintes de la crise, l’acheteur public pourra reporter le délai de remise des offres et/ou prolonger leur délai de validité (A).

Il pourra également envisager d’abandonner la procédure (B).

A.     Report des délais de remise des candidatures et des offres et prolongation du délai de validité des offres

La crise sanitaire conduit à un bouleversement inévitable et structurel dans l’organisation tant des entreprises candidates que des services de l’acheteur public (gestion du délai d’analyse des offres à compter de l’ouverture des plis, difficultés à réunir les commissions compétentes telles que les commissions d’appel d’offres, etc.). 

Il faut distinguer les règles applicables aux marchés publics (1) qui diffèrent de celles applicables aux concessions (2). 

1/ Pour les marchés publics : 

Report de la date de remise des candidatures et offres. 

Le pouvoir adjudicateur peut envisager de reporter la date de remise des candidatures et offres donnant plus de temps tant aux candidats qu’à ses services en permettant un report corrélatif de l’analyse des offres. Le report de la date limite de dépôt des offres décale d’autant le délai de validité des offres qui, en principe, démarre à partir de cette date de remise. 

A ce titre, il faut rappeler que la jurisprudence n’exige pas que la procédure soit totalement achevée à l’expiration du délai de validité des offres mais que la personne publique ait choisi l’attributaire avant cette échéance (CE, 10 avril 2015, Société TAT, n° 386912, Lebon T. pp. 746, 758). Ainsi, peu importe que le marché n’ait pas été notifié au titulaire avant cette échéance. Il faut toutefois que la commission d’appel d’offre ait pris une décision sur l’attribution du marché (CE, 21 mars 2007, Commune de Lens,n° 279535, Lebon T. p. 939 ; voir sans davantage de précisions quant à la décision de la CAO : CAA Nantes, 30 décembre 2003, Madec c/ Commune de Bono,n° 99NT02244). 

Par ailleurs, la décision de report de la date limite de dépôt des offres peut intervenir alors que certains candidats ont déjà remis une offre. En effet, il a été décidé que le report de la date limite de dépôt des offres, quelques dizaines de minutes avant l’échéance, alors que certains candidats ont déjà remis une offre ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors que les candidats peuvent déposer une nouvelle offre (CAA Nantes, 22 décembre 2017, n° 16NT01413). 

Prorogation de la durée de validité des offres. 

L’acheteur public peut également décider de proroger la durée de validité des offres afin de se laisser davantage de temps pour instruire les offres. Cette décision doit toutefois recueillir l’assentiment exprès de l’ensemble des candidats (CAA Marseille, 25 mai 2007, Société Environnement Services, n° 04MA00916). 

A défaut d’accord de l’ensemble des candidats, il appartiendra à l’acheteur public de déclarer la procédure sans suite et de relancer par la suite une nouvelle consultation. 

2/ Les concessions 

L’acheteur public peut également reporter la date limite de dépôt des candidatures et des offres. Rien ne fait obstacle à ce qu’elle soit prolongée comme en matière de marché public. 

L’autorité concédante n’est pas obligée de fixer un délai de validité des offres (CE, 24 juin 2011, Commune de Bourgoin-Jallieu, n° 347889). Si elle a toutefois fixé un tel délai dans les documents de la consultation, celui-ci peut être prorogé après accord de l’ensemble des candidats (CE, 13 décembre 1996, Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, n° 169706). Cet accord peut cependant être tacite et résulter de la poursuite par les candidats des négociations avec l’autorité concédante (CE, 24 juin 2011, Commune de Bourgoin-Jallieu, n° 347889). 

Surtout, dès lors que les autorités publiques ne peuvent savoir combien de temps la crise sanitaire durera, il convient de rappeler que la prolongation du délai de validité n’impose pas la fixation d’une nouvelle date limite (CAA Lyon, 3 novembre 2011, Société Véolia Propreté, n° 10LY00536).

B.   ’abandon de la procédure de passation pour motif d’intérêt général ou infructuosité

Les acheteurs publics peuvent déclarer, à tout moment, une procédure de passation sans suite (article R. 2185-1 CCP), y compris lorsqu’un attributaire a été choisi (CAA Bordeaux, 22 mai 2003, Société Alzate, n° 99BX02631). Cette décision d’abandon sans suite est subordonnée, pour l’essentiel, à la seule existence d’un motif d’intérêt général qu’il appartient à la personne publique d’apprécier et d’établir ; il lui incombe d’ailleurs de communiquer aux candidats les motifs de sa décision dans les plus brefs délais (articles R. 2185-2 CCP). 

Dans la situation de crise actuelle, l’abandon de la procédure pourra ou devra même dans certains cas être envisagé à condition de justifier de réels motifs d’intérêt général ; si elle est régulière, cette décision ne fera pas obstacle à la possibilité de relancer la procédure postérieurement. 

Les acheteurs publics pourront également abandonner la procédure pour infructuosité en l’absence de candidature et d’offre remise dans les délais. 

Dans ce cas, l’acheteur public pourra recourir, par la suite, à une procédure sans publicité et mise en concurrence dans les conditions énoncées par l’article R. 2122-2 CCP.

III.      Les procédures de passation non lancées 

Il sera conseillé aux acteurs publics de s’interroger au cas par cas sur l’opportunité et la nécessité de lancer leur procédure de passation

Si un marché devait être passé, les règles habituelles de la commande publique devront être respectées (sous réserve des éventuelles adaptations qui pourraient être édictée par ordonnance prises en application de la loi d’urgence sanitaire) et plus que jamais la phase de définition préalable du besoin devra être traitée avec une attention particulière : il s’agira de procéder à un arbitrage entre nécessité de faire face à l’urgence et conciliation des règles de droit [i]. 

Compte tenu de la situation actuelle, outre la possibilité de recourir à la théorie des circonstances exceptionnelles évoquée plus haut pour s’affranchir de certaines règles de compétence, des dispositions du Code de la commande publique pourront être mises en œuvre pour déroger aux règles relatives aux délais de procédure (A) et même à l’obligation de publicité et mise en concurrence (B). 

A.   Dérogations aux règles sur les délais de procédure 

1/ Les marchés publics 

En cas d’urgence,le CCP offre la possibilité de réduire les délais de procédure en appel d’offres et en procédure négociée à 15 jours pour la réception des candidatures et 10 jours pour les offres (appel d’offres restreint et marchés négociés avec mise en concurrence) et 15 jours pour les appels d’offres ouvert (3° des articles R. 2161-3, R. 2161-8 et R. 2161-15 du CCP). 

Les motifs ayant conduit à une telle procédure accélérée doivent être mentionnés dans l’avis d’appel public à la concurrence (CE, 23 février 1990, Commune de Morne-à-l’Eau, n° 69588). 

L’urgence ne saurait être justifiée par la seule référence à la crise sanitaire actuelle. Elle devra être caractérisée au regard principalement de l’objet du marché. Il conviendra de l’apprécier  au cas par cas. 

2/ Les concessions 

Contrairement aux marchés publics, le régime de passation des concessions n’offre pas de délais réduits quant à la réception des candidatures et des offres. 

Les dispositions combinées des articles R. 3123-14 et R. 3124-2 du CCP prévoient des délais minimums (p .ex. : 25 jours pour les candidatures transmises par voie électroniques). 

B.   Dérogation à l’obligation de publicité et mise en concurrence 

1/ Les marchés publics 

En cas d’urgence impérieuse qui ne serait pas compatible avec ces délais réduits, les dispositions des articles L. 2122-1 et R. 2122-1 du CCP offrent la possibilité aux acheteurs publics de passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables, lorsque le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur. 

Pour mettre en place une telle procédure de marché négocié, il convient de démontrer que sont réunies les conditions suivantes : le caractère d’urgence impérieuse, l’imprévisibilité pour l’acheteur public, une condition d’extériorité de l’événement par rapport à l’acheteur public, l’incompatibilité de la situation avec les délais exigés par les procédures formalisées. 

A titre d’exemple, la réalisation de travaux visant à garantir la sécurité des locataires d’un office public de l’habitat a pu être considérée comme justifiant l’urgence impérieuse (CAA Nancy, 23 juillet 2019, Société Iserba, n° 18NC01517 et 18NC01518).

En l’occurrence, considérant les dangers liés à l’épidémie et aux prévisions faisant état d’une recrudescence – à venir – des personnes admises en réanimation, il semble que, par exemple, les établissements hospitaliers peuvent en urgence engager une procédure négociée aux fins de se voir fournir le matériel médical nécessaire pour la prise en charge des patients ainsi que, le cas échéant, la réalisation de travaux.

Les collectivités territoriales pourraient également recourir à ce type de procédure dérogatoire pour solliciter des prestations s’agissant par exemple de la garde des enfants de soignants, ou encore pour assurer le service funéraire en raison des décès liés au coronavirus (marché de colombarium). Là encore, l’urgence devra être appréciée et caractérisée au cas par cas au regard principalement de l’objet du marché.

Il conviendra par ailleurs de noter que l’article R. 2122-1 du CCP reconnaît expressément comme une urgence impérieuse les cas visés à l’article L. 1311-4 du CSP, lequel expose que le préfet de département peut, en cas de danger ponctuel imminent pour la santé publique, ordonner l’exécution immédiate des mesures prescrites par les règles d’hygiène. 

Ces dispositions sont expressément applicables en cas d’épidémie (CE, 23 juin 2000, Agence des foyers et résidences hôtelières privées,n° 167258). Si un marché devait être passé pour l’exécution de travaux résultant des directives du préfet, l’urgence impérieuse serait constituée. 

Ces procédures répondent à une problématique particulière : assurer la satisfaction de l’intérêt général en période troublée. Toutefois, il conviendra de motiver parfaitement le recours à des procédures dérogatoires, aux fins d’éviter tout risque de délit de favoritisme ou d’annulation contentieuse par le juge administratif. 

2/ Les concessions 

Il résulte aussi des articles L. 3121-2 et R. 3121-6 du CCP que les personnes publiques concédantes peuvent conclure un contrat de concession sans publicité ni mise en concurrence préalable « lorsque en raison notamment de l’existence […] d’une urgence particulière, le respect d’une telle procédure est inutile ou impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’autorité concédante ».

Des conditions sont à remplir :

  •  l’impossibilité à faire assurer le service concédé par le cocontractant ou de l’assurer  elle-même,
  • l’impossibilité doit être soudaine et indépendante de la volonté de l’autorité concédante,
  • la continuité du service doit être justifiée par un motif d’intérêt général,
  • la durée du nouveau contrat ne saurait être supérieure à celle requise pour mettre en œuvre une procédure de passation au terme de l’évènement.

Par conséquent en cas de situation d’urgence répondant à ces conditions, le contrat de concession devra en tout état de cause avoir une durée limitée pour permettre la mise en œuvre d’une procédure de passation au terme de la crise que nous traversons. 

Pour finir, il sera fait mention des conventions d’occupation domaniale qui, bien que soumises à des obligations de passation, semblent moins concernées. Si celles-ci peuvent en effet être attribuées sans publicité ni mise en concurrence en cas d’urgence (3° de l’article L. 2122-1-2 du Code général de la propriété des personnes publiques), encore faut-il que les opérateurs puissent exercer une activité économique en cette période de confinement. 

En conclusion, la situation actuelle étant par de nombreux aspects exceptionnelle, les acheteurs publics et autres autorités concédantes peuvent se prévaloir d’un certain nombre d’outils prévus par le CCP afin de préverser et satisfaire l’intérêt général. Dans tous les cas la mise en œuvre de ces règles requiert une analyse au cas par cas.

Nos avocats et juristes sont bien évidemment à votre disposition pour vous accompagner ou répondre à vos interrogations sur tous ces sujets.

Note

[i] A ce propos, des situations de force majeure ou exceptionnelles ne justifient pas à elles seules de pouvoir déroger aux règles de la commande publique : des élus qui mettraient irrégulièrement en œuvre une procédure de marché public sans publicité et de mise en concurrence pourraient s’exposer à un risque pénal, en particulier celui du délit dit de favoritisme prévu et réprimé par l’article 432-14 du Code pénal.

EN SAVOIR PLUS

Le nouveau fonctionnement des intercos

Le cabinet ADAMAS vous propose un décryptage de la loi engagement et proximité du 27 décembre 2019 au travers de 6 articles publiés au sein de la Gazette des Communes. Vous trouverez, ci-joint, le premier de ces articles, rédigé par Simon REY, relatif aux incidences de cette loi sur le fonctionnement des intercos.

Article paru dans l’édition du 16 mars 2020 de la Gazette des Communes, à lire en PJ

A lire également dans ce dossier :

Les compétences des intercos: ce qui change  (édition du 23 mars)

Incidences de cette loi sur l’évolution des périmètres des intercommunalités 

(édition du 30 Mars 2020)

La force majeure en temps de COVID-19 FAQ

En quelques jours, l’article 1218 du Code civil définissant la force majeure est devenu singulièrement populaire. 

On a souvent en tête le triptyque caractérisant légalement la force majeure à savoir extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité.

Dès lors qu’un contrat a été conclu en ces temps révolus où le COVID-19 ne sévissait pas, on peut admettre que les deux premiers critères sont remplis.  

Reste celui de l’irrésistibilité qui suppose qu’il soit impossible (et pas seulement plus difficile) d’exécuter le contrat.  

Sur ce point, nous allons d’autant moins tenter de jouer les Cassandre que la force majeure s’apprécie au cas par cas.  

Davantage, il y a peu de références car les tribunaux n’ont guère eu l’occasion de juger d’événements de l’ampleur de celui que nous connaissons actuellement.  

En revanche, et au-delà de la définition légale, nous vous proposons ici  huit fiches mettant un focus sur quelques aspects moins connus de la force majeure.  

  1. Peut-on renoncer à la force majeure ?
  2. Une force majeure à géométrie variable
  3. Peut-on aménager la force majeure dans les contrats « BtoC » ?
  4. Faut-il notifier la force majeure ?
  5. Assurance et force majeure ou pourquoi le COVID-19 n’est (certainement) pas assurable ?
  6. L’imprévision est-elle un bon succédané de la force majeure ?
  7. Peut-on invoquer la force majeure en cas d’impossibilité de payer une dette ?
  8. La force majeure dans les contrats internationaux 

1/ Peut-on renoncer à la force majeure ?  

Oui, alors qu’en principe, la force majeure a un effet exonératoire de responsabilité, le contrat peut stipuler qu’une partie sera tenue même en cas de force majeure.  

En effet la force majeure n’est pas d’ordre public si bien qu’il est possible d’y renoncer contractuellement, à l’avance.  

En pratique, dans les contrats de location ou crédits baux d’équipement industriel, il n’est pas rare que la perte du bien loué soit laissé à la charge du locataire même en cas de force majeure.  

La jurisprudence exige généralement une clause expresse pour que le débiteur de l’obligation soit tenu même en  cas de force majeure.   

En présence d’une clause restant générale quant à l’origine des désordres pour imposer la réalisation des grosses réparations au  locataire, la Cour de cassation a jugé que « sauf stipulation expresse contraire, l’obligation de réparer pesant sur le locataire cesse en cas de force majeure » (Civ. 3, 31 oct. 2006, no 05-19.171).  

Il faut donc retenir qu’on ne renonce pas implicitement à la force majeure.  

2/ Une force majeure à géométrie variable.  

Tout comme il leur est possible d’écarter la force majeure, les parties peuvent l’aménager par exemple en énumérant les cas constitutifs de force majeure.  

Toutefois, une clause trop large pourra être jugée non écrite si elle aboutit à priver de sa substance l’obligation essentielle du débiteur (art. 1170 du Code civil).  

En cas de doute, il appartiendra au juge de décider si une liste figurant sur le contrat a un caractère limitatif ou seulement indicatif (TC Paris, 7 septembre 2016, n° 2016003404). 

A vrai dire, les clauses de force majeure constituent un terrain d’élection pour l’interprétation car il est rare que les parties y prêtent une attention particulière sauf contrats spécifiques tels que les transports de biens précieux.  

Il faut ici rappeler que la jurisprudence interprète strictement les clauses aménageant la définition de la force majeure.  

Par exemple, alors qu’un contrat admettait que la  responsabilité du prestataire serait dégagée « en cas de survenance d’événements présentant les caractères juridiques de la force majeure et du cas fortuit tels que (‘) le vol avec violence(…) », la Cour d’appel de Paris a jugé que  le caractère insurmontable d’un vol ne pouvait s’apprécier « que dans l’exécution du contrat soit au vu des circonstances même si le vol est commis avec violences ou agression ». ( CA Paris, 28 juin 2019, n° 1720180).  

Ou encore, si une clause énumère des cas de force majeure tout en se référant à la jurisprudence des juridictions françaises, l’application de la force majeure aux évènements énumérés est subordonnée à l’établissement de leur caractère imprévisible et irrésistible. ( CA Paris, Pôle 5 – chambre 11, 16 juin 2017, n° 16/19997). 

Ainsi, dans ces deux arrêts, il peut y avoir survenance de l’un des événements visés par la clause mais pour autant, la force majeure ne sera pas retenue faute d’existence préalable  des critères légaux de la force majeure.  

Tout est donc dans la rédaction du contrat. 

3/ Peut-on aménager la force majeure dans les contrats « BtoC » ?  

Le fait que le contrat soit conclu avec un consommateur n’exclut pas en soi un aménagement de la force majeure sous réserve qu’il n’aboutisse pas à une clause abusive  en générant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.  

La Cour de cassation a ainsi admis, dans le secteur protégé de la vente d’immeuble à construire, une clause majorant le délai de réalisation des travaux « des jours d’intempéries, au sens de la réglementation du travail sur les chantiers de bâtiment, (…), de même que pour des retards consécutifs à la grève et au dépôt de bilan d’une entreprise, et de manière générale, en cas de force majeure » ( Cass 3ème civ 24 Octobre 2012 – n° 11-17.800).  

C’est donc une question de mesure.  

A propos des contrats de fournisseurs FAI, la Commission des clauses abusive s’est penchée sur les clauses qui, par le biais d’une définition de la force majeure plus large qu’en droit commun, « y font  notamment entrer, sans distinction, la survenance de tout événement indépendant de la volonté du fournisseur, ou encore la panne d’ordinateur ». 

Elle  recommande  d’éliminer de telles clauses ayant pour objet ou effet «  d’écarter la responsabilité du professionnel par le moyen d’une définition de la force majeure plus large qu’en droit commun, » (Recommandation N°03-01, Accès à l’internet (FAI), BOCCRF du 31/01/2003). 

En revanche, dans un contrat de vente de véhicule automobile, n’a pas été jugée abusive une clause énonçant des cas spécifiques de force majeure car  ces événements n’étaient  exonératoires de responsabilité que « s’ils présentent le caractère de la force majeure », et qu’en outre, si effectivement la vente est impossible, les deux parties pouvaient annuler ladite vente sans mise en demeure préalable ni formalité judiciaire ( CA Grenoble, 1re chambre civile, 22 Mai 2007 – n° 05/00795). 

4/ Faut-il notifier la force majeure ? 

 Le Code civil est muet sur ce point.  

Si une partie ne peut accomplir ses obligations et s’estime confrontée à un cas de force majeure, il est évidemment recommandable qu’elle le notifie à son contractant de façon étayée.  

D’une part, cela permettra à ce dernier de s’adapter et limiter son dommage.  

D’autre part, en cas de litige, on peut penser qu’un juge sera moins enclin à reconnaître la force majeure si celle-ci est affichée a posteriori.  

Il convient également de conserver tous les éléments de preuves notamment des informations connues au jour où la décision est prise. La crise du COVID-19 est un bon exemple d’une situation évoluant de jour en jour et il n’est  pas toujours aisé de retrouver les données à une période passé.  

Enfin, le contrat peut contenir  une clause prévoyant une procédure spécifique imposant une obligation de notification dans un certain délai.  

Si une partie envisage de recourir à la force majeure, c’est donc le moment de relire le contrat impacté sans tarder ( en ce compris les conditions générales applicables le cas échéant).  

5/ Assurance et force majeure :

ou pourquoi le COVID 19 n’est (certainement) pas assurable ?  

On entend souvent que la force majeure n’est pas assurable.  

Il n’y a pourtant aucune exclusion de principe.  

La Cour de cassation a jugé que rien n’interdit à un assureur d’assurer un risque afférent à un événement de force majeure (Civ. 1ère, 23 mai 2000, no 97-18.129). Elle a admis qu’un risque afférent à la force majeure était assurable dans le cas où une police garantissait spécifiquement le vol à main armée sans faire référence, pour cette garantie particulière, à la force majeure. 

Pour les assurances de responsabilité ( c’est-à-dire les assurances couvrant la responsabilité de l’assuré à l’égard des tiers), la question ne se pose naturellement que si l’assuré a renoncé à la force majeure comme cause exonératoire (cf supra 1) puisque sinon il n’y a pas responsabilité et donc pas lieu à assurance. 

Si tel est la cas, la prise en charge par l’assurance dépend de la rédaction de la police. 

La Cour d’appel de Paris a pu juger que si un transporteur avait accepté de garantir son client dans toutes les circonstances, y compris en cas de force majeure, l’assurance de son côté pouvait  refuser sa garantie puisque la police excluait la garantie des obligations excédant celles du droit commun de la responsabilité civile et des usages professionnels ( CA Paris, 15 octobre 1997).  

Quand  la force majeure a un effet exonératoire sur la partie responsable, la victime peut trouver un recours via une assurance de choses ( cas où un bien est assuré indépendamment de toute recherche de responsabilité comme par exemple assurance incendie ou assurance bris de machine).  

Par exemple, suite à un vol de bijoux déposé par un joailler et exposés dans une bijouterie, celle-ci a été exonérée de responsabilité car la force majeure a été reconnue. En revanche, la police (risques d’exposition) qu’elle avait souscrite garantissant les marchandises placées sous sa garde a permis le dédommagement du joailler (CA  Versailles, 18 Septembre 2007 – n° 06/01023.  

On le voit bien, la force majeure n’est pas antinomique de prise en charge par l’assurance.  

En réalité, c’est une question de coût de l’assurance à mettre en parallèle avec le risque encouru et donc un choix de gestion.  

Alors, pourquoi est-il peu probable que la pandémie actuelle puisse permettre une mobilisation des polices s’assurance couvrant l’entreprise ( hors les cas particuliers d’assurance santé / prévoyance en cas de maladie déclarée) ?  

En pratique, comme rappelé par la Fédération Française d’assurance, la quasi-totalité des contrats couvrant les entreprises (pertes d’exploitation, rupture de la chaîne d’approvisionnement, annulation d’événements, défaut de livraison, etc.) exclut l’événement d’épidémie ( FFA , fiche mise à jour le 19 mars 2020).  

Trois raisons sont mises en avant :  

D’abord, l’assurance repose sur les concepts de mutualisation et d’aléa.  

Or, le caractère global d’une épidémie et a fortiori une pandémie exclut toute mutualisation et toute notion d’aléa.

En second lieu, les produits d’assurance actuellement sur le marché sont déclenchés par la survenance d’un dommage. Il n’existe pas actuellement de produits d’assurance perte d’exploitation sans dommages suite à épidémie ou pandémie.  

Une décision de confinement général n’est pas plus un « dommage » au sens du droit des assurance qu’un événement aléatoire.  

Enfin et de façon beaucoup plus prosaïque, les conséquences de la situation dépassent les capacités financières des assureurs.  

Au dernier état, Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances a annoncé que des discussions allaient être engagées avec les assureurs pour voir comment ces derniers pouvaient participer à l’effort de solidarité national ( Conférence de presse – 17 mars 2020). 

6/ L’imprévision est-elle un bon succédané de la force majeure ?  

La force majeure suppose l’impossibilité d’exécuter un contrat.  

Quand il reste possible de poursuivre le contrat, l’exécution devenant seulement plus difficile, on peut être tenté de recourir à la notion d’imprévision introduite en droit privé depuis 2016 via l’article 1195 du Code civil.  

L’imprévision s’applique en cas de « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ».  

La notion est séduisante mais n’est pas nécessairement de mise en œuvre aisée au cas présent.  

Quand une partie subit la situation décrite plus haut, l’article 1195 prévoit qu’elle peut « demander une renégociation du contrat ». En cas d’échec, le juge est saisi.  

Certes, on peut admettre que les possibilités de renégociation du contrat restent ouvertes même en période de confinement compte tenu des moyens de communication actuels.  

En revanche, en cas d’échec, il ne sera guère possible de saisir le juge puisque les tribunaux sont fermés jusqu’à nouvel ordre.  

Par ailleurs, l’article 1195 prévoit également que la partie qui invoque l’imprévision doit continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation. On le voit, l’imprévision n’apparaît pas comme la panacée dans un contexte où souvent des mesures d’urgence doivent être prises.  

7Peut-on invoquer la force majeure en cas d’impossibilité de payer une dette ?

En principe non.  

Encore récemment, la Cour de cassation a très nettement exprimé que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure » : Com. 16 sept. 2014, no 13-20.306.  

Il faut donc se tourner vers d’autre mécanisme pour solliciter des délais de paiement ou remise de dette.

8/ La force majeure dans les contrats internationaux  

Le concept d’une cause pouvant libérer le débiteur de ses obligations existe dans la plupart des systèmes juridiques.  

Cependant, les conditions de sa mise en œuvre et ses effets diffèrent et il faut donc étudier la question au cas par cas selon le droit applicable au contrat.  

Pour finir sur un instrument international, la Convention de Vienne sur la vente de marchandises (« CVIM », 11 avr. 1980) dispose en son  article 79 1) : « Une partie n’est pas responsable de l’inexécution de l’une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l’on ne pouvait raisonnablement attendre d’elle qu’elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu’elle le prévienne ou le surmonte ou qu’elle en prévienne ou surmonte les conséquences ».

On ne parle donc pas de force majeure mais de cause d’exonération et les conditions d’application sont relativement plus souples que celles de l’article 1218 du Code civil.  

Or, de nombreux contrats conclus par des entreprises françaises sont soumis à cette convention sans que les parties en aient véritablement conscience.  

En effet, un  contrat de vente internationale est régi par la CVIM dès lors que les parties sont établies dans des États contractants différents ou si les règles du droit international privé désignent la loi d’un État contractant (sachant que 93 pays à ce jour ont ratifié la CVIM).  

Selon une conception jurisprudentielle dominante dans plusieurs pays (dont la France), le choix de la loi d’un État contractant inclut application de la CVIM, sauf si les parties l’ont exclu. Pour la Cour de cassation, une clause stipulant que « les relations des parties et le contrat sont soumis aux lois françaises (Laws of France) » entraîne l’application de la CVIM et non son exclusion (Cass. com., 13 sept. 2011, n° 09-70.305).  

Finalement, et compte tenu de sa rédaction, l’article 79 1), la CVIM peut s’avérer une ressource intéressante si le contrat est effectivement soumis à cette convention.

EN SAVOIR PLUS

COVID 19 : Le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité peut-il être suspendu ?

Informations publiées sur le Site internet du cabinet Delcade

Annoncée dans le discours présidentiel du 16 mars 2020, la suspension des loyers, des dépenses d’eau, de gaz ou d’électricité suscite de nombreuses questions, alors que le loyer constitue la contrepartie essentielle du contrat de louage (article 1709 du Code civil).

Cette annonce a été précisée dans le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 du 19 mars 2020 qui prévoit la possibilité pour le Gouvernement de prendre toute mesure :

« g) Permettant de reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie » (article 7, I, 1°, g).

Eclairage sur l’annonce de cette suspension, au regard du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19, tel qu’il vient d’être adopté par le Sénat ce jour.

Qui est concerné?

Dans le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19, seuls les loyers ainsi que les factures d’eau, de gaz et d’électricité relatifs aux locaux professionnels et les « très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie » sont concernés.
Toutefois, indépendamment des mesures qui seront prises en application de ce projet de loi, le terme de « suspension » fait référence à la notion de cas de force majeure visée par l’article 1218 du Code civil. La demande de suspension des loyers ou de toute autre dépense peut ainsi, en principe, concerner les particuliers ou les entreprises si elles remplissent les conditions visées par l’article 1218 du Code civil.

La suspension des loyers, des dépenses d’eau, de gaz et d’électricité est-elle automatique?

1/ Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 19 mars 2020 ne le précise pas encore. Il est toutefois possible que cette suspension soit automatique ou, à tout le moins, facilitée pour les « très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ». Affaire à suivre au regard du contenu de la règlementation qui sera adoptée.

2/ Pour les entreprises autres que les « très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie », il convient de se référer au mécanisme prévu par l’article 1218 du Code civil. En application de cet article, la suspension n’est pas automatique et le locataire devra formuler une demande auprès de son bailleur ou de son fournisseur.

En cas de désaccord, le locataire ou débiteur doit démontrer, le cas échéant en s’appuyant sur des éléments comptables, qu’il est dans l’impossibilité temporaire de payer, en raison d’un cas de force majeure qui est caractérisé selon les trois critères suivants :

Premier critère : un événement échappant au contrôle du débiteur

Compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire (avec le passage en stade trois de l’épidémie à compter du 14 mars 2020, la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées, universités à compter du 16 mars 2020, la fermeture des commerces non indispensables à compter du 15 mars 2020 et le confinement depuis le 18 mars 2020), il est possible de considérer que la pandémie du COVID 19 constitue un événement échappant au contrôle du débiteur.

Deuxième critère : un événement ne pouvant être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat

Pour les contrats conclus à partir du 30 janvier 2020, date à laquelle l’OMS a déclaré qu’il s’agissait d’une urgence de santé publique, la question de l’imprévisibilité pourrait être discutée. Toutefois, pour les contrats conclus en France, n’ayant aucune incidence à l’étranger, il est possible de considérer que la pandémie du COVID-19 ne pouvait raisonnablement être prévue pour les contrats conclus antérieurement au 23 février 2020, date à laquelle a été déclenché par le Ministre de la Santé le plan Orsan REB, relatif à un risque épidémique ou biologique connu ou émergent.

Troisième critère : un événement dont les effets ne peuvent être empêchés par des mesures appropriées

Ce critère dépendra de la capacité des entreprises à continuer de travailler et de réaliser un chiffre d’affaires, même réduit.
Cette suspension de paiement, sous réserve d’être acceptée, vaut-elle exonération définitive?
Non. A supposer que le bailleur ou l’opérateur accepte d’accorder une suspension du paiement des loyers, des dépenses d’eau, de gaz ou d’électricité, les sommes devront ensuite être remboursées au bailleur ou à son fournisseur.
Ce principe, qui découle de la lecture de l’article 1218 du Code civil, ne semble pas, en l’état, être remis en cause par le projet de loi d’urgence du 19 mars 2020, même pour les « très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ».

Est-il possible de solliciter la résolution du contrat de bail ou de son abonnement auprès d’un fournisseur d’eau, de gaz ou d’électricité ?

Oui, toujours en invoquant l’existence d’un cas de force majeure. Il faudra toutefois démontrer que le débiteur ou le preneur est empêché de manière définitive de pouvoir régler les sommes dues.

Est-il possible de renégocier son loyer compte tenu de la pandémie du COVID-19?

L’article 1195 du Code civil relatif à l’imprévisibilité, qui a été introduit par la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, pourrait trouver à s’appliquer plus rapidement que les praticiens ne l’avaient envisagé ! Toutefois, cette disposition n’est applicable qu’aux contrats conclus ou renouvelés postérieurement au 1er octobre 2016.
En outre, cette disposition n’est, en l’état, pas d’ordre public : il convient donc de vérifier si le contrat comporte une dérogation voire même une renonciation aux dispositions de l’article 1195 du Code civil.

Webinaire : Crise sanitaire et contrats publics : préconisations immédiates

La crise sanitaire subite que nous vivons bouscule la vie économique, notamment la passation, et plus encore l’exécution, des contrats publics.

  • Quels comportements adopter pour les acteurs (para)publics et leurs cocontractants dans cette situation ?
  • Comment préserver ses droits, sans commettre d’impair par des démarches précipitées ?
  • Est-il possible d’invoquer la force majeure, l’imprévision, l’urgence… ?
  • Quels sont les impacts des textes pris en urgence ?

Dans ce séminaire en partenariat avec le Moniteur, Laurent Sery, Julie Coulange et François Fourmeaux vous apportent leurs premières préconisations.

Inscriptions

Report de la séance d’installation ou des effets des décisions adoptées lors de celle-ci

Annoncé par le Premier Ministre jeudi soir, le Parlement vient d’adopter définitivement le report de la séance d’installation, qui devait se tenir entre le 20 et le 22 mars 2020, pour les communes dont les conseillers municipaux ont été élus au complet lors du premier tour de scrutin, le 15 mars dernier.

Cette séance est reportée à une date qui sera fixée par décret au plus tard au mois de juin, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité national scientifique.

Pour les séances d’installation qui ont pu avoir lieu entre le 20 et le 22 mars 2020, le législateur ne remet pas en cause, comme initialement envisagé, la légalité des décisions adoptées lors de celle-ci, mais en reporte la prise d’effet à la date fixée par le décret précité.

Jusqu’à cette date, le mandat des conseillers municipaux sortants est prorogé.

Le premier tour de scrutin du 15 mars 2020 a permis de procéder à l’élection au complet des conseils municipaux dans 30 143 communes. 

L’application des règles de droit commun imposait à ces communes de tenir leur séance d’installation entre le 20 et le 22 mars 2020, afin notamment d’élire le Maire et ses adjoints. En effet, l’article L.2121-7 du CGCT prévoit que, lors du renouvellement général des conseillers municipaux, la séance d’installation du conseil municipal se tient au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche suivant le tour de scrutin à l’issu duquel le conseil a été élu au complet.

Les services de l’Etat n’avaient pas manqué de rappeler une telle obligation en précisant : « (…) le premier tour des élections municipales du 15 mars a permis le renouvellement intégral de plus de 30 000 conseils municipaux. Dans ces conseils municipaux, et seulement ceux-ci, il est désormais nécessaire de procéder à l’élection du maire et des adjoints aux maires entre le 20 et le 22 mars conformément à l’article L.2121-7 du CGCT. La date la plus proche sera à prioriser. » (Circulaire du 17 mars 2020 sur l’élection des conseillers municipaux et communautaires et des exécutifs et fonctionnement des organes délibérants). 

Toutefois, la situation pandémique ne faisant que s’aggraver en France, le nombre de personnes contaminées par le COVID-19 augmentant de jour en jour, était-il raisonnable de maintenir la tenue de cette séance d’installation, dans de tels délais ? 

Le comité national scientifique recommandant d’éviter toute réunion des conseils municipaux au vu de la progression de l’épidémie de Covid‑19, le Premier Ministre annonçait le 19 mars 2020, devant le Sénat, la nécessité d’ajourner la tenue des séances d’installation fixées entre le 20 et le 22 mars 2020.

L’adoption d’une loi s’avérant nécessaire pour y procéder, le Sénat, dans sa grande sagesse, décidait du report de cette séance d’installation (Projet de loi n°76 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid -19 adopté le 19 mars 2020 par le Sénat). 

L’Assemblée Nationale confirmait cette mesure. A l’initiative du Gouvernement, était également adoptée une mesure rétroactive afin de rendre sans effet les décisions adoptées lors de séances d’installation qui se seraient tenues entre le 20 et le 22 mars 2020 (Projet de loi n°412 adopté par l’Assemblée Nationale le 21 mars 2020).  

Finalement, en commission mixte paritaire, la solution de compromis suivante vient d’être adoptée, tant par le Sénat, que l’Assemblée Nationale.

  • L’entrée en fonction des conseillers municipaux, élus au complet le 15 mars 2020, est repoussée à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité national scientifique. La loi leur confère un statut de « candidat élu au premier tour » dont l’entrée en fonction est différée. Jusqu’à leur entrée en fonction, ils ne disposent ni des droits, ni des obligations normalement attachées à leur mandat. Le régime des incompatibilités ne leur sera donc applicable qu’à compter de la date fixée par le décret précité.
  • La séance d’installation se tiendra de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette date.
  • Pour les communes qui auraient tenue leur séance d’installation entre le 20 et le 22 mars 2020, les désignations et les délibérations régulièrement adoptées lors de cette séance ne prendront effet qu’à compter de la date fixée par le décret précité. Les nouveaux Maires et adjoints, élus lors de cette séance, n’entreront donc en fonction qu’à cette date.
  • Le mandat des conseillers municipaux sortants (dont le mandat a pris fin le 15 mars 2020) est prorogé jusqu’à l’entrée en fonction des candidats élus au 1er tour de scrutin, soit jusqu’à la date qui sera précisée par décret. Pendant cette période, la vacance des sièges de conseillers municipaux ne pourra pas donner lieu à des élections partielles. Leurs pouvoirs seront, à notre sens, limités à la gestion des seules affaires courantes et urgentes. Néanmoins, en cette période de crise, « la théorie des circonstances exceptionnelles » pourrait légalement fonder la prise de décisions n’entrant pas dans le champs d’application des affaires courantes et urgentes. Par ailleurs, leurs successeurs n’étant pas installés, le mandat des Maires et des adjoints sortants sera maintenu jusqu’à la tenue de cette séance d’installation ajournée (article L.2122-15 du CGCT). Leurs pouvoirs seront également limités à la gestion des seules affaires courantes et urgentes. 

Afin d’apprécier la possibilité de tenir une telle séance d’installation, le rapport, qui devra être remis au Parlement au plus tard le 23 mai 2020, devra examiner les risques sanitaires et les précautions à prendre pour l’élection du maire et des adjoints dans ces communes. 

Il s’agit ici, d’une première analyse rapide d’une des mesures de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. 

Nous exposerons l’ensemble des dispositions électorales de cette loi de manière plus approfondie dans le cadre d’un article à paraître prochainement dans la Gazette des Communes. A suivre donc…

EN SAVOIR PLUS

L’exécution des contrats publics face au Covid-19

Chers clients,

La crise actuelle engendrée par la diffusion du COVID 19 impacte chacun d’entre nous dans nos activités professionnelles. L’heure est à l’organisation de la continuité de nos entreprises en s’adaptant du mieux possible aux mesures de confinement.

L’exécution des contrats de la commande publique , qu’il s’agisse de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public, pourra parfois s’avérer impossible ou dégradée. Sur les conséquences d’une telle situation, il s’agira bien évidemment de porter une attention particulière à la réglementation ad hoc qui devrait être mise en œuvre par l’Etat : est notamment discutée actuellement une loi d’urgence qu’il conviendra d’examiner avec attention.

Ceci étant, à ce jour, il est utile d’examiner si les présents évènements pourraient constituer un cas de force majeure justifiant la suspension des obligations contractuelles. Si tel était le cas, la présente note a également pour objectif de vous faire part de quelques recommandations et éventuelles précautions à prendre.

 1/        La caractérisation d’un cas de force majeure

 1/ En droit, l’article 1218 du code civil dispose qu’ « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

Le juge administratif retient cette définition. Trois conditions sont ainsi nécessaires pour caractériser un tel évènement  : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité. Cette définition législative codifie l’interprétation constante effectuée par le Conseil d’Etat (CE, 29 janvier 1909, n°17614).

Même si la jurisprudence se montre généralement plutôt réticente à caractériser un cas de force majeure dans le cadre d’épidémies (voir, pour illustration, le refus pour l’épidémie de dengue, CA Nancy, 22 novembre 2010, n°09/00003), Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des finances, a annoncé que l’Etat considérerait, pour ses marchés, le COVID 19 comme tel.

Il est certain que l’épidémie actuelle est inédite par son ampleur et son étendue géographique, de sorte que la rigueur de la jurisprudence pourrait ne pas être un obstacle pour caractériser un cas de force majeure en l’espèce. 

2/ Comme le relève d’ailleurs la DAJ dans une fiche publiée le 18 mars 2020[i], sous réserve des stipulations contractuelles propres à chaque contrat aménageant les cas de force majeure, il semblerait à propos de ces trois conditions cumulatives que :

– L’événement serait bien imprévisible. Cette condition serait donc remplie en l’espèce.

– Cet événement serait aussi extérieur aux parties.  Cette condition serait donc également remplie

– En définitive, il s’agira d’apprécier si le prestataire ou l’acheteur public se trouve dans l’impossibilité absolue de poursuivre, momentanément ou définitivement, l’exécution de tout ou partie du marché public ou de la concession (délais, quantités, etc.).

Il conviendra donc, au cas par cas, de « vérifier effectivement si la situation résultant de la crise sanitaire actuelle, notamment le confinement, ne permet effectivement plus au prestataire de remplir ses obligations contractuelles » comme l’indique la fiche de la DAJ.

Les arguments suivants pourront être avancés pour caractériser la force majeure :

  •   En cas de nécessaire coactivité, impossibilité, en raison de la technicité des prestations à réaliser, de respecter les gestes « barrières » et les précautions édictées par le gouvernement,
  • L’exercice du droit de retrait par les salariés en application de l’article L.4531-1 du Code du travail du fait de la coactivité,
  • L’interruption des prestations par les fournisseurs, partenaires qui rend impossible l’exécution des prestations objet du marché,
  • […]

 Nos recommandations : ne pas oublier que sauf accord des parties il appartiendra aux juridictions judicaires et administratives saisies de la question d’apprécier souverainement si les trois critères susvisés sont remplis dans les cas qui leur seront soumis. D’où l’importance de se constituer des preuves des éléments concrets caractérisant la force majeure (courriers, attestations…).

En toute hypothèse, sans forcer le trait et sans faire preuve de mauvaise foi, après une analyse concrète de chaque situation, il conviendra pour les cocontractants de ne pas hésiter à se prévaloir d’un cas de force majeure afin de suspendre l’exécution de leurs obligations contractuelles, s’ils ne peuvent plus les assumer, pour échapper aux sanctions coercitives prévues par les stipulations du contrat.

2/        Les conséquences de la force majeure sur l’exécution des contrats en cours

1/ A supposer qu’un cas de force majeure soit établi, les titulaires devront appliquer strictement le formalisme prévu par le marché ou la concession. Le respect du formalisme prévu par le contrat permettra notamment au titulaire de ne pas se voir appliquer de pénalités (notamment de retard).

Le respect du formalisme prévu est primordial, sous peine de ne pas pouvoir se prévaloir ultérieurement du cas de force majeure (pour un exemple en ce sens, CAA Lyon, 28 novembre 1991, n°89LY00454), et de ne pouvoir dégager sa responsabilité du fait de l’inexécution des prestations. 

2/ S’agissant des marchés publics, sous réserve des éventuelles dispositions propres à chaque Cahier des clauses particulières, il conviendra, en premier lieu, de se référer au CCAG applicable :

  • Aux termes de l’article 18.3 du CCAG Travaux, en cas de force majeure, le titulaire doit signaler immédiatement les faits par écrit au pouvoir adjudicateur. Il est donc fondamental de notifier au plus vite au pouvoir adjudicateur les difficultés rencontrées en raison de la présente crise sanitaire.

 A cette occasion, le titulaire pourra demander une prolongation du délai de réalisation de ses prestations en application de l’article 19.2.2 du CCAG Travaux (dont l’importance sera proposée par le maître d’œuvre au pouvoir adjudicateur).

Il pourra également tenter de solliciter auprès du maître d’ouvrage une décision d’ajournement des travaux sur le fondement de l’article 49.1.1 du CCAG Travaux. L’intérêt pour l’entreprise est d’obtenir l’indemnisation des frais de garde du chantier et du préjudice subi du fait de l’ajournement, alors que l’indemnisation du préjudice imputable à la force majeure est plus limitée (cf. infra).

On constate d’ailleurs que certains maîtres d’ouvrage délivrent des décisions d’ajournement. Dans cette hypothèse, le titulaire prendra soin de formuler des réserves afin notamment de : 

  • Solliciter un constat contradictoire dressé dans les formes requises par l’article 12 du CCAG Travaux,
  • Solliciter une indemnité d’attente qui doit être fixée suivant les modalités prévues aux articles 14.3 et 14.4. 
  • Aux termes de l’article 13.3.1 du CCAG FCS, en cas de force majeure engendrant l’impossibilité de respecter les délais d’exécution, le pouvoir adjudicateur doit le prolonger. 

Toutefois, pour bénéficier d’une telle prolongation, le titulaire doit signaler au pouvoir adjudicateur les causes faisant obstacle à l’exécution du marché dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ces causes sont apparues ou dans un délai courant jusqu’à la fin du marché, dans le cas où le marché arrive à échéance dans un délai inférieur à quinze jours (article 13.3.2.). 

Le pouvoir adjudicateur dispose alors d’un délai de quinze jours, à compter de la date de réception de la demande du titulaire pour lui notifier sa décision. 

  • Le régime est identique pour les marchés publics régis par le CCAG PI (voir article 13.3.). 

Il s’agit d’être particulièrement prudent dans la mise en œuvre de ces  stipulations.  Il est possible que, pour l’ensemble du territoire, se prévaloir d’un cas de force majeure a pu naître suite aux mesures de confinement strictes imposées par le Gouvernement à compter du 17 mars 2020 et annoncées la veille. Quelques remarques s’imposent cependant : 

–      D’une part, la date du 17 mars 2020 pourrait éventuellement marquer le point de départ d’une situation de force majeure. Néanmoins, certaines régions de France ont été frappées plus tôt par cette épidémie et certaines mesures destinées à prévenir la pandémie ont été annoncées antérieurement ;

–      D’autre part, surtout, il ne s’agit pas pour le cocontractant d’informer sans raison son partenaire d’une situation de force majeure. La date à partir de laquelle il convient de se prévaloir de la force majeure court à compter de la date à laquelle celle-ci est apparue  : il s’agit donc d’apprécier au cas par cas chaque situation et de ne pas anticiper ou tarder à se prévaloir d’une situation de Force majeure s’il y a lieu. La prudence devra être de mise et il ne faudra peut-être pas en pratique hésiter à adresser plusieurs correspondances à son cocontractant notamment si la situation évolue. 

3/ S’agissant des contrats de concession ou contrats de partenariats, à défaut de CCAG existant, il convient de se référer au contenu de chaque convention ; une procédure particulière est d’ailleurs généralement prévue par les stipulations du contrat et il s’agit évidemment de la respecter à la lettre.

Par exemple, certains contrats de concession d’autoroute se bornent à préciser que la force majeure doit être « dûment constatée ». Le concessionnaire (ou réciproquement l’autorité concédante) est par ailleurs très souvent invité à se prévaloir de la survenance de la force majeure par un courrier adressé à l’autre dans un délai assez bref (de l’ordre de 8 à 15 jours) à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la survenance d’un tel évènement. En pratique, les conventions prévoient généralement que cette correspondance comporte a minima :

  • l’identification de la Force majeure ;
  • l’impact de la Force majeure sur l’exécution du Contrat ;
  • les mesures éventuellement envisageables pour limiter les conséquences de la cette Force majeure.

Sauf formalisme particulier à respecter, il est recommandé d’adresser ce courrier sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception. La signification par huissier ne paraît pas strictement nécessaire.

L’envoi de pli recommandé électronique est permis aujourd’hui. 

4/Il est important enfin d’insister sur le fait qu’un cas de force majeure peut également conduire le pouvoir adjudicateur à résilier le marché public, lorsque le titulaire est mis dans l’impossibilité d’exécuter le marché ou la concessions (cf. notamment les articles 31.1 du CCAG FCS et du CCAG PI)[ii].

Dans cette hypothèse, le pouvoir adjudicateur devra notifier au titulaire sa décision et la date d’effet de celle-ci. Une telle résiliation ouvre droit à une indemnité pour le titulaire selon les stipulations particulières du marché ou, à défaut, de celles figurant dans le CCAG applicable.

Dans le contexte actuel, un dialogue entre le pouvoir adjudicateur et le titulaire semble particulièrement important pour évaluer la possibilité ou non d’exécuter la convention et de réfléchir, dans une démarche partenariale, aux meilleures solutions à prendre. 

3/        Les éventuelles conséquences indemnitaires 

1/ Le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour permettre aux entreprises de faire face aux difficultés financières auxquelles elles risquent d’être confrontées dans les prochaines semaines.

Outre ces mesures, les différents leviers contractuels pour obtenir une indemnisation de la part du pouvoir adjudicateur devront être étudiés au cas par cas. Il s’agira là encore d’examiner le contenu de chaque contrat afin de vérifier notamment si une indemnisation et prévue ou non. 

Les entreprises affectées par l’épidémie devraient également être autorisées à recevoir des subventions publiques allant jusqu’à 500.000 euros ou des garanties d’Etat sur des prêts bancaires dans le cadre nouvelles règles provisoires de l’Union européenne. 

Dans le cadre de ces mesures temporaires, qui entreront en vigueur dans les prochains jours, les Etats seront également autorisés à faciliter l’accès à des prêts publics et privés à des taux d’intérêt bonifiés, c’est-à-dire à un niveau inférieur à ceux pratiqués sur les marchés. 

La commissaire européenne à la Concurrence vient d’annoncer que  ces mesures d’assouplissement de la réglementation européenne des aides d’Etat permettra aux entreprises de disposer de liquidités pour continuer à fonctionner et d’assurer une certaine cohérence au sein du marché européen. 

2/ Ceci ayant été précisé, A ce stade, en premier lieu, il peut notamment être rappelé qu’en principe, la force majeure a simplement pour effet de suspendre l’obligation d’exécuter le marché de sorte que les pénalités de retard ne sont pas applicables. Mais la force majeure n’ouvre pas de droit à indemnité sauf disposition contraire du marché. Il en est ainsi de l’article 18.3 du CCAG Travaux qui permet au  titulaire d’obtenir une indemnisation s’il a signalé immédiatement les faits par écrit. 

Le périmètre du droit à indemnisation n’est pas clair dans la mesure où cette clause n’est que peu appliquée ; il semble porter sur la réparation des pertes de matériel directement provoquées par le cas de force majeure et subies par le titulaire ou ses sous-traitants (CE, 11 décembre 1991, n°81588). En revanche, il convient de préciser que cette indemnisation ne porte ni sur le manque à gagner imputable à la résiliation du contrat (entraîné par la circonstance que le cas de force majeure a rendu définitivement impossible l’exécution du marché) ni les pertes non directement imputables au sinistre (CE, 11 décembre 1991, n°81588). 

En deuxième lieu, une indemnisation pourrait également être recherchée sur le terrain de l’imprévision, c’est-à-dire, « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat » (article L.6 du code de la commande publique)[iii]. Cette théorie repose sur l’idée que des charges extracontractuelles, non connues lors de la conclusion du contrat, doivent être couvertes par l’administration si elles pèsent lourdement sur le titulaire. Une telle charge « imprévisible » ouvre droit à une indemnisation afin de rétablir l’équilibre du contrat. Il s’agit alors d’identifier strictement cette nouvelle charge et d’en évaluer son ampleur afin d’établir l’indemnisation qui pourrait être demandée au pouvoir adjudicateur. La difficulté liée à la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision tient cependant au fait que l’exécution du contrat doit pouvoir être poursuivie : or, s’il existe un cas de force majeure, la poursuite de l’exécution de la convention peut s’avérer impossible et la théorie de l’imprévision pourra ne pas jouer. Là encore, il convient donc en réalité d’apprécier au cas par cas chaque situation sans invoquer à tort l’existence d’une situation de force majeure. 

En dernier lieu, si l’épidémie a conduit le pouvoir adjudicateur à modifier unilatéralement le contrat, sans toutefois en bouleverser l’économie, le titulaire peut également envisager un éventuel droit à une indemnisation. Dans une telle hypothèse, là aussi, des discussions avec l’autorité contractante pourront donc se tenir aux fins de convenir d’une indemnisation pour le titulaire. 

*** 

En définitive, il s’agit donc de ne pas céder à la panique et d’examiner chaque situation, au cas par cas. Il est recommandé aux opérateurs économiques et personnes publiques d’être particulièrement attentifs notamment sur les points suivantes :

  •  Le contenu de leurs conventions : la portée exacte de leurs obligations contractuelles ;
  •  Le respect du formalisme prévu et la preuve des situations décrites. 

Il faut également s’assurer de la portée du contenu de toute correspondance adressée au contractant : il s’agira par exemple de ne pas déclarer une situation de force majeure de manière prématurée ou au contraire de ne pas omettre de le faire dans les délais requis. De même, il faut faire attention de ne pas adresser d’éventuelles correspondances qui viendraient par exemple lier un contentieux indemnitaire (réclamation préalable ou autres), sans en avoir préalablement apprécier les conséquences. 

Nos avocats et juristes sont bien évidemment à votre disposition pour vous accompagner ou répondre à vos interrogations sur tous ces sujets

Notes :

[i] Fiche de la DAJ, 18 mars 2020, «  La passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire »

[ii] Le CCAG Travaux ne prévoit quant à lui pas expressément une telle possibilité mais celle-ci existe du fait du régime même applicable aux contrats administratifs (en ce sens, Conseil d’Etat, 9 décembre 1932, n° 89655, Compagnie de tramways de Cherbourg).

[iii] La théorie de l’imprévision a été consacrée par le Conseil d’État dans son arrêt du 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage du gaz de Bordeaux.

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La fonction publique face au Covid-19

L’épidémie de COVID-19 conduit le Gouvernement à prendre des mesures de plus en plus fortes pour encadrer ou interdire l’ouverture des établissements recevant du public et limiter les déplacements des citoyens.

Ces mesures impactent nécessairement les services des collectivités, qui doivent respecter les interdictions imposées par le Gouvernement et les recommandations formulées pour limiter la propagation du virus, tout en conciliant différents impératifs, parmi lesquels figurent notamment, la continuité des services publics essentiels et la protection de la santé des agents.

Nous présentons ci-dessous quelques règles de gestion des agents en cette période de crise sanitaire, et abordons la question du droit de retrait:

A. Comment l’autorité territoriale doit-elle gérer son personnel pendant l’épidémie de COVID-19 ?

Les annonces récentes du Président de la République et du Gouvernement incitent les collectivités territoriales, comme tout employeur, à mettre en place, lorsque cela est possible, le télétravail.

En effet, si tout travailleur peut encore, à ce jour, se déplacer pour se rendre sur son lieu de travail, le confinement est déclaré, et donc, le télétravail doit être privilégié.

Face à cette situation inédite, de nombreuses questions se posent, notamment, sur les modalités d’organisation du télétravail et sur la situation des agents qui ne peuvent pas accomplir leurs missions dans le cadre du télétravail, eu égard à la nature des missions qu’ils assurent, ou en raison des contraintes techniques liées au télétravail.

Par ailleurs, la situation des agents publics qui ont été exposés au virus, ou qui ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail car ils doivent assurer la garde de leurs enfants de moins de 16 ans privés d’école du fait des mesures décidées par le Gouvernement, pose question.

En l’état des textes et des recommandations formulées par diverses instances, et notamment par la DGAFP, il y a lieu de retenir que, lorsque le télétravail n’est pas possible, les mesures suivantes peuvent être prises :

–        Les agents qui sont soumis au régime général de la sécurité sociale (agents contractuels de droit privé, agents contractuels de droit public, et fonctionnaires occupant un emploi à temps non complet de moins de 28 heures hebdomadaires), sont susceptibles de bénéficier d’arrêts de travail, et du versement d’indemnités journalières dans deux hypothèses : 

  • Lorsqu’ils font l’objet d’une mesure d’isolement (ou leurs enfants), sur décision de l’ARS, pour avoir été en contact avec des personnes contaminées, ou avoir séjourné dans un foyer épidémique (cf. décret 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus), 
  • Lorsqu’ils doivent assurer la garde de leurs enfants de moins de 16 ans. 

–        Pour les fonctionnaires soumis au régime spécial (c’est-à-dire affectés sur un emploi à temps complet ou sur un emploi à temps non complet de 28 heures de travail hebdomadaire au moins) qui ne pourraient pas assurer leurs missions dans le cadre du télétravail et qui ne pourraient pas se déplacer pour assurer leurs missions (soit parce qu’ils doivent garder leurs enfants de moins de 16 ans, soit parce qu’ils doivent être placés à l’isolement), ils peuvent bénéficier d’autorisations spéciales d’absence, et donc, continuer à percevoir leurs rémunération, sans pour autant accomplir leur service.

L’administration semble également pouvoir attribuer des autorisations spéciales d’absence aux agents, en dehors des hypothèses exposées ci-dessus, lorsque ces derniers ne peuvent pas poursuivre leur activité dans le cadre du télétravail et qu’il a été décidé (du fait, par exemple, de la fermeture de l’équipement ou du service au sein duquel ils sont affectés), de les dispenser de leur activité (ce qui n’est, à ce jour, qu’une faculté).

B.    L’exercice du droit de retrait 

Les agents publics territoriaux peuvent faire valoir leur droit de retrait lorsqu’ils ont un motif raisonnable de penser que leur situation de travail présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé (cf. article 5-1 du décret n°85-603 du 10 juin 1985).

Dans le contexte épidémique actuel, il est possible que des agents, maintenus en fonction pour assurer la continuité des services, et qui ne peuvent pas recourir au télétravail, fassent valoir leur droit de retrait.

Confrontée à une telle situation, l’administration devra mettre en œuvre la procédure décrite par le décret du 10 juin 1985, qui diffère selon que ce droit de retrait s’accompagne ou non d’un signalement du danger par un membre du CHSCT.

Dans l’hypothèse où le droit de retrait était justifié, l’agent ne peut, ni être sanctionné, ni subir de retenue sur sa rémunération.

Il est bien entendu possible que l’épidémie COVID-19 soit de nature à placer les agents face à une situation de danger grave et imminent. Toutefois, cette seule épidémie ne peut justifier une reconnaissance automatique d’une telle situation, puisque le droit de retrait demeure un droit individuel, et que le danger grave et imminent doit s’apprécier au cas par cas, en fonction, notamment :

  • Du territoire sur lequel l’agent exerce ses fonctions (même si ce critère semble désormais, du fait de la propagation de l’épidémie, ne plus être opérant),
  • De son poste de travail (et notamment du fait que son poste de travail l’expose ou non à un contact avec le public),
  • De son état de santé (l’existence d’une pathologie permettant de considérer que l’agent est « vulnérable » face au virus),
  • Des mesures mises en œuvre par l’administration pour faire respecter les recommandations du Gouvernement pour lutter contre le COVID-19.

Ces différents critères, notamment, devront être pris en compte dans l’hypothèse où des agents entendaient faire valoir leur droit de retrait, pour déterminer la réponse à leur apporter.

Sur ce point, il convient enfin de rappeler que le droit de retrait ne peut s’exercer que s’il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.

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Mesures Covid-19 : nous sommes à vos côtés

Nous entrons dans une période qui sera difficile pour chacun d’entre nous, et que nous vous souhaitons de traverser le mieux possible.

Le travail à distance fait partie de notre quotidien d’avocat. Dès lors, les mesures prises par le gouvernement n’auront aucun impact sur la gestion de vos dossiers. Nos systèmes informatiques nous permettent déjà de vous garantir la totale confidentialité de nos échanges, et d’organiser des conférences téléphoniques pour remplacer les réunions physiques.

Conformément aux prescriptions imposées par le gouvernement, nous fermons donc immédiatement nos locaux et l’accueil téléphonique. Nos équipes sont organisées en télétravail et sont en mesure d’assurer le suivi des dossiers, ainsi que de répondre à vos interrogations. Elles sont joignables sur leurs adresses mails, et leurs portables.

Nous restons ainsi à vos côtés, et vous souhaitons à tous bon courage.

Le débiteur de l’indemnité d’éviction en cas de démembrement de la propriété

Article publié au sein de la « Revue des Loyers» n°1003 de janvier 2020

Cass. 3e civ., 19 déc. 2019, n° 18-26.162, P+B+I

Mots-clés : Bail commercial • Démembrement de la propriété • Nu-propriétaire • Usufruitier • Congé • Indemnité d’éviction

Textes visés : Code de commerce – Article L. 145-14 – Code civil – Article 595
Repère : Le Lamy Baux commerciaux, n° 420-11

En cas de démembrement de propriété, seul l’usufruitier a la qualité de bailleur et doit, en conséquence, assumer, le cas échéant, le paiement de l’indemnité d’éviction due au preneur à bail commercial.

ANALYSE

La détermination du débiteur de l’indemnité d’éviction constitue un enjeu majeur en matière de baux commerciaux dans la mesure où le montant de l’indemnité d’éviction peut être conséquent et dépasser, dans certains cas, la valeur des murs.

À cet égard, afin notamment de protéger le preneur, la vente de l’immeuble ne décharge pas le précédent bailleur de payer l’indemnité d’éviction, même si l’acte de vente prévoit que l’acquéreur est seul débiteur de l’indemnité d’éviction. En effet, il s’agit d’une délégation imparfaite, de sorte que le locataire peut valablement demander le paiement de l’indemnité d’éviction à l’ancien bailleur qui a délivré le congé mais également au nouveau propriétaire 1.

Qu’en est-il en cas de démembrement de la propriété ?

Dans le cadre d’un arrêt motivé, la Cour de cassation définit de manière didactique qui est le débiteur de l’indemnité d’éviction en cas de démembrement de la propriété, en se fondant sur les obligations de l’usufruitier en matière de bail commercial, qui a seul la qualité de bailleur (II). Il convient préalablement de présenter les faits d’espèce et la solution retenue (I).

I – Sur les faits d’Espèce et la solution retenue

Dans le cadre de l’arrêt commenté, un usufruitier et un nu-propriétaire avaient délivré ensemble un congé comportant refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction à leur locataire.

Ce congé a par la suite été déclaré sans motif grave et légitime, de sorte que le preneur avait droit au versement d’une indemnité d’éviction puisque le congé qui lui avait été délivré avait mis fin au bail commercial dont il était titulaire.

La question qui se posait alors était de savoir qui était débiteur de cette indemnité d’éviction puisque le congé avait été délivré, d’une part, par l’usufruitier et, d’autre part, par le nu-propriétaire.

L’arrêt ayant fait l’objet d’un pourvoi prévoyait une condamnation solidaire du nu-propriétaire et de l’usufruitière pour régler l’indemnité d’éviction due au locataire.

Cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse le 3 octobre 2018 est censuré au motif que seul l’usufruitier est débiteur de l’indemnité d’éviction, quand bien même le congé a également été délivré par le nu-propriétaire.

Pour arriver à cette solution, la Cour de cassation fonde son analyse sur les obligations pesant sur l’usufruitier qui a, seul, la qualité de bailleur.

II – Sur les obligations de l’usufruitier, qui a, seul, la qualité de bailleur

Dans le cadre d’une motivation détaillée, la Haute juridiction prend la peine de rappeler que, en cas de démembrement de la propriété, l’usufruitier ne peut pas consentir un bail commercial ou même le renouveler sans le concours du nu-propriétaire, et ce en application de l’article 595, alinéa 4, du Code civil qui dispose : « L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte » 2.

La Cour de cassation cite, à cet égard, un arrêt du 24 mars 1999 3 aux termes duquel cette impossibilité pour l’usufruitier de conclure un bail commercial porte tant sur la conclusion du bail initial que sur le renouvellement puisque le texte de l’article 595, alinéa 4, du Code civil interdit en principe à l’usufruitier de « donner à bail (…) un immeuble à usage commercial » sans distinguer s’il s’agit de la conclusion du bail initial ou du renouvellement de bail 4.

La Cour de cassation passe ensuite à la seconde étape de son raisonnement consistant à distinguer la situation de la conclusion du bail de la situation relative à la délivrance d’un congé.

En effet, la Haute juridiction rappelle que l’usufruitier a le pouvoir de mettre fin au bail commercial et de notifier, en conséquence, au preneur un congé avec refus de renouvellement sans que le concours du nu-propriétaire ne soit nécessaire.

Elle cite à cet égard un arrêt du 29 janvier 1974 5 aux termes duquel l’usufruitier peut valablement délivrer un congé à un locataire, sans avoir à recueillir l’accord de son nu-propriétaire.

En conséquence, il convient de distinguer la situation de l’usufruitier selon qu’il s’agit :

  • de conclure un bail (qu’il s’agisse du bail initial ou d’un renouvellement) : en ce cas, l’usufruitier doit recueillir l’accord du nu-propriétaire ou, le cas échéant, une autorisation judiciaire ;
  • de délivrer un congé : dans une telle situation, l’usufruitier peut intervenir seul, sans l’accord du nu-propriétaire, puisqu’aucune disposition de l’article 595 du Code civil ne vient limiter les pouvoirs de l’usufruitier.

Indépendamment de cette distinction, qui repose sur l’étendue des pouvoirs de l’usufruitier, la Cour de cassation justifie la censure de l’arrêt de la cour d’appel par le fait que seul l’usufruitier à la qualité de bailleur et qu’il doit, à cet égard, assumer toutes les obligations du bailleur vis à vis du preneur.

Il est vrai qu’en application d’une jurisprudence établie 6, l’usufruitier a la qualité de bailleur et il doit en conséquence supporter, seul, les réparations et travaux exigibles au regard de son obligation de délivrance.

Toutefois, en l’espèce, le congé a été signifié par l’usufruitier et le nu-propriétaire.

Dans ces conditions, il aurait été possible de considérer que l’usufruitier et le nu-propriétaire, qui ont décidé d’un commun accord de délivrer un congé comportant refus de renouvellement, devaient être solidairement tenus au paiement de l’indemnité d’éviction.

La Cour de cassation a privilégié une interprétation stricte des dispositions relatives au démembrement de propriété en considérant que, dans la mesure où seul l’usufruitier a, en principe, la qualité de bailleur, le nu-propriétaire ne peut pas être condamné solidairement à régler ladite indemnité.

À cet égard, il convient de rappeler qu’en cas d’indivision, l’indemnité d’éviction est due par chacun des indivisaires.

Toutefois, cette responsabilité solidaire des différents indivisaires à comme corollaire le fait que le refus de renouvellement doit, sous peine de nullité, être signifié au nom et avec l’autorisation de chacun des coindivisaires ou, le cas échéant, après l’autorisation prévue par les articles 818-5 ou 815-6 du Code civil.

Par Hanan CHAOUI
Docteur en droit,
Avocat Associé,
Delcade, société d’avocats

1 Cass. 3e civ., 30 mai 2001, n° 00-10.111, Bull. civ. III, n° 69.

2 « L’usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. Les baux que l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve. Les baux de neuf ans ou au-dessous que l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit. L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte » (C. civ., art. 595).

3 Cass. 3e civ., 24 mars 1999, n° 97-16.856, Bull. civ. III, n° 78.

4 Il convient à cet égard de préciser que par un arrêt du 14 mars 2019 (Cass. 3ème civ. 14 mars 2019, n°17-27560), la Cour de cassation a déclaré nul un avenant conclu par un usufruitier, sans l’accord des nues-propriétaires, et qui prévoyait une réduction du loyer prévu dans le bail commercial.

5 Cass. 3e civ., 29 janv. 1974, n° 72-13.968, Bull. civ. III, n° 48.

6 Voir notamment, Cass. 3e civ., 13 déc. 2005, n° 04-20.567.

TEXTE DE LA DÉCISION (EXTRAITS)

« Sur le premier moyen :
Vu l’article 595, alinéa 4, du Code civil, ensemble l’article L. 145-14 du Code du commerce ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 3 octobre 2018), que, le 5 mars 2004, Mme X veuve V, usufruitière, et Mme D, nue-propriétaire, d’un immeuble à usage commercial, ont délivré à M. et Mme T, preneurs, un refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction, lequel, par arrêt du 20 février 2008, a été déclaré sans motif grave et légitime ;
Attendu que, pour condamner in solidum Mmes X veuve V et D à payer l’indemnité d’éviction due aux preneurs, l’arrêt retient que Mme V et Mme D, laquelle a la qualité de bailleur, ayant, ensemble, fait délivrer un refus de renouvellement, sont toutes les deux redevables de l’indemnité d’éviction dès lors que l’acte de refus de renouvellement excède les pouvoirs du seul usufruitier ;

Attendu qu’en cas de démembrement de propriété, l’usufruitier, qui a la jouissance du bien, ne peut, en application de l’article 595, dernier alinéa, du Code civil, consentir un bail commercial ou le renouveler sans le concours du nu-propriétaire (3e Civ., 24 mars 1999, pourvoi n° 97-16.856, Bull. 1999, III, n° 78) ou, à défaut d’accord de ce dernier, qu’avec une autorisation judiciaire, en raison du droit au renouvellement du bail dont bénéficie le preneur même après l’extinction de l’usufruit ;
Qu’en revanche, l’usufruitier a le pouvoir de mettre fin au bail commercial et, par suite, de notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement (3e Civ., 29 janvier 1974, pourvoi n° 72-13.968, Bull. 1974, III, n° 48) ;
Qu’ayant, seul, la qualité de bailleur dont il assume toutes les obligations à l’égard du preneur, l’indemnité d’éviction due en application de l’article L. 145-14 du Code de commerce, qui a pour objet de compenser le préjudice causé au preneur par le défaut de renouvellement du bail, est à sa charge ;

Qu’en condamnant la nue-propriétaire, in solidum avec l’usufruitière, alors que l’indemnité d’éviction n’était due que par celle-ci, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS,
CASSE ET ANNULE (…) ».

Cass. 3e civ., 19 déc. 2019, n° 18-26.162, P+B+I

Inauguration de notre nouveau bureau à Rennes

Après Marseille en novembre 2019, nous ouvrons cette année notre cinquième bureau français à Rennes. Cette nouvelle implantation géographique concrétise une des valeurs qui nous tiennent à coeur au cabinet : la proximité avec nos clients.

Jeudi 12 mars, c’est avec nos clients et partenaires que nous avons célébré le lancement de cette nouvelle aventure sous la responsabilité de Lucie Paitier.

Ouverture d’un nouveau bureau à Rennes, sous la responsabilité de Lucie Paitier

ADAMAS ouvre à Rennes son 5ème bureau français. 

Le cabinet poursuit ainsi son maillage géographique dans une région attractive et dynamique. L’objectif est d’offrir un service juridique de haute qualité aux acteurs économiques du grand ouest, exerçant notamment leurs activités dans les domaines suivants : agriculture et pêche, tourisme, économie numérique, énergies renouvelables marines, construction, recherche et innovation, ports. ADAMAS entend développer ses compétences, dans le grand ouest, sur des activités juridiques à haute valeur ajoutée, en particulier dans les secteurs de l’énergie, de l’environnement, des contrats publics et de la valorisation du domaine public.

Parmi les clients du cabinet, figurent déjà plusieurs acteurs du grand ouest : le Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire, et l’EPCI du Golfe du Morbihan Vannes agglomération et la SPL Destination Saint-Malo Baie du Mont-Saint-Michel.  

Ce nouveau bureau sera placé sous la responsabilité de Lucie Paitier, qui a rejoint le cabinet depuis 2012, et qui aura la charge de poursuivre le rayonnement national d’ADAMAS.   

ADAMAS se réjouit d’accompagner Lucie dans ce projet personnel qu’elle a initié ; c’est un juste retour des choses pour cette collaboratrice qui s’est pleinement investie dans le cabinet, et une façon de témoigner à nos équipes toute notre confiance et notre volonté de les faire grandir avec nous.

A propos de Lucie Paitier

Lucie Paitier est avocate chez Adamas depuis 2012.  

Originaire du Morbihan et ayant effectué ses premières années d’études de droit à l’université de Rennes 1, il s’agit d’une région qu’elle connait bien.

Lucie Paitier a développé une expertise reconnue en droit de l’énergie, droits des contrats publics et droit de l’environnement, en particulier dans les secteurs des énergies renouvelables, du réseau de distribution d’électricité, des déchets, de la maitrise d’ouvrage publique et des entreprises publiques locales.  

Elle conseille depuis plusieurs années la société Enedis, sur de nombreuses thématiques : le renouvellement des concessions de distribution d’électricité, le tarif d’utilisation du réseau public de distribution, l’implantation des ouvrages du réseau. Lucie Paitier a joué un rôle majeur dans le cadre de la définition de la stratégie de défense déployée par la société Enedis dans le cadre du déploiement du compteur communicant « Linky ».

Elle accompagne également des Grands ports maritimes concernant des problématiques liées aux sites/sols pollués, à l’occupation du domaine public portuaire, ou encore des développeurs dans le cadre de l’implantation de projets d’énergies renouvelables. Elle accompagne encore la SPL Saint-Malo Baie du Mont-Saint-Michel dans le cadre de la passation des marchés concernant le Palais du grand large. 

EN SAVOIR PLUS

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Création de la SEML ÉLINA – Développement de projet d’Énergies Renouvelables en Creuse et en Haute-Vienne

Le 5 mars 2020, au siège du Syndicat Énergies Haute-Vienne (SEHV), signature de la documentation créant la Société d’Economie Mixte Locale ÉLINA qui a notamment pour objet le développement et la promotion des énergies renouvelables.

Actionnaires de la société : le SEHV, le Syndicat Départemental des Énergies de la Creuse (SDEC 23), la Caisse des Dépôts et Consignations, la société SERGIES, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre France, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest.

Cette société est l’aboutissement d’un travail d’études de faisabilité technique, juridique et économique pour la création d’une structure de développement et de promotion des énergies renouvelables sur les territoires de la Creuse et de la Haute-Vienne. Ces études menées par le SDEC23 et le SEHV ont été réalisées avec l’assistance du cabinet Adamas (juridique), de Finance Consult (financier) et d’Inddigo (technique).

Dans ce cadre, le cabinet Adamas a d’abord analysé les différents types de structures envisageables, et a validé la faisabilité juridique d’un montage en SEML.

Dans un deuxième temps, le cabinet Adamas a accompagné les futurs actionnaires de la société pour la mise en place juridique de la structure. A ce titre, le cabinet a rédigé les statuts de la société, le pacte d’actionnaires, le règlement intérieur du comité technique, les délibérations des deux syndicats et les procès-verbaux de l’assemblée générale constitutive et du premier conseil d’administration.

Le cabinet a enfin accompli l’ensemble des formalités de constitution de la SEML ÉLINA.

Sont intervenus :

  • Jérôme Lépée et Clément Nourrisson (Droit public, Énergie, Économie mixte)
  • Marie-Christine Combes et Pauline Philippon (Droit des Sociétés)

Coronavirus et reprise du travail : focus sur les mesures fiscales et financières mises en place

En raison de l’apparition de la COVID-19 au début de 2020 en Chine, des précautions très strictes ont été mises en place par les autorités chinoises pour prévenir toute diffusion de l’épidémie.

Au regard de cette situation exceptionnelle, les instances gouvernementales, au niveau national et local, ont pris plusieurs mesures fiscales et financières afin de stimuler la reprise économique et venir en aide aux entreprises qui font face à d’énormes difficultés de fonctionnement et de production.

Nous présentons ci-dessous quelques mesures clés adoptées dans plusieurs provinces.

EN SAVOIR PLUS

https://www.village-justice.com/articles/tax-and-financial-supportive-measures-work-resumption-amid-covid,34001.html

Petit-déjeuner – Paris – RGPD et commande publique : premier bilan

EVENEMENT ANNULE EN RAISON DU CONFINEMENT.

REPORT A UNE DATE ULTERIEURE, EN FONCTION DU DECONFINEMENT.

Deux ans après son entrée en vigueur, quel bilan tirer du RGPD dans les contrats de la commande publique ? Quel impact en matière de passation et d’éxécution ? Quelles obligations respectives des acheteurs/autorités concédantes et de leurs cocontractants ?

Laurent Sery, Elisabeth Lançon, Claire Bertheux-Scotte et François Fourmeaux vous proposent un petit-déjeuner pour couvrir ces questions à Paris, le jeudi 23 avril 2020.

Déroulé :

  • 8h45-9h: accueil et petit-déjeuner
  • 9h-10h30 : présentation
  • 10h30-11h : questions-réponses

Public visé :

Acheteurs (para)publics et autorités concédantes ainsi que leurs prestataires et cocontractants

Ce que l’entreprise doit savoir sur le traitement des déchets

Me Jean-Marc Petit, avocat associé au cabinet Adamas, fait le point sur les obligations de l’entreprise concernant le traitement de ses déchets.

L’entreprise est responsable de ses déchets

De manière générale, une entreprise, en tant que producteur ou détenteur de déchets, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément à la réglementation. Elle en est responsable jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, et ce, même lorsque le déchet est transféré à un tiers à des fins de traitement. Les producteurs de déchets doivent donc veiller à choisir des filières conformes à la réglementation et s’assurer de la bonne fin de leur élimination ou valorisation. […]Source : 

Le Progrès (Lyon)

Economie 69, mardi 3 mars 2020 494 mots, p. Economie 6914 

Un tiers à une transaction administrative ne peut se prévaloir de ses stipulations

Un tiers à une transaction administrative ne peut se prévaloir des stipulations de cette convention conclue par une personne publique, dans un contentieux qui l’oppose à cette même personne publique et portant sur l’exécution d’un contrat qu’il a passé avec elle.

Rappel pratique : La conclusion d’une transaction administrative est sans effet sur les droits des tiers. Aussi, dans un litige contractuel opposant une collectivité à plusieurs entreprises, le règlement définitif du litige suppose qu’il ait été transigé avec l’ensemble des parties.

Source : AJ Collectivités Territoriales 2020 p.97

L’appel à projets : l’impossible définition ?

L’appel à projets continue à traverser les époques, en échappant aux affres des réformes de la commande publique. Les personnes publiques sont toujours nombreuses à avoir recours à cette procédure : si ce choix paraît présenter des avantages certains, dont notamment le bénéfice d’un cadre assez souple pour nouer un partenariat avec des tiers, il n’est pas sans risques en raison de l’absence de définition précise de cette notion. Source :  Le Moniteur – Contrat public  –  N° 206 –  Février 2020, p.16.

Webinaire CCI Chine – Club Agro-alimentaire

PRODUCTION, TRANSPORT ET LOGISTIQUE : 

LES ENTREPRISES FRANÇAISES DU SECTEUR AGROALIMENTAIRE EN CHINE À L’HEURE DU COVID-19  

L’épidémie de coronavirus est une épreuve pour l’ensemble des secteurs économiques en Chine. Le Club Agro-alimentaire de la CCI FRANCE CHINE et le Service économique de l’Ambassade de France en Chine ont souhaité fournir un éclairage plus particulier sur un maillon-clé de la chaîne de production qui est celui du transport et de la logistique. C’est pourquoi il vous est proposé d’entendre le témoignage d’acteurs français importants implantés en Chine, dans les domaines du transport et de l’agroalimentaire.

Alban Renaud animera ce webinaire le jeudi 5 mars.

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