Conseil d’une SEM spécialisée dans la mobilité urbaine dans le cadre de la réflexion sur l’évolution de son statut juridique

création d’une SPL adossée à la SEM existante et mutualisation de leurs moyens au sein d’un groupement d’intérêt économique et d’un groupement d’employeurs

Valeur du dossier :

CA de la SEM : 39 000 000 euros.

Assistance d’un agrégateur de flexibilités dans un contentieux portant sur la contestation de pénalités appliquées par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité dans le cadre du mécanisme d’ajustement.

valeurs du dossier:

Montant des pénalités contestées : 2,9 millions d’euros.

Loi Climat et résilience : ce qui change en matière de réduction de la consommation d’énergie des biens immobiliers

En bref

La loi Climat et résilience aborde très frontalement la problématique de la rénovation énergétique des immeubles d’habitation et des bâtiments tertiaires. L’ensemble des mesures introduites par le texte suit, globalement, une logique de meilleure information, d’analyse préalable du niveau de performance énergétique puis de contrainte à la rénovation des immeubles énergivores. De très rares exceptions, tenant au caractère patrimonial des immeubles notamment, sont introduites.

L’entrée en vigueur de l’ensemble des dispositions sera progressive, puisqu’elle s’étalera de 2022 à 2034. L’effort financier induit, même étalé voire mutualisé, restera considérable.

Jusqu’à la fin du XXe siècle, la diminution de la consommation d’énergie a uniquement été abordée comme un mal nécessaire à la préservation des intérêts économiques de la France et des Français. Les premiers textes applicables en matière de construction(1) ne faisaient, en effet, que peu de cas de préoccupations environnementales et demeuraient d’un champ d’application particulièrement limité : ils réglementaient seulement la construction neuve de bâtiments à usage d’habitation.

Une première démarche globale a été entreprise par le législateur avec la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, laquelle a défini des mesures techniques nationales pour réduire la consommation d’énergie et limiter les sources d’émission de polluants, notamment applicables aux bâtiments à usage d’habitation et aux bâtiments tertiaires appartenant aux personnes privées et publiques.

Mise au-devant de l’urgence climatique naissante, la France a intégré la Charte de l’environnement au préambule de la Constitution en 2005, Charte dont l’article 6 dispose notamment que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable ».

Depuis la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dite « loi Grenelle I », dont certaines dispositions étaient toutefois cantonnées à des déclarations d’intention sans réelle force obligatoire(2), l’on constate une multiplication des normes visant la transition écologique, et particulièrement la sobriété énergétique.

Aujourd’hui, le parc immobilier tertiaire des personnes publiques représente environ 380 millions de mètres carrés, dont approximativement 280 millions pour les collectivités locales(3). Ce patrimoine est important en nombre, souvent disparate et fréquemment énergivore. Il est couramment évoqué que les trois quarts de la consommation d’énergie d’une commune sont liés à l’exploitation de son patrimoine immobilier bâti.

Le secteur résidentiel n’est guère plus sobre, puisque, toutes énergies confondues, le chauffage représente 66 % de la consommation énergétique qu’il génère(4).

C’est dans ce contexte qu’a été promulguée la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et résilience », laquelle fait suite à la convention citoyenne pour le climat.

Ce texte vise ainsi à faire « pénétrer l’écologie au coeur du modèle français et irriguer concrètement la société française dans ce qu’elle a de plus fondamental : l’école, les services publics, la vie en entreprise, la Justice, mais aussi le logement et l’urbanisme, la publicité, la mobilité »(5).

L’objectif de réduction de la consommation d’énergie des bâtiments fait donc l’objet d’une attention particulièrement soutenue, au sein du titre V de la loi (art. 148 à 251).

Obligations en matière de réduction de consommation énergétique des bâtiments à usage d’habitation largement renforcées

Alors qu’environ 4,8 millions de « passoires thermiques » (classes F et G du diagnostic de performance énergétique) ont été récemment recensées(6), la loi Climat et résilience aborde la majeure partie des réglementations spéciales relatives au logement, après avoir élevé au rang de norme légale la classification énergétique de A à G(7).

Travaux d’isolation par l’extérieur facilités


Au regard des protections constitutionnelles et légales dont jouit le droit de propriété, le contentieux de l’empiétement fait l’objet d’une jurisprudence particulièrement sévère, qui tend certes à s’assouplir progressivement(8).

C’est pour palier ses effets que le législateur a créé un droit de surplomb d’une propriété voisine(9), sur une profondeur de trente-cinq centimètres au plus, afin de permettre l’isolation par l’extérieur d’immeubles qui seraient implantés en limite de propriété.

Sauf meilleur accord avec le propriétaire voisin, l’ouvrage d’isolation par l’extérieur ne peut être réalisé qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol.

Le droit de surplomb s’accompagne d’un droit de tour d’échelle pour le temps des travaux d’isolation, chacun d’eux faisant l’objet d’un acte et d’une indemnisation spécifiques.

Le voisin peut s’opposer à l’exercice du droit de surplomb, mais uniquement dans un délai de six mois à compter de la notification du projet et pour un motif sérieux et légitime.

On peut sans peine imaginer au moins l’un d’eux : celui tenant à la construction, sur le terrain concerné, d’un immeuble qui viendrait lui aussi en limite séparative. Encore faudra-t-il, certainement, justifier du sérieux du projet et de son délai.

Copropriétés fortement incitées à poursuivre leurs efforts en matière de maîtrise des consommations énergétiques


Verdissement des copropriétés – Intensifié depuis les lois n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite « loi ALUR », et n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi ELAN » – l’on pense notamment aux obligations de constitution d’un fonds de travaux, de tenue d’un carnet d’entretien, de réalisation d’un diagnostic technique global et d’individualisation des frais de chauffage – le travail de verdissement des copropriétés a été poursuivi par le législateur.

Par application de la réglementation antérieure :

– les copropriétés de plus de cinquante lots, équipées d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, avaient jusqu’au 1er janvier 2017 pour réaliser(10) :

• un audit énergétique pour les copropriétés dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001 ;

• un diagnostic de performance énergétique pour les copropriétés plus récentes ;

– les copropriétés ne disposant pas d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement devaient seulement se prononcer sur l’opportunité d’un diagnostic technique global, à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965(11).

Désormais, la loi Climat et résilience subordonne « tout bâtiment d’habitation collective dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 »(12) à la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique selon les modalités de l’article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

Cette nouvelle harmonisation est toutefois d’application progressive :

– au 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus 200 lots ;

– au 1er janvier 2025 pour celles comprenant entre 50 et 200 lots ;

– au 1er janvier 2026 pour celles comptant moins de 50 lots.

Le diagnostic de performance énergétique devra être renouvelé tous les dix ans, sauf si un diagnostic réalisé après le 1er juillet 2021 révèle une performance énergétique de l’immeuble égale ou supérieure à la classe C.

Il est fait obligation au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale immédiatement postérieure à la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique un vote sur la conclusion d’un contrat de performance énergétique ou l’établissement d’un plan de travaux d’économies d’énergie(13).

Projet de plan pluriannuel de travaux – Cette dernière obligation renvoie naturellement à une autre mesure majeure introduite par la loi Climat et résilience, applicable à compter du 1er janvier 2023 pour les copropriétés de plus de 200 lots, puis du 1er janvier 2024 pour celles comprenant entre 50 et 200 lots, puis du 1er janvier 2025 pour celles comptant moins de 50 lots : l’obligation, pour les copropriétés à usage partiel ou total d’habitation réceptionnées depuis plus de quinze ans, d’établir un projet de plan pluriannuel de travaux.

Ce document doit consigner :

« 1° La liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé

et de la sécurité des occupants, à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

2° Une estimation du niveau de performance au sens de l’article L. 173-1-1 dudit code que les travaux mentionnés au 1° du présent I permettent d’atteindre ;

3° Une estimation sommaire du coût de ces travaux et leur hiérarchisation ;

4° Une proposition d’échéancier pour les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire dans les dix prochaines années »

Le projet de plan pluriannuel de travaux doit ensuite faire l’objet :

– d’une adoption partielle ou totale au cours de l’assemblée générale immédiatement postérieure à sa réalisation ou à sa révision décennale obligatoire, à la majorité de l’article 24 ;

– puis d’une mise en oeuvre progressive au cours des assemblées générales subséquentes, également à la majorité de l’article 24.

Les dispositions relatives au fonds travaux sont, elles, retouchées et insérées dans un nouvel article 14-2-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Autres mesures – Signalons que les offices publics de l’habitat, les sociétés anonymes d’habitation à loyer modérés et les sociétés anonymes coopératives de production d’habitations à loyer modéré peuvent désormais obtenir un mandat du syndicat des copropriétaires dont ils sont membres afin de « réaliser […] toute opération ou tous travaux de rénovation énergétique »(14).

Il est également intéressant de relever que le respect d’un plan pluriannuel de travaux programmant des travaux de sauvegarde d’une copropriété et de mise en sécurité de ses occupants peut être contrôlé par les autorités investies des pouvoirs de police spéciale de la sécurité et de la salubrité des immeubles(15), lesquelles peuvent élaborer ou actualiser d’office un projet de plan pluriannuel de travaux en lieu et place d’un syndicat de copropriétaires défaillant. Ces pouvoirs de police spéciale n’ont toutefois pas été élargis au contrôle du niveau de performance énergétique des copropriétés.

Enfin, l’on peut regretter que le législateur n’ait pas saisi l’opportunité d’harmoniser la loi de 1965 avec la réglementation relative à l’autoconsommation collective. L’occasion était belle, pourtant, de lever les freins au déploiement massif des opérations d’autoconsommation collective par les copropriétés.

Bailleurs de « passoires énergétiques » sommés d’investir dans leurs propriétés


Un dispositif dissuasif – L’arsenal législatif mis en place contre les bailleurs de « passoires thermiques », trop souvent destinées à des populations précarisées, est particulièrement dissuasif.

Les articles 17 à 17-2 de la loi du 6 juillet 1989, relatifs à la fixation du loyer, à sa révision et à sa réévaluation en cas de renouvellement de bail, sont modifiés. Dès le 25 août 2022 en métropole,

pour les baux conclus ou renouvelés portant sur des locaux très énergivores (classes F et G) :

– le loyer d’un nouveau bail ne pourra excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire ;

– la révision du loyer ou sa majoration à raison de travaux expressément stipulés ne pourra être appliquée ;

– lors du renouvellement, un loyer manifestement sous-évalué ne pourra être réévalué.

Logement décent – Autre mesure largement relayée : l’intégration des classes énergétiques de l’article L. 173-1-1 du CCH parmi les critères du logement décent.

Aux termes de l’article 6 modifié de la loi du 6 juillet 1989, seuls seront considérés comme des logements décents les logements métropolitains classés :

– de A à F à compter du 1er janvier 2025 ;

– de A à E à compter du 1er janvier 2028 ;

– de A à D à compter du 1er janvier 2034.

Il en résulte une interdiction progressive de la mise en location des logements très énergivores puisque ceux qui ne répondent pas, à chaque échéance, aux classes fixées seront considérés comme non décents.

Un propriétaire-bailleur pourra être condamné par le juge civil à réaliser des travaux de rénovation énergétique de son bien, sauf s’il démontre avoir réalisé des travaux dans ses parties privatives et avoir tenté en vain de convaincre le syndicat des copropriétaires de réaliser des travaux sur les parties communes, ou prouve que le bien en question est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte d’un niveau de performance minimal.

Si aucun lien explicite entre ces mesures et le régime des polices spéciales de la sécurité et de la salubrité des immeubles n’est introduit par la loi, l’on peut toutefois saluer l’introduction du critère de décence (et donc de performance énergétique) parmi les conditions d’obtention de l’autorisation préalable de mise en location(16), dans les secteurs où cette dernière a été mise en place.

L’ensemble de ces dispositions, applicable aux logements nus comme aux meublés, traduit l’objectif clairement affiché par le gouvernement : les propriétaires de « passoires thermiques » seront obligés de réaliser des travaux de rénovation énergétique s’ils souhaitent conserver et surtout exploiter leurs biens de rapport.

S’il est difficile de mesurer l’efficacité d’une disposition à l’aune de son effet d’annonce, force est de constater que ce dernier est bien réel. Environ un tiers des propriétaires-bailleurs personnes physiques souhaiteraient céder leurs biens de rapport à raison des nouvelles obligations introduites par la loi Climat et résilience(17)…

Vendeurs obligés d’informer plus encore les acquéreurs potentiels


Le devoir précontractuel d’information du vendeur, déjà largement règlementé, se trouve encore étoffé par le législateur.

Ainsi, dès la première visite, devront être remis au candidat acquéreur :

– un état des risques naturels et technologiques en zone minière ou de recul du trait de côte ;

– un audit énergétique pour les logements classés G et F (dès le 1er septembre 2022), E (au 1er janvier 2025) puis D (au 1er janvier 2034).

Ces documents devront intégrer le dossier de diagnostics techniques remis à l’acquéreur au plus tard le jour de la réitération de la vente.

Devront également être remis à l’acquéreur le carnet d’information du logement, ainsi que le plan pluriannuel de travaux de l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965, s’il existe(18).

Obligations en matière de réduction de consommation énergétique des bâtiments tertiaires précisées

Une mécanique complexe…


Obligations renforcées – L’article 175 de la loi ELAN avait introduit de fortes obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie des bâtiments tertiaires existants, désormais codifiées aux articles L. 174-1 et suivants puis R. 174-22 et suivants du CCH.

Les articles 176, 180 et 189 de la loi Climat et résilience, ainsi que l’arrêté du 29 septembre 2021(19), sont venus amender et préciser le dispositif mis peu à peu en place, et dont l’application effective à la quasi-totalité des bâtiments tertiaires appartenant aux personnes privées et publiques approche à grands pas.

À l’exception des édifices religieux, des constructions provisoires et des bâtiments de défense et de sécurité, sont concernés tous les bâtiments détenus ou pris à bail hébergeant des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 mètres carrés(20).

Entrent donc dans le champ d’application de ce dispositif de nombreuses catégories de bâtiments (centres sportifs et culturels, établissements scolaires, sièges et bureaux des administrations, bâtiments mixtes tertiaires/habitation hébergeant des activités tertiaires sur au moins 1 000 mètres carrés, etc.) directement exploités par des personnes publiques, ou mis à la disposition de tiers au travers de contrats de commande publique, d’occupation domaniale ou de bail.

Les obligations en matière de réduction de la consommation énergétique des bâtiments tertiaires peuvent être contractuellement transférées à l’occupant/exploitant de la propriété publique, qui doit dans ce cas être considéré comme étant la « personne assujettie »(21).

Objectifs contrôlés – C’est l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

qui est chargée du déploiement du dispositif sur l’ensemble du territoire et de l’organisation des contrôles annuels et décennaux.

Les textes imposent deux types d’objectifs de performance énergétique, dont le choix n’est pas imposé à l’assujetti :

– soit un objectif dit « relatif » de niveau de consommation d’énergie finale réduit pour 2030 à -40 % par rapport à une année de référence au choix qui ne peut être antérieure à 2010, puis de -50 % pour 2040 et de -60 % pour 2050 ;

– soit un objectif dit « en valeur absolue » défini par catégories d’activités dans des arrêtés spécifiques(22).

Au plus tard les 31 décembre 2031, 2041 puis 2051, l’ADEME mesurera, au cas par cas, le respect de l’un des deux objectifs alternatifs, par application de l’article R. 174-31 du CCH.

Si les objectifs de performance énergétique assignés par la loi apparaissent particulièrement ambitieux, certains amortisseurs ont tout de même été introduits.

Ainsi, les articles L. 174-1, alinéa 6, et R. 174-26 du CCH prévoient que des modulations aux obligations de réduction de la consommation d’énergie pourront être sollicitées au cas par cas, pour des raisons d’ordre technique, architectural, patrimonial ou financier (disproportion manifeste du coût des actions au regard des gains prévus).

Par ailleurs, une mutualisation des résultats sur l’ensemble du patrimoine soumis à l’obligation d’amélioration énergétique de la personne assujettie sera possible, pour chacune des échéances décennales(23).

En cas de non-respect des objectifs de consommation d’énergie assignés à la personne assujettie, des sanctions administratives – d’un montant maximum de 7 500 € en l’état des textes – pourront être prises par le préfet.

Le montant de ces sanctions administratives est donc largement décorrélé des coûts induits par des travaux de rénovation énergétique et l’on peut légitimement douter de leur caractère coercitif.

…dont la mise en oeuvre devra être réalisée à bref délai
Calendrier – Sur la plateforme internet sécurisée OPERAT gérée par l’ADEME, et pour chaque bâtiment tertiaire éligible, les personnes assujetties devront renseigner :

– avant le 30 septembre 2022 : les caractéristiques techniques bâtimentaires, les données de consommation énergétique de l’année de référence et les données de consommation de l’année 2021(24) ;

– avant le 30 septembre de chaque année à compter de 2023 : les données de consommation de l’année précédente(25). L’ADEME pourra également demander la communication des justificatifs et délivrer une attestation d’atteinte d’objectifs ;

– avant le 30 septembre 2027, le 30 septembre 2036 puis le 30 septembre 2046 : les dossiers de demande de modulation d’objectifs, obligatoirement accompagnés d’un dossier technique spécifique(26).

Outre un complet recensement – quantitatif et qualitatif – du patrimoine bâti à opérer avant septembre 2022, la mise en oeuvre concrète du dispositif suppose le développement rapide des actions d’économie d’énergie mentionnées à l’article R. 174-23 du CCH, et notamment :

– les travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments ;

– l’adaptation des bâtiments à un usage économe en énergie, le déploiement d’équipements performants (chauffage/ventilation/éclairage, etc.) et l’installation de dispositifs de contrôle.

Au regard des deux objectifs alternatifs imposés par le législateur sur chacun des bâtiments assujettis, de très importants budgets de travaux sont à prévoir par les collectivités, au moins à l’horizon 2030.

À l’évidence, les quelques 950 millions d’euros débloqués par l’État au titre du plan de relance seront largement insuffisants pour couvrir les frais à engager par chacune d’entre elles.

Transfert des obligations d’action de réduction de la consommation d’énergie – Si les textes ne l’imposent pas clairement(27), les collectivités devront rapidement envisager le transfert des obligations d’action de réduction de la consommation d’énergie à chacun de leurs cocontractants construisant et/ou exploitant des bâtiments tertiaires.

Ce transfert devra être expressément prévu dans les contrats à conclure à l’avenir, et éventuellement faire l’objet d’un avenant pour les contrats déjà en cours d’exécution (dans le respect des dispositions du code de la commande publique, toutefois).

Ces précautions devraient limiter le risque, pour une collectivité, de reprendre la jouissance de « passoires énergétiques » pour les contrats stipulant une échéance à l’horizon 2030. On peut craindre que « l’effort » ainsi fourni par l’occupant aura une nécessaire répercussion sur le niveau de certaines redevances… et, en opportunité, il est logique d’imaginer que la durée des titres d’occupation pourra être corrélée au niveau d’investissement requis.

Focus : exemple de clauses à insérer dans un contrat de délégation de service public portant sur un bâtiment tertiaire

« Le délégataire veille scrupuleusement au respect des dispositions des articles L. 174-1 et suivants, R. 174-22 et suivants et D. 174-19 et suivants du code de la construction et de l’habitation, de sorte que l’autorité délégante soit dégagée de toute responsabilité à ce titre, tant durant l’exploitation que lors du retour de l’équipement en fin de délégation.

Le délégataire s’engage à réaliser toute action de réduction de la consommation d’énergie finale qui s’avérerait nécessaire pour respecter la réglementation applicable, et mettre en oeuvre toute démarche administrative y afférant.

La déclaration annuelle des consommations d’énergie mentionnée à l’article R. 174-28 du CCH et l’attestation numérique annuelle mentionnée à l’article R. 174-32 du CCH sont annexées par le délégataire au compte rendu d’activités annuel (CRAC). »

En opportunité, la collectivité pourra assortir cette stipulation de sanctions, telles que :

– des pénalités, en cas de non-transmission des déclarations et attestations prévues par les textes ;

– la résiliation pour faute, en cas de non-réalisation par le délégataire des actions de réduction de la consommation d’énergie.

Enfin, dans un contexte de montée en puissance de l’échelon intercommunal dans le paysage institutionnel français, et pour palier la faiblesse des moyens techniques et financiers de certaines communes, le législateur a inséré un quatrième alinéa à l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales.

Cette disposition permet la prise en charge, par une intercommunalité, des actions d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments de ses communes membres. Cette prise en charge, technique et/ou financière, doit faire l’objet d’une convention.

Mots clés :

ENVIRONNEMENT * Politiques de l’environnement * Lutte contre le réchauffement climatique * Climat et résilience * Habitat et logement * Propriété publique * Domaine public * Domaine privé
HABITAT ET LOGEMENT * Habitat * Prise en compte de l’environnement * Lutte contre le réchauffement climatique * Rénovation des bâtiments * Diminution de la consommation d’énergie.

(1) Décr. n° 74-306 du 10 avril 1974 modifiant le décr. n° 69-596 du 14 juin 1969 fixant les règles générales de construction des bâtiments d’habitation (Réglementation thermique – RT – 1974) puis arrêté du 24 mars 1982 relatif à la RT 1982.
(2) Not. art. 48 et 51.
(3) AMF, Rénovation énergétique des bâtiments publics : une priorité nationale, 24 janv. 2020.
(4) Bilan énergétique de la France 2018, Datalab, SDES – CGDD.
(5) Dossier de presse « Loi climat et résilience ».
(6) ONRE, Le parc de logements par classe de consommation énergétique, sept. 2020.
(7) CCH, art. L. 173-1-1 créé par l’article 148 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021

(8) Not., Civ. 3e, 10 nov. 2016, n° 15-25.113, D. 2016. 2336 ; ibid. 2017. 1068, chron. A.-L. Méano et A.-L. Collomp ; ibid. 1789, obs. L. Neyret et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2017. 454, obs. C. Dreveau ; Civ. 3e, 19 déc. 2019, n° 18-25.113, D. 2020. 1092, note R. Boffa ; ibid. 1248, chron. A.-L. Collomp, C. Corbel et L. Jariel ; ibid. 1761, obs. N. Reboul-Maupin et Y. Strickler ; AJDI 2020. 255, étude P.-L. Niel ; ibid. 317, point de vue J. Mazure ; RDI 2020. 142, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 2020. 416, obs. W. Dross.

(9) CCH, art. L. 113-5-1 créé par l’article 172 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021
(10) CCH, art. L. 134-4-1, abrogé.
(11) CCH, art. L. 731-1 en vigueur jusqu’au 1er juill. 2021.
(12) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, art. 158.
(13) Loi 10 juill. 1965, art. 24-4 modifié par les articles 158 et 171 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.
(14) CCH, art. L. 421-3, L. 422-2 et L. 422-3 modifiés par les articles 177 à 179 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.
(15) Sur l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 sept. 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, v. not. P. Nugue et A. Alaimo, Ordonnance du 16 septembre 2020 : vade-mecum d’une réforme attendue, AJCT 2020. 566.
(16) CCH, art. L. 635-3 modifié par l’article 162 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.
(17) Enquête pap.fr auprès de 6 177 propriétaires-bailleurs réalisée entre le 15 et le 22 nov. 2021.
(18) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, art. 167 et 171.
(19) NOR : LOGL2114084A.
(20) CCH, art. L. 174-1 modifié par l’article 176 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 et CCH, art. R. 174-22.

(21) CCH, art. L. 174-1, R. 174-22 et R. 174-28, la qualité de « preneur à bail » pouvant être transposée à la situation de tout exploitant d’une dépendance tertiaire du domaine public ou privé d’une personne publique.
(22) Arrêtés des 10 avr. 2020 et 24 nov. 2020, NOR : LOGL2025882A, JO du 17 janv. 2021.
(23) Arrêté du 10 avr. 2020, art. 14.
(24) CCH, art. 174-27 et arrêté du 29 sept. 2021 modifiant l’arrêté du 10 avr. 2020.
(25) CCH, art. R. 174-28.
(26) CCH, art. R. 174-26 et art. 6 et 7 de l’arrêté du 10 avr. 2020.
(27) L’article L. 174-1 du CCH ménageant le principe de liberté contractuelle et le régime juridique propre à chaque contrat.



Analyse de Jurisprudences – Janvier 2022

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment – N°6173 07/01/2022 [Article de périodique]

Contrat administratif. Le tiers évincé doit contester le marché dans un délai de deux mois

Commentaire d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai du 30 novembre 2021 (n°19DA02741) qui rappelle que le recours en contestation de la validité d’un contrat administratif d’un candidat évincé doit être introduit dans le délai de deux mois.

Procédure d’attribution. Le défaut d’impartialité constitue un vice justifiant l’annulation du contrat

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 25 novembre 2021 (n°454466). Le principe d’impartialité qui implique l’absence de situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure de sélection des offres figure au nombre des principes généraux du droit qui s’impose au pouvoir adjudicateur. Sa méconnaissance constitue un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation d’un contrat.

Sinistres. L’assureur est subrogé dans les droits du maître d’ouvrage s’il a fait état de la police d’assurance au cours de l’expertise 

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 25 novembre 2021 (n°442977) Laction d’un assureur en indemnisation du préjudice pour un sinistre survenu en cours d’exécution d’un marché public est recevable si les modalités d’indemnisation ont été mentionnés dans le rapport d’expertise.

Le manquement au principe d’impartialité : un vice d’une gravité suffisante pour justifier l’annulation du contrat

Dans un arrêt du 25 novembre 2021, le Conseil d’État a estimé, pour la première fois, que le manquement au principe d’impartialité était, par lui-même, un vice d’une gravité suffisante pour justifier l’annulation du contrat. En revanche, la méconnaissance du principe d’impartialité ne permet pas de considérer, par elle-même, que le candidat évincé a été privé d’une chance sérieuse de remporter le marché.

L’arrêt rendu par le Conseil d’État le 25 novembre dernier a immédiatement retenu l’attention des commentateurs par la sévérité de sa solution.

En substance, le Conseil d’État a estimé, pour la première fois, que le manquement au principe d’impartialité était, par lui-même, un vice d’une gravité suffisante pour justifier l’annulation du contrat, sanction la plus radicale que peut prendre le juge administratif saisi d’un recours en contestation de validité du contrat (1) .

Cette automaticité est d’autant plus remarquable que le conflit d’intérêt qui entraîne la méconnaissance du principe d’impartialité se caractérise sans en prendre en considération l’intention de favoriser un candidat.

Aussi radicale que cette solution puisse paraître, elle est en réalité la conséquence logique de l’importance conférée au respect du principe d’impartialité aussi bien par la jurisprudence que par les textes régissant la commande publique.

Les faits et la procédure sont les suivants.

Monsieur E. a exercé des fonctions d’ingénieur-chef de projet en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein de l’agence d’Ajaccio de la société NXO France.

Immédiatement après cet emploi, il a été recruté par la collectivité territoriale de Corse, laquelle a lancé une procédure de passation de marché portant sur la conception, l’installation et l’administration d’un réseau régional très haut débit pour les établissements d’enseignement et de recherche de Corse.

Deux entreprises se sont portées candidates : la société Corsica Networks et la société NXO France.

Au cours de la procédure de passation, Monsieur E. n’a participé ni à l’élaboration du cahier des charges, ni à la rédaction du rapport d’analyse des offres. En revanche, comme l’ont relevé le juge d’appel puis de cassation, il a participé à la procédure de passation puisque, désigné par le règlement de consultation du marché comme le « technicien en charge du dossier », ayant pour mission notamment de fournir des renseignements techniques aux candidats, il a également contribué à l’analyse des offres au regard des critères de sélection.

Le marché a été attribué à la société NXO France, et la société Corsica Networks, candidate évincée, a ensuite saisi le tribunal administratif de Bastia d’une requête tendant à l’annulation du marché conclu et à ce que l’acheteur public soit condamné à l’indemniser d’une somme de 282 585 euros hors taxes en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure ou, à titre subsidiaire, de la somme de 8 000 euros hors taxes en réparation du préjudice découlant des frais exposés pour la préparation de son offre.

Par un jugement en date du 9 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté l’intégralité des conclusions de la société Corsica Networks, laquelle a porté l’affaire avec succès devant la cour administrative d’appel de Marseille.

En effet, par un arrêt du 14 juin 2021, la cour a, d’une part, annulé le contrat au motif de la méconnaissance du principe d’impartialité, tout en différant les effets de cette annulation au 15 décembre 2021, afin de sauvegarder la continuité du service de raccordement des établissements d’enseignement au réseau, et, d’autre part, estimé que la société Corsica Networks avait, eu égard aux qualités concurrentielles de son offre, disposé de chances sérieuses d’obtenir le marché, tout en ordonnant une expertise sur le préjudice subi par le candidat évincé.

La collectivité territoriale de Corse s’est pourvue en cassation, pourvoi que le Conseil d’État a donc rejeté par un arrêt en date du 25 novembre 2021, soit moins de six mois après avoir été saisi de cette affaire, arrêt qui est donc également remarquable par la célérité du juge de cassation qui a pris en compte le délai du 15 décembre 2021 fixé par la cour.

Le Conseil d’État a examiné trois questions distinctes : la caractérisation du conflit d’intérêt, ses conséquences sur la régularité du contrat et sur le droit indemnitaire du candidat évincé.

Le manquement au principe d’impartialité est caractérisé en présence d’un doute sur la présence d’un conflit d’intérêt

La première question était de savoir si la cour avait exactement qualifié les faits de l’espèce en retenant que la procédure de passation avait été entachée d’une méconnaissance du principe d’impartialité.

Sur cette question, l’arrêt rendu par le Conseil d’État s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence dégagée depuis l’année 2015 donnant au principe d’impartialité une place de plus en plus importante dans la passation des contrats publics.

Dans le droit de la commande publique, le principe d’impartialité est une déclinaison du principe d’égalité entre les candidats, principe de valeur constitutionnelle dont la Cour de justice de l’Union européenne a souligné qu’il « correspond à l’essence même des directives en matière de marchés publics » (2) .

Ce principe d’impartialité a explicitement été consacré dans le domaine des contrats publics par le Conseil d’État, qui a considéré qu’il était au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative, et dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence (3) .

La situation de conflit d’intérêts susceptible d’affecter l’impartialité de l’acheteur est désormais définie à l’article L. 2141-10 du Code de la commande publique, qui a repris les termes de l’article 24 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 (4) dont elle a assuré la transposition.

L’article L. 2141-10 du Code de la commande publique dispose ainsi que « L’acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d’intérêts, lorsqu’il ne peut y être remédié par d’autres moyens » et que « constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ».

Selon cette définition, l’obligation d’impartialité ne pèse que sur l’acheteur public qui doit veiller à ce qu’aucune des personnes qui concourent à l’exécution de ses missions dans la préparation et la conduite de la procédure de sélection n’aient un intérêt particulier à son issue.

Le pouvoir adjudicateur doit ainsi veiller à ce que les personnes ayant un rôle déterminant dans la procédure de passation d’un marché ne se trouvent pas dans une telle situation.

Deux conditions sont en principe nécessaires pour caractériser une situation de conflit d’intérêt : la personne concernée doit être en mesure d’influencer la procédure et avoir des liens avec son précédent employeur.

La nature, l’intensité et l’ancienneté des liens directs ou indirects entre la personne participant à la procédure d’attribution et l’entreprise candidate, qu’ils soient actuels, passés, financiers, économiques, personnels ou familiaux est ainsi prise en compte (5) .

En l’occurrence, tant la cour administrative que le Conseil d’État ont considéré que le manquement au principe d’impartialité était établi, compte tenu du fait que le technicien en charge du dossier et qui avait participé à l’analyse des offres, avait exercé des fonctions de haut niveau, en relation directe avec l’objet du marché, seulement trois mois avant son attribution.

Selon le Conseil d’État, la participation de ce technicien a ainsi « légitimement [fait] naître un doute sur la persistance des intérêts» le liant à l’attributaire du marché, c’est donc bien le risque qui est pris en compte pour caractériser le manquement, et non la certitude que le marché a été attribué sur la base d’un favoritisme établi.

La qualification de conflit d’intérêts repose sur l’existence d’un risque compte tenu des liens possibles entre l’ancien employeur et la personne qui a pu exercer une influence sur l’attribution du marché à celui-ci. Il s’agit ici d’une appréciation classique reposant sur des règles connues et déjà appliquées.

Le véritable apport de la décision du 25 novembre 2021 réside dans les conséquences que le Conseil d’État tire de la méconnaissance du principe d’impartialité sur la validité du contrat.

Le manquement au principe d’impartialité entraîne automatiquement l’annulation du contrat

Une fois le manquement caractériséil appartenait au Conseil d’État d’en apprécier les conséquences sur la validité du contrat, conformément à la décision Tarn-et-Garonne, qui distingue deux cas de figure.

Le premier cas de figure est celui où le vice peut être régularisé et permet la poursuite du contrat, le juge ne prend aucune particulière et laisse donc en principe le contrat vivre sa vie jusqu’à son terme.

Dans le second cas, si les conditions du premier ne peuvent être réunies, le juge doit résilier ou annuler le contrat. L’annulation est cependant réservée aux cas dans lesquels « le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice du consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci ».

Un manquement au principe d’impartialité ne pouvant être régularisé, le Conseil d’État avait le choix entre la résiliation et l’annulation du marché, cette dernière mesure étant la plus radicale et réservée aux cas les plus graves.

Le manquement au principe d’impartialité n’étant pas un vice du consentement, relevait-il d’un vice d’une particulière gravité que le juge doit relever d’office et qui devait donc entraîner l’annulation du marché (6)  ?

Le Conseil d’État a répondu positivement à cette question, sur proposition de son rapporteure public Madame Mirelle Le Corre, qui invitait la formation de jugement à prendre en compte trois types de considérations (7) pour démontrer que l’annulation du marché n’était pas une mesure excessive en cas de conflit d’intérêts.

Le premier tenait au fait que le référé précontractuel ne devait pas être la seule procédure à même de sanctionner un conflit d’intérêt, le Conseil d’État ayant déjà reconnu que la méconnaissance du principe d’impartialité était constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence (8) .

En effet, la nature même de ce vice commande le fait qu’il puisse être sanctionné après la signature du contrat, les pièces permettant de démontrer le conflit d’intérêt pouvant d’ailleurs apparaître tardivement.

Le deuxième tenait au fait que les difficultés, pour le juge administratif, à relever d’office le manquement au principe d’impartialité n’étaient pas insurmontables, puisque ces éléments doivent ressortir des pièces du dossier.

Le troisième avait trait au souci de ne pas ajouter à la grille d’analyse du juge une solution spécifique pour le manquement au principe d’impartialité, en prenant en compte l’intention ou non de favoriser le candidat attributaire, qui est toujours difficile à caractériser.

Le Conseil d’État a suivi son rapporteur public en considérant la cour n’avait ni inexactement qualifié les faits de l’espèce, ni commis une erreur de droit en « jugeant, sans relever une intention de sa part de favoriser un candidat, qu’eu égard à sa nature, la méconnaissance de ce principe d’impartialité était par elle-même constitutive d’un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat à l’exclusion de toute autre mesure ».

La méconnaissance du principe d’impartialité est donc sanctionnée par l’annulation du contrat, et le Conseil d’État ne permet aucune alternative possible, puisqu’elle est, par « elle-même », constitutive d’un vice d’une particulière gravité.

Il y a donc un enchaînement systématique entre la qualification du conflit d’intérêt et l’annulation du contrat, laquelle n’est pas nécessairement rétroactive puisque le juge peut différer cette mesure radicale dans le temps, comme l’avait d’ailleurs fait la cour administrative de Marseille dans l’arrêt faisant l’objet du pourvoi.

La méconnaissance du principe d’impartialité n’entraîne en revanche pas systématiquement une chance sérieuse d’emporter le marché, même si, en l’occurrence, l’affaire a été l’occasion de reconnaître cette chance au candidat évincé.

La perte de chance de la société évincée en cas de méconnaissance du principe d’impartialité

La troisième question soumise au Conseil d’État avait pour objet de statuer sur le droit indemnitaire de la société Corsica Networks, qui réclamait à ce titre le versement d’une somme de 282 585 euros hors taxes en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure ou, à titre subsidiaire, de la somme de 8 000 euros hors taxes en réparation du préjudice découlant des frais exposés pour la préparation de son offre.

Classiquement, il existe trois cas de figure possibles lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure de passation :

  • soit le requérante n’a droit, en l’absence de toute chance de remporter le contrat, à aucune indemnité ;
  • soit en cas de chance simple, il a droit au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre ;
  • soit, en cas de chances sérieuses, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner et des frais engagés pour son offre (9) .

En cas de manquement au principe d’impartialité, faut-il considérer que le candidat évincé dispose d’une chance sérieuse de remporter le marché ? Le Conseil d’État a également répondu positivement à cette question, mais compte tenu des faits de l’espèce.

En effet, il existait en l’occurrence un faible écart de note entre la société attributaire et le candidat évincé, dans un contexte où seuls deux candidats avaient déposé une offre.

La société Corsica Networks avait obtenu une note de 13,84/20 sur le critère de la valeur technique, contre 14,24 pour l’offre de la société NXO France, et une note de 16,60/20 en ce qui concerne le critère du prix, contre 20 pour l’offre de la société NXO France, soit une note pondérée de 15,50/20 contre une note de 17,70 sur 20 accordée à l’attributaire.

En présence de deux offres, le Conseil d’État a considéré que la méconnaissance du principe d’impartialité avait pu priver la société évincée d’une chance sérieuse de remporter le marché.

En d’autres termes, la méconnaissance du principe d’impartialité n’entraîne pas, par elle-même, le fait que le candidat évincé a été privé d’une chance sérieuse, c’est aussi en raison du faible écart de notes et en présence de deux candidats que la chance sérieuse a été reconnue.

1)  Recours défini par la décision CE 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994.

2)  CJCE 3 mars 2005, SA Fabricom, aff. C-21/03, § 26.

3)  CE 14 octobre 2015, Société Applicam, req. n° 390968Rec. CE tables.

4)  Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

5)  CE 19 mars 2012, SA Groupe Partouche, req. n° 341562.

6)  Le manquement d’impartialité ne pouvait évidemment correspondre à un cas de contenu illicite du contrat, le Conseil d’État retenant à cet égard une acception stricte, en estimant que l’objet même du contrat devait être entaché d’une telle illicéité (CE 9 novembre 2018, Société Cerba et Caisse nationale d’assurance maladie, req. n° 420654, 420663Rec. CE).

7)  Nous remercions Madame Le Corre pour la communication de ses conclusions.

8)  CE 14 octobre 2015, Société Applicam Région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 390968.

9)  CE 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, req. n° 249630 ; CE 28 février 2020, Société Régal des Iles, req. n° 426162.

A lire dans le même dossier :

Bilan des réformes et de l’actualité jurisprudentielle en matière de commande publique (Editorial)

Source : Revue Contrats Publics  N° 227 – Janvier 2022

Bilan des réformes et de l’actualité jurisprudentielle en matière de commande publique

L’année 2021 a, une nouvelle fois, témoigné de la vitalité du droit de la commande publique, avec une actualité particulièrement riche.

Les interventions législatives et réglementaires adoptées en cours d’année ont confirmé la tendance de long terme des gouvernements à faire de la commande publique un vecteur dédié à la réalisation de certains objectifs.

Le renforcement de la prise en charge d’objectifs environnementaux par les acheteurs publics, notamment, s’est manifesté à plusieurs reprises, avec l’adoption au premier chef de la loi n° 2021-1104 du 22 août, dite « Loi Climat et Résilience », qui les oblige à intégrer la dimension de développement durable à tous les stades de la vie du contrat.

Cette orientation, qui a donné lieu à des obligations plus ponctuelles (1) , imprègne également désormais l’exécution des marchés publics avec la refonte des CCAG, initiée au printemps 2019, publiée par arrêtés du 30 mars 2021, lesquels contiennent plusieurs innovations structurantes en matière de développement durable.

Au-delà de la matière environnementale, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a également imposé de nouvelles obligations au gestionnaire, public ou privé, du service afin « d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité » (2) , ce qui doit entraîner l’insertion dans les contrats de gestion de service public en cours et à venir de clauses spécifiques à cet égard.

Comme le montre le présent numéro, l’actualité jurisprudentielle de ces derniers mois a également été foisonnante, la jurisprudence du Conseil d’État ayant donné lieu à des décisions significatives dans plusieurs domaines – y compris dans ceux dont on pouvait penser qu’il n’y avait plus matière à précision jurisprudentielle (3) – pour préciser les critères de distinction entre différentes catégories de contrats, la détermination du préjudice en cas d’entente, les conditions de recours à la théorie de la force majeure, l’office du juge du référé précontractuel en matière de secret des affaires…

Parmi celles-ci, la décision du Conseil d’État du 25 novembre 2021 a retenu l’attention de nombreux commentateurs par la sévérité de la solution retenue – un manquement à l’obligation d’impartialité entraîne par lui-même l’annulation du contrat (4) .

Les acheteurs publics sont désormais soumis à une obligation renforcée de vérification d’absence de conflit d’intérêts dans leur procédure de passation, et il leur appartient de veiller tout particulièrement – mais ce n’est pas nouveau – au fait que ni les Assistants à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) ni leur service n’aient un lien potentiellement suspect avec les candidats à l’attribution du contrat.

L’achat public devient ainsi de plus en plus le réceptacle des attentes de la société pour certains sujets forts – environnement et éthique exemplaire – qui ne manqueront pas d’être de nouvelles sources d’obligations pour la commande publique dans les années à venir …

1)  Tel que le décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées.

2)  Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, art. 1er.

3)  Voir sur le formalisme de la réclamation dans le CCAG-Travaux, CE 27 septembre 2021, req. n° 442455.

4)  CE 25 novembre 2021, Collectivité territoriale de Corse, req. n° 454466.

A lire également dans le même dossier:

Le manquement au principe d’impartialité : un vice d’une gravité suffisante pour justifier l’annulation du contrat

Source : Revue Contrats Publics – N° 227 – Janvier 2022

Parrainage Sylvie Le Damany avec l’Ecole de Droit de l’Université de Clermont Auvergne

Sylvie Le Damany devient la marraine de la promotion 2022 du DU Gouvernance Risques et Conformité de l’Ecole de Droit de l’Université de Clermont Auvergne. Cette formation a pour but d’initier les étudiants aux concepts et méthodes relatifs à la gestion des risques, mais aussi à leur apporter les outils d’ingénierie destinés à organiser cette gestion interne.

Le parcours professionnel de Sylvie le Damany, son envie de transmettre, et son attachement à la région du Puy de Dôme ont été des critères déterminants dans le choix de l’université; nous les remercions de leur confiance, et nous souhaitons aux étudiants pleine réussite dans la suite de leurs études !

Les unités touristiques nouvelles : focus sur la difficile prise en compte de leur impact environnemental

Vous trouverez, ci-dessous le 6ème et le dernier de ces articles, rédigé par Virginie Corbalan, Les unités touristiques nouvelles : focus sur la difficile prise en compte de leur impact environnemental (N° Lexbase : N0095BZK).

La procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles (UTN) a été créée en 1977 pour faciliter la construction d’équipements touristiques en zone de montagne.

Son principal intérêt est de permettre de déroger au principe d’urbanisation en continuité [1].

L’acte II de la loi « montagne » (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne N° Lexbase : L7612AGZ) définit l’UTN comme « toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l’espace montagnard » [2].

Le régime des UTN en résultant prévoit une nouvelle répartition des compétences permettant de planifier chaque catégorie d’UTN au niveau local le plus adapté.

Il distingue deux catégories d’UTN [3] :

– l’UTN structurante dont la création et l’extension est prévue par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) [4] ;  

– et l’UTN locale dont la création et l’extension est prévue par le plan local d’urbanisme (PLU) [5].

L’objectif était « d’en finir avec la gestion au cas par cas, et de permettre aux élus de mener une réflexion globale dans le cadre des documents d’urbanisme » [6].

La distinction entre les deux catégories dépend de leur impact sur la consommation du foncier :  

UTN structuranteUTN locale
1/ La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet :la création d’un nouveau domaine skiable alpinl’augmentation de la superficie totale d’un domaine skiable alpin existant, dès lors que cette augmentation est supérieure ou égale à 100 hectares1/ La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsqu’ils ont pour effet l’augmentation de plus de 10 hectares et de moins de 100 hectares d’un domaine skiable alpin
2/ Les liaisons entre domaines skiables alpins existants2/ L’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie inférieure ou égale à 15 hectares
3/ Les opérations de construction ou d’extension d’hébergements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m², à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques
4/ L’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie supérieure à 15 hectares3/ Les opérations suivantes, lorsqu’elles ne sont pas situées dans un secteur constructible situé en continuité de l’urbanisme :a) la création ou l’extension sur une surface de plancher totale ou supérieure à 500 m², d’hébergements touristiques ou d’équipements touristiques ;b) l’aménagement de terrains de camping d’un superficie comprise entre 1 et 5 hectaresc) la création de refuges de montagne mentionnés à l’article L. 326-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L1860LCU), ainsi que leur extension pour une surface de plancher totale supérieure à 200 m²
5/ L’aménagement de terrains de camping d’une superficie supérieure à 5 hectares
6/ L’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés d’une superficie supérieure à 4 hectares
7/ Les travaux d’aménagement de pistes pour la pratique des sports d’hiver alpins, situés en site vierge au sens du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L7121LCQ) d’une superficie supérieure à 4 hectares
8/ La création d’une remontée mécanique n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètres

Il existe pour chaque catégorie d’UTN (structurante/locale) une sous-catégorie dérogatoire parfois nommée « résiduelle » ou « ad hoc » créée par autorisation préfectorale dans les communes non couvertes respectivement par un SCoT [7] ou par un PLU [8].

Le régime de ces UTN dites « résiduelles » vient d’être totalement revu par le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 (N° Lexbase : L5532L8E) dont les dispositions sont entrées en vigueur le 16 octobre 2021.

Ce décret, pris en application de l’article 40 de la loi du 7 décembre 2020 dite « ASAP » [9], fait suite à l’annulation partielle du décret du 10 mai 2017 [10] qui ne soumettait pas à évaluation environnementale l’autorisation préfectorale créant l’UTN locale ou structurante en l’absence de PLU et de SCoT.

Rappelons que les UTN structurantes et locales définies dans le cadre d’un SCoT ou d’un PLU sont nécessairement prises en compte lors de l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de la procédure d’élaboration ou de révision du document d’urbanisme en question [11].

Tel n’était pas le cas pour l’autorisation préfectorale prise en matière d’UTN résiduelle qui n’est, par définition, pas prévue par un SCoT ou un PLU.

Le régime des UTN résiduelles, dans sa version issue du décret du 10 mai 2017, prévoyait simplement de joindre à la demande d’autorisation préfectorale « un dossier comportant un rapport et documents graphiques précisant :

1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ;

2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ;

3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ;

4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures pour éviter, réduire et en dernier lieu compenser les incidences négatives notables sur l’environnement qui n’auront pu être ni évitées ni réduites, et l’estimation de leur coût ;

5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet » [12].

Pour autant, l’autorisation préfectorale n’était pas soumise à évaluation environnementale, procédure qui requiert notamment la consultation pour avis de l’autorité environnementale sur le dossier comprenant le rapport sur les incidences environnementales de l’UTN.

C’est cette absence de soumission à évaluation environnementale des UTN résiduelles que le Conseil d’État censure [13] : 

« Eu égard à sa nature et à sa portée, la décision préfectorale créant une telle unité touristique nouvelle doit être regardée, non comme statuant sur une demande relative à un projet, mais comme constituant un plan ou programme au sens de la Directive du 27 juin 2001 […]. Si l’article R. 122-14 du même code, dans sa rédaction issue du décret attaqué, précise que pour la création d’unités touristiques nouvelles hors du cadre d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un plan local d’urbanisme, le dossier de demande d’autorisation comporte des éléments relatifs notamment à l’état des milieux naturels, aux caractéristiques principales du projet, à ses effets prévisibles sur les milieux naturels, aux mesures pour éviter, réduire et en dernier lieu compenser les incidences négatives notables sur l’environnement qui n’auront pu être ni évitées ni réduites ainsi qu’à l’estimation de leur coût, les dispositions du décret attaqué, qui ne prévoient notamment pas de consultation de l’autorité environnementale, ne peuvent être regardées comme instituant, pour ce type d’unités touristiques nouvelles, une procédure d’évaluation environnementale conforme aux objectifs de la Directive du 27 juin 2001 »

Cette solution du Conseil d’État est en rupture avec la position retenue par le juge de cassation jusqu’alors, qui, à trois reprises, avait considéré que l’UTN n’était pas un plan programme [14].

En procédant à ce revirement de jurisprudence, le Conseil d’État s’aligne sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) en matière de plans et programmes soumis à évaluation environnementale en application de la Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (N° Lexbase : L7717AUD) (dite « ESIE »).

Rappelons, en effet, que pour la CJUE, « l’objectif essentiel de la Directive 2001/42, ainsi qu’il ressort de l’article 1er de celle-ci, consiste à soumettre les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, lors de leur élaboration et avant leur adoption, à une évaluation environnementale » [15] et qu’il ressort du considérant 4 de la directive que « l’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes » [16].

Enfin, que « compte tenu de la finalité de la Directive 2001/42, qui consiste à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement, les dispositions qui délimitent le champ d’application de cette directive, et notamment celles énonçant les définitions des actes envisagés par celle-ci, doivent être interprétées d’une manière large » [17].   

S’agissant plus particulièrement de la notion de plans et programmes, la CJUE a eu l’occasion de rappeler qu’elle « se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » [18].

Ainsi, la CJUE considère qu’un périmètre de remembrement urbain portant acceptation de principe d’un projet d’urbanisme à venir qui pourra être réalisé au moyen de dérogations à des prescriptions d’urbanisme existantes doit être considéré comme un plan et programme au sens de la Directive 2011/42/CE dans la mesure où un tel arrêté  qui « emporte modification du cadre juridique de référence offrant, sans limitation, la possibilité de s’écarter de règles urbanistiques pour tous les projets réalisés ultérieurement dans la zone géographique concernée » est susceptible des incidences notables sur l’environnement [19].

Dans cet arrêt, la CJUE rappelle que « l’évaluation environnementale est censée être réalisée aussi tôt que possible afin que ses conclusions puissent encore influer sur d’éventuelles décisions » et que la circonstance que les demandes ultérieures d’autorisation d’urbanisme seront soumises à une procédure d’évaluation des incidences au sens de la Directive « EIE » [20] n’est pas susceptible de remettre en cause la nécessité de procéder à une évaluation environnementale d’un plan ou programme relevant du champs d’application de la Directive « ESIE ».

C’est notamment en application de cette jurisprudence rendue en matière de périmètre de remembrement urbain définissant une zone géographique dans laquelle des prescriptions d’urbanisme dérogeant au droit commun pourront être mise en œuvre que le rapporteur public a, dans ses conclusions rendues sous l’arrêt du 27 juin 2019, invité le Conseil d’État à revenir sur sa position antérieure et considérer l’UTN comme un plan programme [21].

Le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 tire les conséquences de cette annulation partielle du décret du 10 mai 2017 prononcée en raison de l’absence de soumission à évaluation environnementale des UTN résiduelles.

Les UTN résiduelles autorisées par le préfet sont désormais soumises à évaluation environnementale dans les conditions suivantes :

Evaluation environnementale systématique des créations et extensions des :Examen au cas par cas des créations et extensions des :
UTN structurantes et locales résiduelle dès lors que leur création ou leur extension est susceptible d’affecter un site Natura 2000UTN locales résiduelles (sauf si elles sont susceptibles d’affecter un site NATURA 2000)
UTN structurantes résiduelles visées aux 1°, 5°,7° et 8 de l’article R. 122-8 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6664LEK), à savoir :- les UTN portant  création, extension ou remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet :la création d’un nouveau domaine skiable alpinl’augmentation de la superficie totale d’un domaine skiable alpin existant, dès lors que cette augmentation est supérieure ou égale à 100 hectares – les UTN portant des travaux d’aménagement de pistes pour la pratique des sports d’hiver alpins, situés en site vierge au sens du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6275LXP) d’une superficie supérieure à 4 hectares- les UTN portant création d’une remontée mécanique n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètresUTN structurelles résiduelles visées aux 4° et 6 de l’article R. 122-8 du Code de l’urbanisme, à savoir :- l’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie supérieure à 15 hectares- l’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés d’une superficie supérieure à 4 hectares
UTN structurantes résiduelles visées aux 2° et 3° de l’article R. 122-8 du Code de l’urbanisme, lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale systématique au regard des rubriques 43a et 39a de l’annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, à savoir :- liaisons entre domaines skiables alpins existants  portant création de remontées mécaniques ou téléphériques transportant plus de 1 500 passagers par heure ;- opérations de constructions ou d’extension d’hébergements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m², à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques :- travaux et construction créant une emprise au sol supérieure à 40 000 m² dans un espace autre que :les zones mentionnées à l’article R. 151-18 du Code de l’urbanisme, lorsqu’un PLU est applicableles secteurs où les constructions sont autorisées au sens de l’article L. 161-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9976LMG)  lorsqu’une carte communale est applicableles parties urbanisées de la commune au sens de l’article L. 111-3 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2240KIS), en l’absence de PLU et de carte communale applicableUTN structurantes résiduelles visées aux 2° et 3° de l’article R. 122-8 du Code de l’urbanisme, lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale au cas par cas au regard des rubriques 43a et 39a de l’annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, à savoir :- liaisons entre domaines skiables alpins existants  portant création de remontées mécaniques ou téléphériques transportant moins de 1 500 passagers par heure à l’exclusion des remontées mécaniques démontables et transportables et des tapis roulants visés à l’article L. 342-17-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L3375HNC) – opérations de constructions ou d’extension d’hébergements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m², à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques : – travaux et constructions qui créent une surface de plancher ou une emprise au sol  supérieure ou égale à 10 000 m²

En matière d’UTN résiduelles soumises au cas par cas, si la personne publique responsable définie à l’article R. 122-13 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6674LEW[22] estime que la création ou l’extension de l’UTN est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, elle décidera de réaliser une évaluation environnementale dans les conditions prévues aux articles R. 104-19 (N° Lexbase : L6084L8T) à R. 104-27 du Code de l’urbanisme.

Si au contraire, elle estime que la création ou l’extension de l’UTN n’est pas susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement, la personne publique responsable saisira l’autorité environnementale pour avis conforme dans les conditions prévues aux articles R. 104-34 (N° Lexbase : L7864LEY) à R. 104-37 du Code de l’urbanisme et, au vu de cet avis conforme, prendra une décision relative à la réalisation ou non d’une évaluation environnementale [23].

Concrètement, il incombe à la personne publique responsable de transmettre à l’autorité environnementale un dossier comprenant [24] :

1° Une description de la création ou de l’extension de l’unité touristique nouvelle ;


2° Un exposé décrivant notamment :

a) Les caractéristiques principales de l’UTN et notamment les éléments mentionnés aux 2°, 3° et 5° du I de l’article R. 122-14, à savoir :

– les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ;

– les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ;

– et les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet.


b) L’objet de la procédure ;


c) Les caractéristiques principales, la valeur et la vulnérabilité du territoire concerné par la procédure ;


d) Les raisons pour lesquelles son projet ne serait pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, au regard des critères de l’annexe II de la Directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement et, par conséquent, ne requerrait pas la réalisation d’une évaluation environnementale.

L’autorité environnementale doit rendre un avis conforme, dans un délai de deux mois à compter de la réception initiale du dossier, sur l’absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale et le transmet à la personne publique responsable.

En l’absence de réponse dans ce délai, l’avis de l’autorité environnementale est réputé favorable à l’exposé mentionné au 2° de l’article R. 104-34, et notamment sur les raisons exposées par la personne publique justifiant de l’absence de soumission à évaluation environnementale de son projet [25]

Notons, enfin que de façon plus anecdotique, le décret du 13 octobre 2021 prévoit également la possibilité de réaliser une évaluation environnementale commune à la création et l’extension de l’UTN résiduelle et à son projet [26].

Il aura donc fallu attendre le décret du 13 octobre 2021 pour que les UTN dites résiduelles soient soumises à évaluation environnementale.

Reste que pour celles qui relèvent d’un examen au cas par cas, l’évaluation de leurs incidences dépendra de la décision de la personne publique responsable de réaliser une évaluation environnementale et, en l’absence d’évaluation environnementale décidée par la personne publique responsable, du contrôle effectivement exercé par l’autorité environnementale dans le cadre de son avis conforme, qui pourra intervenir tacitement en l’absence de réponse dans les délais impartis.


[1] C. urb., art. L. 122-5 (N° Lexbase : L1851LCK) et L. 122-6 (N° Lexbase : L2258IWK).

[2] C. urb., art. L. 122-16 (N° Lexbase : L9765LEE).

[3] Ministère de la Cohésion et des territoires, Fiche n° 5, Les unités touristiques nouvelles.

[4] C. urb., art. L. 122-20 (N° Lexbase : L4540LXG).

[5] C. urb., art. L. 122-21 (N° Lexbase : L9760LE9).

[6] Rapport sur le projet de loi après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, Assemblée nationale, 29 septembre 2016.

[7] C. urb., art. L122-20, al. 2.

[8] C. urb., art. L122-21, al. 2.

[9] Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique (N° Lexbase : L9872LYB).

[10] Décret n° 2017-1039 du 10 mai 2017, relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles (N° Lexbase : L4471LEG).

[11] C. env., art. R. 122-17 (N° Lexbase : L6121L89).

[12] C. urb., art. R. 122-14 (N° Lexbase : L6105L8M), dans sa version issue du décret n° 2017-1039 du 10 mai 2017 (N° Lexbase : L4471LEG).

[13] CE, 26 juin 2019, n° 414931 (N° Lexbase : A7037ZGQ).

[14] CE, 26 juin 2015, n° 360212 (N° Lexbase : A0108NMX) ; CE, 26 juin 2015, n° 365876 (N° Lexbase : A0110NMZ) et CE, 19 juillet 2017, n° 400420 (N° Lexbase : A2060WNM).

[15] CJUE, 17 juin 2020, aff. C-105/09 et C-110/09 (N° Lexbase : A1917E3E).

[16] CJUE, 7 juin 2018, aff. C-160/17 (N° Lexbase : A4451XQW).

[17] CJUE, 22 mars 2012, aff. C-567/10 (N° Lexbase : A5644IG7) ; CJUE, 27 octobre 2016, aff. C-290/15 (N° Lexbase : A0725SA4).

[18] CJUE, 7 juin 2018, aff. C-160/17 préc.

[19] CJUE, 7 juin 2018, aff. C-160/17 préc.

[20] Directive (UE) 2011/92 du 16 avril 2014, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et qui soumet les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement préalablement à leur autorisation (N° Lexbase : L0675I3E).

[21] BJDU 5/2019, p. 318.

[22] La ou les communes ou l’EPCI compétent en matière de PLU sur lequel s’étend l’emprise du projet.

[23] C. urb., art. R. 104-33 (N° Lexbase : L6091L84).

[24] C. urb., art. R. 104-34 (N° Lexbase : L7864LEY).

[25] C. urb., art. R. 104-35 (N° Lexbase : L6093L88).

[26] C. urb., art. R. 104-38 (N° Lexbase : L6102L8I).

Lire les autres articles du dossier :

Le permis de construire en zones de montagne, enjeux et spécificités du secteur de l’hébergement touristique

Vous trouverez ci-dessous le 5ème  de ces articles, rédigé par Emilie Saint-LagerLe permis de construire en zones de montagne, enjeux et spécificités du secteur de l’hébergement touristique.

La faible prise en compte de l’environnement dans la loi dite « Montagne II » [1] a été soulignée, même s’il peut être rappelé que le changement climatique doit être pris en compte dans le développement touristique, et un équilibre à trouver entre les activités économiques et de loisirs.

La consultation des titres et chapitres de la loi « Montagne II » est néanmoins éclairante quant aux objectifs recherchés, en particulier le titre II de la loi, intitulé « Soutenir l’emploi et le dynamisme économique en montagne » (articles 28 à 70) [2], et le titre III intitulé « Réhabiliter l’immobilier de loisir par un urbanisme adapté » [3].

L’on voit alors l’attraction que représentent ces territoires, à des fins résidentielles et économiques, et en particulier touristiques.

Mais l’hébergement touristique en montagne est à conjuguer au pluriel, qui s’insère dans un écosystème complexe de législations indépendantes les unes des autres.

De très nombreuses communes de montagne développant une activité touristique constatent, depuis plusieurs années, que l’offre d’hébergement touristique se diversifie significativement sur leur territoire.

En effet, l’hôtellerie « classique » est supplantée par des modes d’hébergement touristique variés, qui évoluent pour répondre aux besoins d’une clientèle de proximité et internationale.

Du village de vacances au chalet hôtelier, en passant par le gîte, l’appart hôtel, le meublé de tourisme, la résidence de tourisme ou encore la résidence hôtelière, les produits d’hébergement touristique fleurissent pour capter et fidéliser une clientèle qui fait de la montagne son lieu de villégiature l’hiver, tout étant de plus en plus l’objet d’une évolution des politiques publiques vers un tourisme des « 4 saisons » [4].

L’indépendance des différentes législations applicables à ces produits d’hébergement ne facilite pas la lecture du « paysage » de l’hébergement touristique et des règles à appliquer à des hébergements, qui ont tous pour point commun d’accueillir une clientèle de passage.

Ainsi, si le Code du tourisme prévoit des dispositions concernant les hôtels (articles L. 311-1 N° Lexbase : L1887KGY et suivants), les résidences de tourisme (articles L. 321-1 N° Lexbase : L6050ISU et suivants), les meublés de tourisme (article L. 324-1 N° Lexbase : L6052ISX et suivants), les chambres d’hôtes (articles L. 324-3 N° Lexbase : L3367HNZ et suivants), les villages de vacances (article L. 325-1 N° Lexbase : L6048ISS), les refuges de montagne (article L. 326-1 N° Lexbase : L1860LCU), n’y figurent cependant pas, par exemple, les « résidences hôtelières », au demeurant non définies ou encadrées par des dispositions légales et réglementaires spécifiques.

S’ajoutent, et parfois se superposent également les dispositions issues du code de la construction et de l’habitation, en particulier pour l’application du régime des établissements recevant du public (ERP) [5], celles applicables en matière fiscale (BOFIP) outre les différents arrêtés et circulaires adoptés….

Les appellations issues de ces législations diffèrent en outre de celles retenues par le code de l’urbanisme, au gré des réformes successives.

I. L’hébergement touristique en montagne : les difficultés de rattachement des produits d’hébergement aux destinations et sous-destinations prévues par le Code de l’urbanisme

L’ancien article R. 123-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0545LEW) a permis d’adopter des règles différentes selon les destinations. Il distinguait notamment l’habitation, le commerce et l’hébergement hôtelier (étant relevé que les hébergements hôteliers sont une catégorie d’hébergement touristique marchand) [6].

Naturellement, le rattachement d’un projet de construction à la destination « hébergement hôtelier », plutôt qu’à celle « d’habitation » a souvent fait l’objet de débats [7], l’enjeu étant, outre de s’assurer des dispositions applicables, de la nécessité d’une éventuelle demande de changement de destination (susceptible d’être refusée en fonction des dispositions du PLU applicables), et les décisions rendues en la matière sont, sans surprise, abondantes [8].

L’adoption du décret de décembre 2015 [9], et des textes subséquents [10], a conduit à définir un nouveau canevas : au sein de la destination d’habitation il est possible de distinguer deux sous-destinations, « logement » et « hébergement », et, au sein de la destination « commerces et activités de service », depuis 2020 seulement, entre plusieurs sous-destinations au sein de la destination « commerces et activités de service », parmi lesquels les hôtels et les autres hébergements touristiques [11].

Il est en effet apparu nécessaire de mieux distinguer les types d’hébergement hôteliers et touristiques selon leur nature, et de permettre, en scindant l’ancienne destination en deux, de distinguer les hôtels d’une part, et les autres hébergements touristiques d’autre part, ce qui permet de prévoir des règles différentes et mieux adaptées à chacune de ces deux typologies d’hébergement, notamment en prévoyant des règles plus favorables pour la construction d’hôtels.

Rappelons en effet qu’en application des dispositions de l’article R. 151-33 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0309KWD), le règlement peut, en fonction des situations locales, soumettre à conditions particulières, les types d’activités qu’il définit et les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations.

Ainsi, il pourrait donc, sous l’empire de ces dispositions et dans un PLU adopté sur la base des dispositions issues de la « réforme » de 2015 [12], prévoir des règles différentes :

Pour les hôtels : selon l’arrêté du 31 janvier 2020 déjà cité [13], la sous-destination « hôtels » recouvre les constructions destinées à l’accueil de touristes dans des hôtels, c’est-à-dire des établissements commerciaux qui offrent à une clientèle de passage, qui, sauf exception, n’y élit pas domicile, des chambres ou des appartements meublés en location ainsi qu’un certain nombre de services.

Et pour les autres hébergements touristiques, destination qui recouvre, elle, les constructions autres que les hôtels, destinées à accueillir les touristes, notamment les résidences de tourisme et les villages de vacances, ainsi que les constructions dans les terrains de camping et dans les parcs résidentiels de loisirs.

La distinction opérée permettrait ainsi de favoriser certains projets plutôt que d’autres, et de contrôler dans certains cas, à l’occasion du dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme, un éventuel changement de destination et/ou de sous-destination, entre un hôtel et un autre hébergement touristique, conformément à l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7462HZE).

Ce dernier soumet à permis de construire (et non à déclaration préalable), les travaux exécutés sur des constructions existantes (à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires) qui ont pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 (N° Lexbase : L0315KWL) et R. 151-28 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7858LUL).

En revanche, les changements de sous-destinations au sein d’une même destination ne sont pas soumis à contrôle (cf C. urb., art. R. 421-17 b N° Lexbase : L7465HZI), ce qui conduirait à ne pas pouvoir contrôler le changement de sous-destination « hôtels » en sous-destination « autres hébergements touristiques ».

Cependant, tous les PLU n’intègrent pas les dispositions de la réforme de 2015, et pour beaucoup, les destinations issues de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0545LEW) continuent de s’appliquer [14], et ce, tant que le document d’urbanisme n’a pas évolué à l’occasion d’une procédure de révision, pour intégrer les destinations et sous-destinations issues des articles susvisés.

Comme il l’a été jugé, cette circonstance n’est cependant pas de nature à faire obstacle à l’application, par les services instructeurs, des dispositions de l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme, dans leur version en vigueur depuis le 1er janvier 2016, qui fait référence aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme (et non plus à l’article R. 123-9 du même code) [15].

Mais cette évolution des textes et l’apparent « progrès » qui en résulte pour les auteurs du PLU dès lors qu’ils pourraient prévoir des règles plus incitatives pour l’une ou l’autre destination, est-elle réellement de nature à apporter une réponse à la problématique du maintien d’un hébergement touristique « traditionnel » de type hôtellerie, assurant une occupation en lits « chauds » ?

À ce stade et faute de recul suffisant sur les effets de PLU modifiés pour intégrer cette distinction, dès lors qu’en tout état de cause l’article R. 151-28 dans sa rédaction antérieure demeure applicable aux PLU dont l’élaboration ou la révision a été engagée avant cette date [16], toute conclusion serait hâtive.

Mais on peut d’ores et déjà relever que l’absence de nécessité systématique [17] de demander un changement de sous-destination au sein de la même destination (ex : changement de sous-destination « hôtel » en « autres établissements touristiques ») soit de nature à permettre un meilleur contrôle des services instructeurs.

La réalité « pratique » est en tout état de cause complexe, et les outils à disposition des auteurs de PLU et services instructeurs sont souvent considérés par ces derniers comme trop peu ambitieux pour répondre aux préoccupations des élus.

Certains s’alarment notamment de projets de réhabilitation d’anciens hôtels ou parfois de démolition d’anciens bâtiments pour ériger de nouvelles constructions, pour y réaliser des hébergements offrant certes des prestations de nature hôtelière, mais échappant au secteur purement marchand pour entrer dans un secteur « diffus » (de type chalets hôteliers haut de gamme) [18], au point d’interdire les changements de destination [19].

Les règles avantageuses prévues par les auteurs du PLU pour inciter à la rénovation ou à la construction d’hébergements hôteliers « classiques » présentant l’avantage d’être largement occupés toute la saison et d’être pourvoyeurs d’emplois (personnel saisonnier en nombre), sont parfois utilisées pour des projets totalement différents dans leur finalité et leur esprit, qui pourraient relever d’une destination « habitation ».

Cela pose la question épineuse du contrôle des destinations lors de l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme.

II. L’hébergement touristique en montagne : le contrôle de la destination lors de l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme

Lors du dépôt de la demande de permis (ou de celle du dossier de déclaration préalable), il est nécessaire de renseigner la ou les destinations du projet et un éventuel changement de destination. Ces informations sont portées dans le formulaire CERFA du permis [20], ainsi que dans la notice du dossier.

Et c’est sur la base de ces informations que les services instructeurs vont instruire, puis délivrer ou refuser le permis, le caractère déclaratif du régime du permis de construire étant, de jurisprudence constante, établi [21].

Autrement dit, le risque ou la simple crainte que les plans et indications du dossier pourraient ne pas être respectés ou que les constructions autorisées seraient ultérieurement transformées ou affectées à un usage non conforme aux documents et règles d’urbanisme, ne peut faire obstacle à la délivrance du permis, le tout sauf hypothèse de fraude [22].

Cette situation conduit à délivrer des autorisations d’urbanisme en raison de leur conformité (apparente) aux règles d’urbanisme, et notamment à la destination déclarée dans le dossier.

Lorsque les PLU prévoient des règles incitatives à l’hébergement hôtelier voire des zones dédiées, la tentation peut être grande de « bâtir » le dossier de demande en affichant une telle destination, et, une fois l’autorisation obtenue, de revoir la conception du projet en supprimant tout ou partie des prestations hôtelières. Les lits touristiques sont susceptibles de disparaître au profit d’un produit d’investissement pouvant dans le pire des scénarios redoutés par les élus locaux, relever de la résidence secondaire (lits froids).

Et aucune disposition réglementaire n’impose la communication, dans le dossier de demande, des plans de niveaux, qui pourraient permettre de vérifier l’existence des aménagements propres à assurer des prestations hôtelières (accueil, salles de petits déjeuners / restaurant etc.), à l’exception des établissements soumis au régime ERP (établissements recevant du public) [23].

Il y a également l’hypothèse du changement de destination, qui est parfois opéré « de fait » sur une construction existante, et sans demande en ce sens, lors de travaux ne nécessitant qu’une déclaration préalable, et non un permis (cf C. urb., art. R. 421-17), étant rappelé que le changement de sous-destination en une autre sous-destination de la même destination ne donne pas lieu à déclaration [24].

Face à cette situation et au stade de l’instruction de la demande, les services instructeurs sont parfois démunis.

Si la signature d’une convention dite loi « Montagne » conclue en application de l’article L. 342-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L0153HGR) et conduisant à un engagement du porteur de projet de maintenir une destination d’hébergement hôtelier pendant une longue durée (variable selon les pratiques des communes), est susceptible d’être convenue, force est de constater que cette convention n’est cependant pas une pièce exigible du dossier de permis de construire [25], et ne peut conditionner la délivrance du permis.

C’est donc souvent a posteriori, une fois le permis délivré voire les travaux réalisés, que le contrôle pourra s’effectuer, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés.

Un droit de visite est prévu par le Code de l’urbanisme [26], qui permet à l’autorité administrative de se rendre sur place et vérifier que les dispositions applicables aux constructions autorisées sont respectées et se faire communiquer tous documents se rapportant à la réalisation de ces opérations. Un tel droit de visite est naturellement encadré, et une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire peut être nécessaire, pour lorsque l’accès à un domicile ou à un local comprenant des parties à usage d’habitation est refusé [27].

Cette visite pourra permettre de constater les non-conformités au permis délivré et de dresser procès-verbal.

Naturellement, c’est également au moment du récolement des travaux, qu’il soit obligatoire ou qu’il ait été décidé d’y procéder, que l’autorité administrative pourra intervenir, en mettant en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité, si ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré [28], et ce, à la suite du dépôt par le pétitionnaire d’une déclaration d’achèvement des travaux [29].

Mais l’autorité administrative ne dispose que d’un délai de 3 mois (ou 5 mois si le récolement est obligatoire) pour contester la conformé des travaux au permis (ou à la déclaration) [30], délai impératif, faute de quoi l’autorité administrative ne peut plus contester les travaux [31], et la conformité doit être délivrée [32].

La marge de manœuvre est étroite et le processus administratif lourd, et à l’issue incertaine : une fois le PV dressé et transmis au procureur de la République, il n’est pas exclu qu’un classement sans suite intervienne plusieurs mois ou années plus tard, ce qui amène des communes à procéder par citation directe.

Reste enfin l’hypothèse de la fraude. Encore faut-il établir que, dès le dépôt de la demande de permis, le pétitionnaire avait l’intention de réaliser un projet différent de celui présent dans son dossier de permis de construire, ce qui est loin d’être évident [33].

Ainsi, on le voit, assurer le maintien d’un hébergement hôtelier de nature à assurer des lits touristiques « chauds » et permettre de contribuer au développement touristique et à l’animation des communes de montagne, en particulier des stations de ski, n’est pas toujours aisé.

Les élus se heurtent à une législation perçue comme ne leur permettant pas de s’assurer que les autorisations qu’elles délivrent satisfont le parti d’urbanisme qu’elles ont défini, et qui vise à développer leur territoire sur un plan économique, pour en faire un lieu de vie et de loisirs animé et pérenne, au bénéfice du tourisme et de la population locale.


[1] Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (N° Lexbase : L0100LCP).

[2] Un chapitre dédié au déploiement du numérique et de la téléphonie mobile (articles 28 à 41), un second chapitre consacré à encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier (articles 42 à 50), un troisième chapitre intitulé « développer les activités agricoles, pastorales et forestières » (articles 51 à 63), un chapitre 4 intitulé « développer les activités économiques et touristiques » (articles 64 à 68), et un chapitre 5 intitulé « organiser la promotion des activités touristiques » (articles 69 à 70).

[3] Trois chapitres : le premier réformant la procédure de création des unités touristiques nouvelles et leur intégration dans les documents d’urbanisme (articles 71 et 72), le second prévoyant une adaptation des règles d’urbanisme en zone montagne (articles 73 à 78) et le troisième visant à favoriser la réhabilitation de l’immobilier de loisir pour lutter contre le problème dit des « lits froids » (articles 79 à 83).

[4] Rapport d’information n° 635 (2019-2020) de M. Cyril Pellevat, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, déposé le 15 juillet 2020.

[5] Difficultés posées par certains opérateurs à l’origine de projets de « résidences hôtelières », qui entendent s’appuyer sur des dispositions issues du règlement de sécurité et de sa circulaire d’application pour échapper à la réglementation des établissements recevant du public (ERP).

[6] Dans ce cadre-là, les auteurs de PLU pouvaient préciser, pour des motifs d’urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories, sans qu’il soit possible de créer de nouvelles destinations par sous-catégorisation ou de distinguer entre des constructions au sein d’une même destination (cf CE, 30 décembre 2014, n° 360850 N° Lexbase : A4669M9S et jurisprudences constantes depuis cet arrêt).

[7] À titre d’exemple, s’agissant des résidences de service à vocation hôtelière et leur rattachement à l’hébergement hôtelier : QE n° 20434 de M. Roland Povinelli, JO Sénat 20 octobre 2011, p. 2676, réponse publ. 1er mars 2012, p. 577, 13ème législature (N° Lexbase : L4196KKM), ou encore s’agissant des chambres d’hôtes, QE n° 27235 de M. Christophe Euzet, JOANQ 3 mars 2020, réponse publ. 30 juin 2020, p. 4617, 15ème législature (N° Lexbase : L3793L8Y).

[8] Cf notamment CE, 5 juillet 1993, n° 123955 (N° Lexbase : A0318AN4).

[9] Décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, relatif à la partie réglementaire du livre Ier du Code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du PLU (N° Lexbase : L0839KWY).

[10] Arrêté du 10 novembre 2016, définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des PLU ou les documents en tenant lieu (N° Lexbase : L3203LBA) ; décret n°2020-78 du 31 janvier 2020, modifiant la liste des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les PLU ou les documents en tenant lieu (N° Lexbase : L7388LU8) ; arrêté du 31 janvier 2020, modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les PLU ou les documents en tenant lieu  (N° Lexbase : L7452LUK).

[11] C. urb., art. R. 151-28 et art. R. 151-29 (N° Lexbase : L0313KWI).

[12] Nouveau régime issu de l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, relative à la partie législative du libre Ier du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2163KIX) et du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du PLU.

[13] Arrêté du 31 janvier 2020, modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les PLU ou les documents en tenant lieu.

[14] Sur les dispositions transitoires relatives au PLU : voir VI et VII de l’article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 (N° Lexbase : L0839KWY).

[15] CAA Paris, 20 mai 2021, n° 19PA00986 (N° Lexbase : A09724WW).

[16] Cf article 2 du décret n° 2020-78 du 31 janvier 2020 (N° Lexbase : L7388LU8), cet article précisant, en outre, que pour les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant l’entrée en vigueur du décret, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou le conseil municipal peut décider, par une délibération expresse intervenant au plus tard lorsque le projet est arrêté, que seront applicables au projet les nouvelles dispositions de l’article R. 151-28.

[17] Hors hypothèse visée à l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2746KWM).

[18] Sur la question des lits chauds / lits froids, voir notamment, ante réforme de 2015 et décret/arrêté de 2020 le rapport d’information n° 384 (2013-2014) de Mme Hélène Masson-Marret et M. André Vairetto, fait au nom de la commission du développement durable du Sénat, déposé le 19 février 2014.

[19] CAA Marseille, 17 décembre 2021, n° 19MA04240 (N° Lexbase : A65517IH).

[20] Cerfa n° 13409*05 pour une demande de permis de construire, à jour des destinations et sous-destinations des constructions, telles que définies par les articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme.

[21] Cf notamment Conseil d’Etat, 18 juillet 2018, n° 410465 (N° Lexbase : A0951XYU).

[22] Ibidem.

[23] C. urb., art. R. 431-30 (N° Lexbase : L7871ICI).

[24] C. urb., art. R. 421-17.

[25] Cf C. urb., art. R. 431-5 (N° Lexbase : L7987LQU) et suiv.

[26] C. urb., art. L. 461-1 (N° Lexbase : L0023LN8) .

[27] C. urb., art. L. 461-2 (N° Lexbase : L9807LM8).

[28] C. urb., art. L. 462-2.

[29] C. urb., art. L. 462-1 (N° Lexbase : L6808L7B), R. 462-1 (N° Lexbase : L3491L7G) et suiv.

[30] C. urb., art. R. 462-6 (N° Lexbase : L7706HZG) et R. 462-7 (N° Lexbase : L3203L7R).

[31] C. urb., art. L. 462-2.

[32] C. urb., art. R. 462-10 (N° Lexbase : L7710HZL).

[33] CE, 3 juin 2013, n° 342673 (N° Lexbase : A3356KGE).

Lire les autres articles du dossier :

La restauration et l’extension des chalets d’alpage : un exemple d’imbrication des compétences de l’État et des collectivités locales

Vous trouverez ci-dessous le 4ème de ces articles, rédigé par Virginie CorbalanLa restauration et l’extension des chalets d’alpage : un exemple d’imbrication des compétences de l’État et des collectivités locales.

Les dispositions de la loi « montagne » (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne N° Lexbase : L7612AGZ) organisent un principe de protection des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières.

Cette protection est codifiée à l’article L. 122-10 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1853LCM[1].

La loi autorise néanmoins, dans ces espaces « la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard et lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière » en application de l’article L. 122-11 3° du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1854LCN).  

Le législateur n’a pas donné de définition du chalet d’alpage qui a fait son apparition dans le Code de l’urbanisme avec la loi n° 94-112 du 9 février 1994, portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction (N° Lexbase : L8040HHA), définissant pour la première fois un régime juridique particulier relatif à la protection et à la mise en valeur des chalets d’alpage.

La circulaire n° 96-66 du 19 juillet 1996 les a définis comme désignant « les constructions en alpage traditionnellement utilisées de façon saisonnière pour l’habitat et les besoins professionnels des éleveurs et des agriculteurs occupées à la fauche » [2].

Dans une réponse ministérielle de 1999 [3], ils ont été définis comme correspondant « aux constructions situées en alpage qui traditionnellement servaient d’habitat saisonnier dans le cadre d’activités pastorales ».

La jurisprudence les a définis comme « des constructions en alpage traditionnellement utilisées de façon saisonnière pour l’habitat et les besoins professionnels des éleveurs et des agriculteurs » [4].

Le bâtiment d’estive a quant à lui fait son apparition dans le Code de l’urbanisme avec la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, urbanisme et habitat (N° Lexbase : L6770BH9).

L’ajout des bâtiments d’estive a ainsi permis d’étendre le régime des chalets d’alpage à d’autres massifs, notamment dans le Massif central et les Pyrénées [5].

La circulaire n° 96-66 du 19 juillet 1996 a été abrogée par l’instruction du 12 octobre 2018 explicitant les modalités d’application des dispositions particulières à la montagne du Code de l’urbanisme, issues du titre IV de la loi « montagne » et du titre III de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (N° Lexbase : L0100LCP), et codifiées aux articles L. 122-1 (N° Lexbase : L2369KIL) à L. 122-25 [6] et  son annexe, la fiche thématique n° 10 relative au régime applicable aux chalets et bâtiments d’estive [7].

La définition du chalet d’alpage n’a toutefois pas été remise en cause.

Trois critères cumulatifs permettent donc d’identifier un ancien chalet d’alpage ou bâtiment d’estive :

– une situation en alpage ou en estive ;

– une utilisation saisonnière ;

– et une mixité fonctionnelle du bâtiment servant à la fois d’habitation et d’activité professionnelle des éleveurs ou agriculteurs de fauche en montagne (par exemple, la production de fromage).

La restauration/reconstruction et l’extension limitée de ces chalets d’alpage et bâtiments d’estive répondant à ces trois critères cumulatifs peuvent, dans le souci de préservation du patrimoine culturel montagnard consacré à l’article L. 122-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2377KIU), être réalisées sur des terres nécessaires à l’activité agricole.

Encore faut-il que le chalet d’alpage ou le bâtiment d’estive ne soit pas en l’état de ruine [8] et, en cas d’extension limitée, que la destination soit liée à une activité professionnelle saisonnière.

Le régime dérogatoire applicable en matière de restauration/reconstruction et d’extension limitée des anciens chalets d’alpage et bâtiments d’estive est fondé sur une double autorisation : une autorisation préfectorale (I) qui se cumule à une autorisation d’urbanisme de droit commun (II), outre la constitution préalable d’une servitude en l’absence de desserte par les voies et les réseaux (III).

Ne sont pas soumis à ce régime dérogatoire :

– la restauration, la reconstruction et l’extension de chalets d’alpage et bâtiments d’estive existants déjà affectés à une exploitation agricole, pastorale et forestière ;

– et la construction de nouveaux chalets d’alpage à des fins d’exploitation agricole, pastorale et forestière.

I. L’autorisation préfectorale

Une autorisation préfectorale est nécessaire préalablement à la restauration/reconstruction et à l’extension limitée des anciens chalets d’alpage et bâtiments d’estive depuis la loi n° 94-112 du 9 février 1994.

L’objectif du législateur était de « contribuer effectivement à l’objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard dont ces constructions constituent un témoignage irremplaçables » [9] tout en assurant un contrôle plus efficace de ces opérations qui ne sont pas soumises au principe d’urbanisation en continuité prévu par l’article L. 122-5 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1851LCK[10] en raison de la nature et de la destination de ces bâtiments.

En effet, les chalets d’alpage et les bâtiments d’estive sont souvent isolés.

L’arrêté préfectoral autorisant la restauration/reconstruction ou l’extension limitée des anciens chalets d’alpage ou bâtiments d’estives est pris après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Pour être autorisés, les travaux doivent, conformément aux dispositions de l’article L. 122-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1851LCK) :

– préserver et mettre en valeur la patrimoine culturel montagnard ;

– et ne pas porter atteinte à la préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel.

La protection et la mise en valeur du patrimoine montagnard a été appréciée strictement par la jurisprudence.

Ainsi, le Conseil d’Etat a considéré que :

« pour l’application [des dispositions de l’article L. 145-3 du Code de l’urbanisme, aujourd’hui codifiées à l’article L. 122-11 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1854LCN)], qui visent à protéger et à mettre en valeur le patrimoine montagnard  et participent de l’objectif de maîtrise de l’urbanisation des zones de montagne poursuivi par les dispositions issues de la loi du 9 janvier 1985, la reconstruction ne peut être autorisée qu’au même emplacement » [11].

Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui, pour rejeter l’appel, a relevé que l’emplacement de la construction projetée était distinct de celui de l’ancien chalet détruit (différence d’implantation de 10 à 20m) et en a déduit que celle-ci ne pouvait être qualifiée de reconstruction au sens des dispositions de l’article L. 145-3 du Code de l’urbanisme.

Cette protection du patrimoine montagnard passe également par le contrôle des matériaux utilisés.

La cour administrative d’appel de Lyon a estimé que le préfet de de Savoie avait pu, sans erreur d’appréciation, estimer que le projet portait atteinte à l’objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard en raison du choix du matériau de couverture constitué d’un bac acier et non d’une toiture traditionnelle de lauzes [12].

Le dossier de demande d’autorisation préfectorale doit être composé :

– d’un plan de situation du terrain (carte au 1/25 000ème et extrait cadastral) ;

– d’un plan masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions ainsi que, le cas échéant, les travaux extérieurs à celles-ci ;

– de plans et les photos des façades existantes ;

– d’une ou des vues en coupe précisant l’implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ;

– de la description de l’accès au chalet actuel et futur et l’état des abords actuels et futurs ;

– de deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d’apprécier la place qu’il y occupe, les points et les angles de vue étant reportés sur le plan de situation et sur le plan masse ;

– d’un document graphique au moins permettant d’apprécier l’insertion du projet de construction dans l’environnement, son impact visuel et sa situation à l’achèvement des travaux ;

– d’une notice descriptive permettant d’apprécier l’impact visuel du projet, définissant le paysage et l’environnement existants, exposant et justifiant les dispositions prévues pour assurer l’insertion dans le paysage de la construction ;

– d’une notice justifiant que le projet concerne bien un chalet d’alpage ou un bâtiment d’estive et détaillant notamment l’historique du chalet, l’utilisation actuelle, et l’utilisation envisagée ;

– de l’autorisation du propriétaire s’il n’est pas le demandeur ;

– et de la servitude administrative établie par la mairie si le chalet n’est pas desservi par les voies et réseaux ou, s’il est desservi par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale.

Une notice explicative du dossier de demande d’autorisation est disponible sur le site internet de la préfecture de Savoie [13] .

Le préfet dispose d’un délai de quatre mois, à compter de la date de réception de la demande pour se prononcer.

Depuis le décret n° 2018-1237 du 24 décembre 2018 (N° Lexbase : L5583LN4), l’article R. 122-3-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6513LNK) précise que la demande d’autorisation préfectorale doit être expresse et que faute de délivrance dans le délai de quatre mois, la demande est réputée rejetée.

II. L’autorisation d’urbanisme

L’autorisation préfectorale ne vaut pas autorisation d’urbanisme.

Une fois l’autorisation préfectorale obtenue, le pétitionnaire doit demander une autorisation d’occupation du sol au titre de l’urbanisme.

En effet, les travaux de restauration/reconstruction et d’extension des chalets d’alpage et bâtiments d’estive restent soumis au droit commun de l’urbanisme et doivent être précédés de la délivrance d’un permis de construire [14] ou d’une non-opposition à déclaration préalable de travaux [15] selon le cas.  

Dans les communes non dotées d’un plan local d’urbanisme, les travaux seront soumis à l’application du Règlement National d’Urbanisme (RNU).

Dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme, les dispositions de ce document local seront applicables ainsi que les dispositions d’ordre public du RNU.

La cour administrative d’appel de Lyon a rappelé que l’autorisation préfectorale de reconstruction des chalets d’alpage ne fait pas obstacle à l’application des règles d’urbanisme fixées par ailleurs par le règlement du PLU, notamment les règles de hauteur [16].

III. L’institution d’une servitude administrative préalable restreignant l’usage des chalets d’alpages et bâtiments d’estive en l’absence de desserte par les voies et réseaux

La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 est venue permettre à l’autorité délivrant l’autorisation d’urbanisme de conditionner les travaux de restauration ou de reconstruction des anciens chalets d’alpage et des bâtiments d’estive à l’instauration d’une servitude administrative qui en interdit ou en limite l’usage l’hiver.  

Le deuxième alinéa de l’article L. 145-3-I du Code de l’urbanisme, dans sa version issue de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, précisait que : 

« Lorsque des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude administrative, publiée au bureau des hypothèques, interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l’article L. 362-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L7798K9P) ».

L’objectif était de :

« résoudre les difficultés nées, en montagne, de l’application, d’une part, des dispositions de l’article L. 421-5 du Code de l’urbanisme et, d’autre part, de celles de l’article L. 362-1 du Code de l’environnement. Ces deux articles rendent, en pratique, nécessaire une desserte permanente des bâtiments par les réseaux publics d’assainissement ou de distribution d’eau et d’électricité, pour ce qui concerne l’article L. 421-5 du Code de l’urbanisme, et par des voies de circulation des véhicules à moteur, en ce qui concerne l’article L. 362-1 du Code de l’environnement

L’article L. 421-5 du Code de l’urbanisme subordonne ainsi la délivrance d’un permis de construire à des engagements de l’autorité qui le délivre, portant sur la réalisation des travaux d’extension des réseaux publics d’assainissement ou de distribution d’eau et d’électricité nécessaires à la desserte de la construction autorisée. (…)

En vue d’assurer la protection des espaces naturels, l’article L. 362-1 du Code de l’environnement interdit, pour sa part, la circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique.

Là encore, l’application de ces dispositions rencontre des difficultés en montagne, car elle rend nécessaire la réalisation de travaux de déneigement très coûteux » [17].

L’article 189 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 (N° Lexbase : L0198G8T) est d’ailleurs venu compléter les dispositions de l’article L. 145-3 du Code de l’urbanisme en indiquant que « cette servitude précise que la commune est libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics ».

Il s’agissait d’une simple faculté pour l’autorité délivrant l’autorisation d’urbanisme et dans la pratique, peu de servitudes étaient constituées.

Aussi, la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 subordonne l’autorisation préfectorale à l’institution, par l’autorité qui délivre le permis ou se prononce sur la déclaration préalable, d’une servitude administrative publiée au fichier immobilier interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux [18].

Désormais, et en l’absence de réseaux, l’ordre des décisions à venir est le suivant :  

– institution de la servitude administrative interdisant ou limitant l’usage du bâtiment en hiver ;

– autorisation préfectorale ;

– et autorisation d’urbanisme.

Le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité a validé le dispositif après avoir considéré que :

« D’une part, la servitude instituée en vertu des dispositions contestées n’entraîne pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) mais une limitation à l’exercice du droit de propriété.

D’autre part, en permettant d’instituer une telle servitude, le législateur a voulu éviter que l’autorisation de réaliser des travaux sur des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive ait pour conséquence de faire peser de nouvelles obligations de desserte de ces bâtiments par les voies et réseaux. Il a également voulu garantir la sécurité des personnes en période hivernale. Ainsi le législateur a poursuivi un motif d’intérêt général (…)

La décision d’établissement de la servitude, qui est subordonnée à la réalisation, par le propriétaire, de travaux exigeant un permis de construire ou une déclaration de travaux, est placée sous le contrôle du juge administratif. Le propriétaire du bien objet de la servitude dispose de la faculté, au regard des changements de circonstances, d’en demander l’abrogation à l’autorité administrative à tout moment.

(…) Les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 2 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1366A9H) doit donc être écarté » [19].

L’objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard dont les emblématiques anciens chalets d’alpage et bâtiments d’estive font partie intégrante doit être concilié avec le principe de protection des terres nécessaires aux activités agricoles et le principe d’urbanisation en continuité.

L’équilibre entre ces différents principes de la loi « montagne » peut s’avérer difficile à trouver.

Pour y parvenir, le législateur a opté pour un régime d’autorisation dérogatoire qui se caractère par une certaine complexité et la multiplication de décisions et des intervenants.


[1] C. urb., art. L. 122-10 (N° Lexbase : L1853LCM) : « Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. »

[2] Voir le dossier documentaire de la décision n° 2016-540 QPC.

[3] QE n° 25880 de M. Augustin Bonrepaux, JOANQ 1er mars 1999, réponse publ. 24 mai 1999, p. 3191, 11ème législature (N° Lexbase : L6983MAU).

[4] TA Grenoble, 18 janvier 2002.

[5] Voir les travaux parlementaires de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003.

[6] Instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018 relative aux dispositions particulières à la montagne du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6982MAT).

[7] Fiche n°10 : Le régime applicable aux chalets d’alpage et aux bâtiments d’estive, site du Ministère de la Cohésion des territoires.

[8] CAA Lyon, 1er octobre 2013, n° 13LY00315 (N° Lexbase : A5043MPH) ; CE, 13 mai 1992, n° 107914 (N° Lexbase : A9246B7L) ; CE, 11 mai 1994, n° 129592 (N° Lexbase : A0889ASQ).

[9] Circulaire n°66-96 du 19 juillet 1996.

[10] C. urb., art. L 122-5 : « L’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d’annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées »;

[11] CE, 27 mai 2013, n° 349262 (N° Lexbase : A9692KEP) confirmant CAA Lyon, 7 mars 2011, n° 09LY00369 (N° Lexbase : A3143HNQ).

[12] CAA Lyon, 9 novembre 2010, n° 10LY01293 (N° Lexbase : A1937GMP).

[13] Demande d’autorisation préfectorale pour la restauration ou la reconstruction d’un ancien chalet d’Alpage, Préfecture de la Savoie.

[14] C. urb., art. R. 421-14 (N° Lexbase : L7462HZE).

[15] C. urb., art. R. 421-17 (N° Lexbase : L7465HZI).

[16] CAA Lyon, 29 octobre 2019, n° 18LY04125 (N° Lexbase : A8061Z3X).

[17] Rapport n° 717, portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction, 28 mars 2003.

[18] C. urb., art. L. 122-11 3°.

[19] Cons. const., décision n° 2016-540 QPC du 10 mai 2016 (N° Lexbase : A5065RNW).

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La prévention des risques naturels : les limites de la législation de l’urbanisme

Vous trouverez ci-dessous le 3ème  de ces articles, rédigé par Jean-Marc PetitLa prévention des risques naturels : les limites de la législation de l’urbanisme.

Bien entendu, les risques naturels n’intéressent pas tous les territoires de montagne et pas seulement ces territoires. Selon le ministère de la transition écologique et solidaire, les deux tiers des communes françaises sont exposés à un risque naturel au moins [1]. Mais les territoires montagnards sont affectés par des risques spécifiques (avalanches) et plus fortement par d’autres (chûtes de blocs, éboulements, crues torrentielles…). Quel que soit le territoire concerné, notre législation qui intéresse les risques est marquée par une très grande complexité, due à plusieurs causes, dont la diversité des règlementations, issues de plusieurs codes [2], la coexistence de documents locaux intéressant un même risque, résultant de démarches distinctes et élaborés à des niveaux différents [3] et l’imbrication des compétences de l’État et des collectivités. Cette complexité génère un manque de visibilité sur les limites des interventions et les responsabilités des collectivités, par exemple en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), de gestion des eaux pluviales, de police générale [4]… Dans le domaine de l’urbanisme, les difficultés récurrentes tiennent surtout aux limites de cette législation.

I. La prise en compte des risques à travers les éventuels PPRN et les PLU

Le document qui a pour objet particulier de régir l’occupation et l’utilisation des sols en cas d’existence de risques naturels est le plan de prévention des risques naturels (PPRN), document de l’État, régi par le Code de l’environnement [5]. Les PPRN peuvent concerner les inondations (PPRI), les mouvements de terrain, les avalanches (PPRA). L’existence d’un tel plan déclenche par ailleurs des obligations en matière d’information sur les risques majeurs [6].

En tant que servitude d’utilité publique (SUP), ils doivent être annexés aux PLU. Ensuite, le principe, résultant de la combinaison de plusieurs dispositions légales et règlementaires, est que l’ensemble des servitudes instituées par le PPRN sont immédiatement opposables, pendant une durée d’un an à compter de l’approbation de ce plan, aux décisions d’occupation du sol et qu’au-delà seules les servitudes annexées au PLU demeurent opposables [7]. Les PPRN doivent alors justifier des refus de permis leurs dispositions ne sont pas respectées, indépendamment des règles contenues dans le PLU applicable, même si ces dernières sont plus favorables. En pratique toutefois, certains PPRN soulèvent des difficultés lors de l’instruction des demandes d’autorisation en ce qu’ils identifient des règles de construction distinctes de règles d’urbanisme [8], et précisent que les services chargés de l’application du droit des sols ne sont pas chargés de vérifier leur respect, ce qui au demeurant peut difficilement être au vu des pièces des dossiers de demande (c’est le cas également de règles identifiées comme des règles d’urbanisme). La jurisprudence n’ayant visiblement pas eu à connaître de cette distinction, les maîtres d’ouvrage privilégient de démontrer dans leurs dossiers que l’ensemble des règles du PPR sont respectées [9].

Par ailleurs, aucune disposition ne régit vraiment l’articulation entre un PLU et un PPR applicables sur un même territoire. La jurisprudence rendue montre qu’un PLU peut être entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et annulé lorsque les risques sont identifiés par le PPR applicable alors qu’ils ne le sont pas par le PLU. La difficulté porte sur la manière d’assurer une cohérence entre ces documents, ou au minimum la bonne information des usagers, notamment dans les zones qui, sans être inconstructibles, font l’objet de dispositions particulières dans le PPRN. La jurisprudence n’exige pas à ce titre que les prescriptions de ce dernier soient reprises dans le PLU [10]. Un PLU n’a pas à reprendre par exemple l’enveloppe inondable d’une zone rouge et la marge de recul de vingt mètres par rapport au cours d’eau prescrite par le PPRN [11]. Il a été récemment considéré que « les autorités compétentes en matière d’urbanisme sont seulement tenues de reporter en annexe du PLU les servitudes environnementales résultant de PPRN » et qu’il leur est « loisible, sur le fondement de la législation d’urbanisme (…) de prévoir dans le PLU leurs propres prescriptions destinées à assurer, dans des secteurs spécifiques exposés à des risques naturels qu’elles délimitent, la sécurité des biens et des personnes » [12]. En pratique, les manières de procéder varient selon le niveau de risque défini par le PPRN et les directives données par les services de l’État.

Il reste que les territoires soumis à des risques ne sont pas tous couverts par un PPRN. Le PLU se trouve alors en « première ligne ». Les SCoT ne sont pas, sauf rares exceptions, opposables aux demandes d’autorisation. Mais ils doivent être compatibles avec les SDAGE, SAGE et PGRI notamment, et ne peuvent pas se désintéresser de cet aspect [13]. Parmi les objectifs assignés aux collectivités par l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7076L79) figurent notamment «la sécurité et la salubrité publiques » et «la prévention des risques naturels prévisibles et des pollutions et des nuisances de toute nature». Dans les communes de montagne, en l’absence de PPRN, les documents d’urbanisme « tiennent compte des risques naturels spécifiques à ces zones, qu’il s’agisse de risques préexistants connus ou de ceux qui pourraient résulter des modifications de milieu envisagées » [14].

En l’état, les PLU sont encore très majoritairement, surtout en zone de montagne, élaborés au niveau communal, qui, souvent, ne correspond pas à l’échelle de gestion des risques naturels.

Les leviers que peuvent utiliser les auteurs d’un PLU (PLUi) sont nombreux, mais ils ne sont pas tous connus et utilisés. Le PLU peut d’abord classer en zone naturelle et forestière, les secteurs à protéger en raison, notamment, de la nécessité de prévenir les risques, notamment d’expansion des crues [15]. Le Code de l’urbanisme permet également aux documents graphiques de faire apparaître, s’il y a lieu, les secteurs de zones, urbaines ou non, où l’existence de risques naturels justifient que les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols soient interdites [16] ou soumises à des conditions spéciales [17]. À défaut, le PLU est susceptible d’être considéré comme illégal. L’erreur manifeste d’appréciation est par exemple caractérisée si une zone urbaine n’est pas identifiée comme un secteur de risques naturels alors qu’elle l’est par l’atlas des zones inondables et que la collectivité n’apporte aucun élément permettant d’estimer que ce risque serait en réalité faible ou inexistant [18].

À l’inverse, les prescriptions fixées par un PLU ne doivent pas être trop restrictives : elles sont illégales s’il apparaît que le risque identifié ne justifie pas les règles figurant dans le PLU [19].

Le règlement du PLU peut également utiliser toutes les autres prescriptions habituelles (destination des constructions, règles d’implantation…). Le PLU peut aussi fixer des conditions pour limiter l’imperméabilisation des sols, pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement, et prévoir le cas échéant des installations de collecte, de stockage voire de traitement des eaux pluviales et de ruissellement dans les zones délimitées en application du 3° et 4° de l’article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9222IMI[20]. Souvent, les collectivités et leurs groupements mènent d’ailleurs en parallèle les deux procédures – PLU et zonage pluvial – pour aboutir à une cohérence de contenu et de politiques de prévention. L’article R. 151-43 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0299KWY) ouvre d’autres possibilités : imposer que les surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables d’un projet représentent une proportion minimale de l’unité foncière, imposer des obligations en matière de réalisation d’espaces libres et de plantations, d’installations nécessaires à la gestion des eaux pluviales et du ruissellement…

En revanche, les PLU ne doivent pas contenir une disposition prescrivant la production, par les pétitionnaires, de pièces non prévues par le Code de l’urbanisme, par exemple une étude géotechnique, et ce même si le PLU procède lui-même à une délimitation de zones exposées à des risques[21].

II. La prise en compte des risques lors de l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme

A. La composition des dossiers de demande

Pour certains projets situés dans des secteurs exposés à des risques, des pièces particulières doivent être comprises dans les dossiers de demande. L’article R. 431-16 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7508L9X) vise diverses attestations de professionnels, notamment lorsque lorsqu’une étude préalable est imposée par un PPRN, portant sur les conditions de réalisation, d’utilisation ou d’exploitation des constructions projetées. Dans ce dernier cas, le f) dudit article impose de produire un document établi par l’architecte du projet ou par un expert attestant qu’une étude a été menée et que les conditions susvisées ont été prises en compte par le projet au stade de sa conception. Ces documents sont fournis sous l’entière responsabilité des demandeurs [22] et relèvent ainsi d’une forme de système déclaratif sur la prise en compte des études menées par des professionnels compétents. Ces documents alimentent une jurisprudence assez abondante. Le service instructeur doit impérativement s’assurer que ces attestations figurent dans le dossier de demande. À défaut, il doit demander au pétitionnaire, en principe dans le premier mois de son dépôt [23] de compléter son dossier, et ce même si une étude est produite. A cette occasion, il doit vérifier que la rédaction de l’attestation répond exactement à ce qui est exigé. L’attestation doit être ainsi sans ambiguïté, ce qui n’est pas le cas si elle mentionne par erreur un autre projet, et le dossier ne doit pas faire apparaître qu’elle antérieure à l’étude [24]. Il a enfin été confirmé, ce qui est important pour les services instructeurs, qu’une attestation régulière suffit, qu’il n’est donc pas nécessaire d’exiger l’étude elle-même [25] et que, si elle est néanmoins produite, il n’y pas lieu de porter une appréciation sur le contenu de l’étude et son caractère suffisant au regard des exigences du PPRN [26].

B. L’utilisation de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme

L’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0569KWY), applicable dans toutes les communes, prévoit de manière générale que « le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

L’existence d’un PLU qui permettrait de construire n’empêche pas de refuser un permis ou de l’assortir de prescriptions sur le fondement de cet article. La jurisprudence a précisé qu’il en va de même lorsqu’un PPRN existe, si le risque n’est pas pris en compte par ce document, s’il l’est insuffisamment ou si les prescriptions du PPRN afférentes à ce risque apparaissent insuffisantes ou inadaptées [27]. Dans tous les cas, l’autorité doit d’abord rechercher si des prescriptions particulières sont suffisantes et c’est seulement à défaut, ou si ces prescriptions conduiraient à des modifications substantielles du projet imposant le dépôt d’une nouvelle demande, que le refus d’autorisation s’impose. A ce propos, il faut rappeler que si la rédaction de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme laisse penser que l’autorité compétente n’est pas obligée de refuser l’autorisation lorsqu’il y a un risque pour la sécurité publique, cette liberté est très relative. Un permis délivré peut en effet faire l’objet d’un recours et être annulé pour erreur manifeste d’appréciation. A pu ainsi être annulé un permis portant sur une maison d’habitation alors que les études effectuées montraient que le terrain concerné était situé dans une zone inondable avec un aléa fort, et ce, même si l’intéressé avait prévu d’aménager les parties habitables à 1m au-dessus du sol, dès lors que cette précaution était insuffisante au vu de l’intensité des risques [28]. Même si un permis n’est pas contesté, son illégalité peut également être constatée à l’occasion d’un contentieux ultérieur en indemnisation lorsqu’un dommage se produit. Si l’existence du risque est avérée et connue, même non identifiée par les documents règlementaires applicables ou en cours d’élaboration, la responsabilité de l’administration peut être engagée en cas de délivrance du permis [29]. Des responsabilités pénales sont même encourues, en cas de connaissance du risque par l’administration [30].

Inversement, si, au stade de l’instruction des demandes, l’autorité n’a que de simples suspicions non justifiées, un refus de permis est illégal et peut engager la responsabilité de l’administration [31]. Certes, il lui appartient de prendre en compte le principe de précaution, mais elle ne peut pas opposer légalement un refus en l’absence d’éléments circonstanciés faisant apparaître, en l’état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier ce refus [32].

Toutefois, à ce stade, les études, quand elles existent, peuvent ne pas être fines ou avoir été menées sur l’ensemble du secteur concerné. Dans ce cas, la commune peut décider de réaliser une étude spécifique, ou comme certaines le font, demander au pétitionnaire de lui transmettre une telle étude. En droit toutefois, le principe est que la production de documents non prévus par le code de l’urbanisme ne peut pas être demandée, même si le PLU impose une telle étude. L’article R. 431-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4931I87), après avoir listé les pièces exigibles, précise très clairement qu’«aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l’autorité compétente». De plus, la réalisation d’une telle étude cadre mal avec le délai d’instruction d’une demande de permis, qui ne peut pas plus être prolongé par une demande portant sur la production d’une pièce non exigible. Cette étude peut par ailleurs ne pas être pertinente, lorsque des investigations sont nécessaires sur d’autres terrains ou secteurs. Les résultats de l’étude peuvent enfin être difficilement interprétables ou utilisables, lorsqu’elles renvoient à des techniques de construction.

Dans nombre de situations, les collectivités sont démunies, notamment lorsqu’elles ne savent pas si le maître d’ouvrage a pris des mesures et si elles suffisent à prévenir les risques. Certains services instructeurs proposent alors de refuser systématiquement les permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et du principe de précaution, alors même qu’un danger n’est pas caractérisé à la parcelle et que des prescriptions seraient peut-être possibles. La jurisprudence considère effectivement que, saisie d’une demande portant sur un projet susceptible de présenter un risque, l’autorité administrative peut la refuser s’il apparaît que ce risque est sérieux et que, n’étant pas tenue de réaliser à ses frais une étude sur les conditions de prise en charge de ce risque, elle ne dispose d’aucune étude suffisamment précise pour garantir la protection de la sécurité. Dans ce cas, le refus est justifié et le seul fait que le Code de l’urbanisme ne permet la production d’une étude technique n’est pas de nature à entacher d’illégalité ce refus [33]. In fine, il revient au tribunal administratif, s’il est saisi, de statuer sur la légalité des refus et permis délivrés au vu des éléments techniques produits par les parties. Sont ainsi discutées des questions techniquement complexes (notamment en matière d’avalanches [34]).

Enfin, s’agissant des prescriptions particulières, il est souvent indiqué qu’elles ne devraient pas porter sur des techniques de construction, relevant de la responsabilité des constructeurs et non des règles sanctionnées par les permis de construire [35]. Mais la distinction entre prescriptions légales ou illégales n’est pas toujours facile à opérer, la jurisprudence s’accommodant par ailleurs souvent de mesures constructives pour conclure à la légalité d’un permis délivré [36]. Là aussi, les collectivités procèdent de façon pragmatique, surtout en l’absence de PPRN contenant des prescriptions techniques.

L’article R 111-2 du Code de l’urbanisme n’est ainsi pas toujours facile à manier par les collectivités et le juge administratif. Les textes pourraient être modifiés, au prix d’un surenchérissement pour les pétitionnaires du coût des études préalables, ne serait-ce que pour étendre aux périmètres de risques délimités par les PLU le régime des attestations de l’article R. 431-16 du Code de l’urbanisme, applicable uniquement lorsqu’un PPRN existe.


[1] Cf. Prévention des risques naturels, site du ministère de la Transition écologique.

[2] Code de l’environnement, Code rural et de la pêche maritime, Code de l’urbanisme.

[3] SDAGE, PGRI, PPRI…

[4] Par exemple en ce qui concerne l’obligation de réaliser des ouvrages de protection (contre les eaux, les avalanches…), les mesures susceptibles d’être prises à l’égard de propriétaires privés, par exemple en cas de risques de chutes de blocs, selon l’imminence et la gravité des dangers…

[5] C. env., art. L. 562-1 (N° Lexbase : L7809IUR) et suiv.

[6] Etablissement d’un dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM) par l’État, d’un document d’information communale sur les risques majeurs  (DICRIM) et plan communal (ou intercommunal) de sauvegarde (PCS ou PIS) pour les collectivités.

[7] Cf. par ex. CE, 19 novembre 2010, n° 331640 (N° Lexbase : A4277GKM). Sous réserve néanmoins de la publication du PPRN : CAA Lyon, 7 janvier 2021, n° 19LY01521 (N° Lexbase : A48404CA).

[8] Portant par exemple sur la création à l’intérieur de bâtiments de zones refuges, la localisation des réseaux et équipements électriques, électroniques, micro-mécaniques et les installations de chauffage, les fondations à une profondeur suffisante (inondations), l’adaptation du dispositif d’infiltration à la nature du terrain (glissements de terrain), la protection ou le renforcement des façades exposées (chutes de blocs).

[9] Le juge vérifiant ensuite le respect de ces règles. Par exemple pour les modalités de construction des façades : TA Grenoble, 9 mars 2021, n° 2002782.

[10] CE, 14 mars 2003, n° 235421 (N° Lexbase : A5608A7T).

[11] CAA Marseille, 30 septembre 2019, n° 19MA04014 (N° Lexbase : A5709ZQI).

[12] CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT03320 (N° Lexbase : A62367IS).

[13] Cf. C. urb., art. L. 141-5 (N° Lexbase : L4546LXN) applicable aux SCOT non modernisés et le nouvel article L. 141-4 (N° Lexbase : L4530LX3)  pour les SCOT modernisés.

[14] C. env., art. L. 563-2 (N° Lexbase : L9769LEK).

[15] C. urb., art. R. 151-24 (N° Lexbase : L0318KWP).

[16] C. urb., art. R. 151-31 2° CU (N° Lexbase : L0311KWG).

[17] C. urb., art. R. 151-34 1° (N° Lexbase : L0308KWC).

[18] CAA Bordeaux, 7 mars 2018, n° 18BX00515 (N° Lexbase : A3699XHH).

[19] CAA Marseille, 19 oct.2006, n° 03MA01967 (N° Lexbase : A7526DSK).

[20] C. urb., art. R. 151-49 (N° Lexbase : L0293KWR).

[21] CAA Lyon, 27 mars 2012, n° 11LY01465 (N° Lexbase : A7857IPP).

[22] C. urb., art. R. 431-33-2 (N° Lexbase : L9310I7X).

[23] C. urb., art. R. 423-38 (N° Lexbase : L3484L78). Au-delà, la demande de complement peut être faite mais elle ne prorogera pas le délai d’instruction.

[24] CAA Marseille, 30 septembre 2021, n° 20MA01341 (N° Lexbase : A11497AS).

[25] CAA Lyon, 13 avril 2021, n° 19LY02419 (N° Lexbase : A02724Q7). Contra : CAA Versailles, 28 février 2020, n° 18VE03804 (N° Lexbase : A19373LC).

[26] CE, 25 octobre 2018, n° 412542 (N° Lexbase : A0710YI7) ; CAA Lyon, 16 mai 2019, n° 18LY03004 (N° Lexbase : A5340ZD7).

[27] CE, 22 juillet 2020, n° 426139 (N° Lexbase : A61983RY).

[28] CAA Lyon, 27 juill. 2004, n° 02LY01552 (N° Lexbase : A5173DDX).

[29] CE, 13 mars 2020, n° 423501 (N° Lexbase : A77363ID).

[30] Cf. par exemple la jurisprudence rendue dans le cadre de la tempête Xynthia : Cass. crim., 2 mai 2018, n° 16-83.432, F-D (N° Lexbase : A62347IQ).

[31] CAA Marseille, 9 octobre 2008 n° 06MA01214 (N° Lexbase : A0280EBY).

[32] CAA Versailles, 28 février 2020, n° 18VE04178 (N° Lexbase : A93303GN).

[33] CAA Lyon, 30 septembre 2014, n° 13LY02421 (N° Lexbase : A9960M9R) et CE, 14 mars 2003, n° 233545 (N° Lexbase : A5601A7L).

[34] CAA Lyon, 11 février 2020, n° 19LY01205 (N° Lexbase : A79233E8).

[35] TA Marseille, 13 mars 2008, n° 0507609.

[36] CAA Nantes, 15 novembre 2013, n° 12NT00765 (N° Lexbase : A8868MLZ) ; CAA Nantes, 12 octobre 2012, n° 11NT01119 (N° Lexbase : A4369IX4).

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Les SCoT et PLU de montagne : entre la mise en œuvre de la loi « climat et résilience » et la planification du développement touristique éventuel

Vous trouverez ci-dessous le 2ème de ces articles, rédigé par Jean-Marc PetitLes SCoT et PLU de montagne : entre la mise en œuvre de la loi « climat et résilience » et la planification du développement touristique éventuel

Les SCoT et les PLU de montagne n’ont pas de régime juridique propre. Comme les autres SCoT et PLU, ils peuvent d’ailleurs être des documents « modernisés », c’est-à-dire avoir un contenu conforme aux dernières réformes intervenues [1], ou « non-modernisés » s’ils sont antérieurs à ces réformes ou s’ils ont profité de leurs dispositions transitoires, permettant des modernisations échelonnées dans le temps [2]. Dans tous les cas, ils sont mobilisés comme les autres pour assurer la mise en œuvre de la loi « climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R). Mais ces SCoT et PLU, soumis à la loi « Montagne » (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne N° Lexbase : L7612AGZ), qui intéressent des territoires ayant des enjeux particuliers (environnementaux, économiques…), ont pour vocation spécifique de planifier l’éventuel développement touristique, de maintenir les activités, en utilisant les outils prévus, plus ou moins précisément, par le Code de l’urbanisme.

I. Loi « climat et résilience » : une mise en œuvre qui s’annonce complexe

La loi a prévu une mise en œuvre à marche forcée et en cascade de ses objectifs. Le dispositif, complexe, est décrit par son article 194 qui dervait être modifié prochainement par la loi dite « 3D » (le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, étant actuellement en cours de discussion).

Dans un premier temps, les régions, à travers leurs schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) [3], devraient normalement définir avant le 22 août 2023 (en l’état), une trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 ainsi que, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation, décliné entre les différentes parties du territoire régional. Pour la première tranche de dix ans (22 août 2021 – 22 août 2031), ce rythme doit permettre de réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation observée entre 2011 et 2021, ce qui correspond à l’objectif au niveau national [4]. Cette consommation de référence doit être « entendue comme la création ou l’extension effective, d’espaces urbanisés sur le territoire concerné », c’est-à-dire la consommation réelle constatée.

Lors de leur première révision ou modification à compter de l’adoption des schémas régionaux [5], les SCoT ou, en l’absence de SCoT, les PLU, devront être modifiés ou révisés pour prendre en compte les objectifs intégrés par lesdits schémas, et donc être « climatisés ». Pour les projets de SCOT et de PLU, en cours d’élaboration ou de révision, et arrêtés avant le 22 août 2021, les exigences de la loi ne s’appliquent pas jusqu’à l’approbation du document, mais ses dispositions leur seront « opposables immédiatement » après leur approbation, ce qui impliquera alors de conduire très rapidement une nouvelle révision ou modification pour se conformer aux objectifs de la loi avant les dates imparties.

À ce propos, les SCoT doivent fixer dans le délai de 5 ans, soit avant le 22 août 2026, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation en cohérence avec le SRADDET. Il pourra lui-même le décliner par secteur géographique en tenant compte de critères fixés par la loi [6]. Ils comprennent notamment ceux « du potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà urbanisés et à urbaniser et de l’impact des législations relatives à la protection du littoral, de la montagne et des espaces naturels sur la disponibilité du foncier », des « besoins en matière d’implantation d’activité économique », ainsi que « les projets d’intérêt communal ou intercommunal ». L’obligation de fixer un objectif et la possibilité de le décliner par secteur géographique concernent également les SCoT non encore modernisés [7].

Les PLU devront, quant à eux, s’inscrire dans le cadre défini par le SCoT dans les 6 ans après la promulgation de la loi, soit avant le 22 août 2027. Les prévisions d’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) devront par ailleurs être justifiées par une étude de densification des zones déjà urbanisées, pour démontrer que la capacité d’aménager et de construire dans ces zones y est déjà mobilisée, compte tenu des possibilités de mobilisation des logements vacants, des friches et des espaces déjà urbanisés entre l’élaboration, la révision ou la modification du PLU et l’analyse tous les 6 ans de son application [8].

Si les SRADDET sont défaillants, la loi prévoit que ce sera aux SCoT d’assurer directement, avant le 22 août 2026, l’intégration de l’objectif légal de réduction de division par deux pour la tranche 2021-2031 de la consommation réelle 2011-2021, qui, par hypothèse, n’aura pas été modulé territorialement par le schéma régional. En l’absence de SCoT, le PLU ou la carte communale remonteront alors en première ligne et devront, dans ce cas également, être approuvés avant le 22 août 2027. Ce même délai s’appliquera aux PLU et aux cartes communales en l’absence d’un SCoT « climatisé » dans le délai imparti. Un délai plus long est prévu pour les SCoT, les PLU et les cartes communales approuvés après le 22 août 2011 et qui fixent des objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’au moins un tiers : la date butoir est reportée les concernant au 22 août 2031.

Dans ce contexte, il parait évident que les auteurs de PLU vont devoir conduire leurs études et réflexions en parallèle de celles menées par les auteurs de SCoT et les régions. Il appartiendra également aux auteurs des documents de faire le bilan de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix années précédant la promulgation de la loi [9]. En parallèle, les communes et les EPCI dotés d’un PLU, sont astreints à établir au moins une fois tous les trois ans, un rapport relatif à l’artificialisation des sols sur leurs territoires au cours des années civiles précédentes. Un décret en Conseil d’État doit venir préciser les indicateurs et les données qui doivent y figurer [10].

On peut considérer avec certains auteurs que ce dispositif complexe et les notions utilisées, dont celle de ZAN, risquent « de placer l’élaboration des documents d’aménagement et d’urbanisme sous le règne de la calculette, au détriment des arbitrages qu’appelle toute politique d’aménagement un tant soit peu intelligente » [11].

Si le SCoT modifié ou révisé selon les attentes légales n’est pas entré en vigueur avant le 22 août 2026, les ouvertures à l’urbanisation des zones et secteurs visées à l’article L. 142-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4551LXT) seront suspendues. Si le PLU « climatisé » n’est pas entré en vigueur avant le 22 août 2027, aucune autorisation d’urbanisme ne pourra plus être délivrée, dans les zones à urbaniser du PLU, donc même si elle juridiquement ouverte à l’urbanisation, et ce jusqu’à l’entrée en vigueur du PLU climatisé.

Afin de permettre de respecter ces délais, la loi autorise, à titre dérogatoire, de « climatiser » SCoT et PLU par la procédure de modification dite simplifiée, c’est-à-dire sans enquête publique. Mais les collectivités concernées pourront bien entendu préférer mettre en œuvre les procédures « normales » d’évolution de leurs documents d’urbanisme – révision, procédure allégée de révision ou, éventuellement modification de droit commun – ce qui devrait être le cas si les adaptations peuvent être considérées comme allant au-delà de la seule mise en œuvre de la loi.

II. Le respect d’un environnement juridique spécifique

En montagne, les SCoT et PLU sont très souvent en prise avec des documents particuliers, tels les chartes de parcs naturels régionaux, de parcs nationaux, les PGRI, les SDAGE et les SAGE, et en Corse le PADDUC [12]. Les SCoT doivent être compatibles [13], avec ces documents, plus particulièrement avec les objectifs de gestion des risques d’inondation, ainsi qu’avec les orientations fondamentales et les mesures prises par les PGRI, notamment pour la maîtrise de l’urbanisation [14], les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité définis par les SDAGE (élaborés pour chacun des grands bassins hydrographiques), les objectifs de protection définis par les SAGE (élaborés à une échelle plus locale) [15]. Il doit également être compatible avec les règles générales du fascicule du SRADDET, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables.

Vis-à-vis des dispositions d’urbanisme de la loi « Montagne », qui protège le territoire montagnard et encadre son développement, le SCoT est également en première ligne. L’article L. 131-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4668LX8) applicable aux SCoT non encore modernisés leur fait obligation d’être compatibles avec les dispositions particulières aux zones de montagne ou avec les modalités d’application de ces dispositions lorsqu’elles ont été précisées par une DTA. La seule DTA intéressée par ce cas est celle des Alpes-Maritimes, toujours applicable. Pour les SCoT modernisés, le cas d’une DTA n’est plus visé, le lien entre SCoT et DTA ayant été coupé. Les SCoT modernisés couvrant le territoire de la DTA sont donc soumis à la seule compatibilité avec les dispositions d’urbanisme de la loi « Montagne » [16].

S’il existe un SCoT – en 2019, 70 % environ des communes de montagne étaient couvertes par un SCoT [17] – les PLU (et les cartes communales) doivent alors être compatibles avec le SCoT. Ce dernier semble faire entièrement écran entre le PLU et les dispositions de la loi « Montagne » [18]. Mais la réalité est plus complexe au vu de la jurisprudence rendue par le Conseil d’État pour les dispositions spécifiques au littoral [19], qui peut être transposée. Les auteurs d’un PLU, en présence d’un SCoT, doivent quand même veiller au respect par leur document des dispositions particulières aux zones de montagne. Si par principe les PLU doivent être compatibles avec les SCoT, les auteurs d’un PLU sont d’ailleurs tenus d’écarter un règlement illégal [20], comme le serait un SCoT incompatible avec la loi « Montagne ». L’incompatibilité du SCoT peut ainsi amener le juge à confronter le PLU aux dispositions particulières de la loi sans tenir compte du SCoT. Cela peut être le cas lorsque le SCoT ne comporte aucun élément permettant d’apprécier la compatibilité sur un point précis [21]. La loi « Montagne » reste donc toujours en arrière-plan…

En l’absence de SCoT, les PLU doivent être directement compatibles avec les dispositions particulières aux zones de montagne et aux documents ci-dessus [22]. À titre d’illustration, le Conseil d’État a considéré que la création de deux zones à urbaniser de 80 hectares environ dans une plaine n’était pas compatible avec les dispositions de l’article L. 122-10 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1853LCM), compte tenu de leur situation, de leurs dimensions et de la rareté des bonnes terres agricoles disponibles dans la commune [23].

Par ailleurs, l’article L.131-10 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7616LC3) impose aux documents d’urbanisme applicables aux territoires frontaliers de prendre en compte l’occupation des sols dans les territoires des États limitrophes.

Enfin, indépendamment des documents et règles supérieurs, tous les SCoT et PLU doivent être compatibles avec les dispositions de l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7076L79[24]. Cet article contient un grand nombre d’objectifs généraux que doivent poursuivre les collectivités en matière d’urbanisme [25]. Les PLU sont parfois contestés sur la base des dispositions combinées de la loi « Montagne » et de cette disposition, aux motifs par exemple que les auteurs de PLU auraient surestimé le développement de l’activité touristique et fixé des règles incompatibles avec le principe d’une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé le PLU révisé de la commune de l’Alpe-d’Huez, jugé incompatible avec ces dispositions, dès lors notamment que « la réhabilitation des lits froids n’est pas appréhendée et n’a fait l’objet d’aucune étude prospective, que l’avenir des lits chauds et les conditions de leur pérennisation n’est pas davantage étudiée, que l’objectif de 40 à 45 % de résidences de tourisme n’est justifié que par la comparaison à d’autres stations de sports d’hiver du département de la Savoie, au demeurant peu comparables, que le développement de l’hôtellerie de luxe n’est pas d’avantage justifié, que les principes de mixité sociales ne sont pas respectés » [26].

III. Maintien et développement de l’activité touristique : les évolutions récentes

Les auteurs de SCoT et PLU de montagne ont à s’interroger sur des sujets spécifiques. Ils peuvent en effet déroger, dans certaines conditions et limites, à quelques interdictions posées par la loi « Montagne » : ils peuvent prévoir une urbanisation en discontinuité [27], soustraire certains plans d’eau de faible importance au principe de protection des rives prévue par l’article L. 121-12 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2329KI4) ou rendre possible la construction dans certains secteurs aux abords des lacs inférieurs à 1 hectare [28]. Il revient ensuite aux PLU de délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus [29]. Cette délimitation est importante dès lors que c’est uniquement dans ces zones que les équipements et aménagements destinés à la pratique du ski alpin et les remontées mécaniques, équipements sportifs que l’on peut implanter sur les terres agricoles à préserver pourront être réalisés [30] et que la servitude prévue notamment pour les pistes, pylônes et survol peut être instituée [31] .D’autres enjeux sont plus complexes à traiter dans les documents d’urbanisme.

A. La réhabilitation de l’immobilier de loisir

SCoT et PLU doivent aborder le thème de la réhabilitation de l’immobilier de loisir. Le diagnostic, intégré dans le rapport de présentation des SCOT non modernisés [32] ou dans les annexes des SCoT modernisés [33] doit être établi également au regard des besoins. Le DOO d’un SCoT non modernisé doit préciser les objectifs poursuivis [34] tandis que celui d’un SCoT modernisé doit définir ceux de la politique de réhabilitation mais aussi de « diversification » de l’immobilier de loisir [35]. Dans tous les cas, l’analyse des résultats de l’application du SCoT approuvé ou révisé porte notamment sur ces aspects [36]. S’agissant des PLU, le diagnostic doit également être établi au regard des besoins en matière de réhabilitation de l’immobilier de loisir [37], mais les dispositions régissant les dispositions opposables d’un PLU ne fait pas mention d’outils particuliers. L’articulation entre les documents d’urbanisme et les ORIL, qui constituent une des traductions opérationnelles de la politique de réhabilitation, n’est pas spécialement décrite. Les pouvoirs des auteurs de PLU sont enfin limités du fait de la nature des règles d’urbanisme et des mesures susceptibles d’être adressées aux propriétaires privés…

Le sujet, qui intéresse le maintien de l’attractivité et la performance du parc touristique, l’occupation des lits dits tièdes et froids, est sensible et le jugement du tribunal administratif de Grenoble susvisé montre que l’absence de réflexion approfondie sur ces sujets peut entraîner l’annulation d’un PLU de montagne. Il deviendra plus prégnant encore sous l’impulsion de la loi « climat et résilience », qui tout à la fois tend à la maîtrise de l’étalement urbain, au renouvellement urbain, et à l’optimisation de la densité des espaces urbanisés. Ainsi qu’il a été dit, un PLU ne pourra prévoir l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers que s’il est justifié, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés [38]

Les SCoT peuvent devenir un document pivot de cette politique. La réforme de 2020 a donné à ces documents modernisés un contenu plus opérationnel et plus large. Le DOO d’un SCoT modernisé peut décliner toute orientation nécessaire à la traduction du PAS relevant des objectifs énoncés à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7076L79) et de la compétence des collectivités publiques en matière d’urbanisme [39]. Le SCoT peut comprendre un programme d’actions visant à accompagner sa mise en œuvre, et précisant les actions prévues sur le territoire qu’elles soient portées par la structure compétente ou ses membres, et même par tout acteur public ou privé du territoire concourant à la mise en œuvre du SCoT ou associé à son élaboration, en prenant en compte les compétences de chacun [40]. Ces nouvelles dispositions vont permettre, si cela est souhaité, d’inscrire dans le SCoT une stratégie opérationnelle pour la ou les stations concernées.

B. Le maintien de l’hébergement touristique et des hôtels

Le sujet, lié au précédent, intéresse toutes les communes touristiques, balnéaires et de montagne, et soulève la délicate question de l’étendue des pouvoirs impartis aux auteurs de PLU, dans le cadre des dispositions du Code de l’urbanisme qui régissent le contenu des PLU et les destinations [41]. Des auteurs de PLU ont introduit des règles, souvent contestées, interdisant le changement de destination des hébergements hôteliers existants, identifiés dans les documents graphiques. La jurisprudence évolue favorablement à l’égard de telles dispositions. La cour administrative d’appel de Nantes a annulé une disposition de ce type, mais parce qu’elle n’était pas prévue pour les hébergements hôteliers à construire dans les secteurs concernés et que les auteurs du PLU ne pouvaient pas prévoir, sur le fondement de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0545LEW), des règles différentes pour des constructions relevant de la même catégorie de destination. Pour elle, les hôtels créés postérieurement à l’adoption du PLU n’étaient pas dans une situation différente de ceux identifiés, au regard de l’objectif de maintien de la capacité hôtelière, et la différence de traitement au sein d’une même destination était disproportionnée [42]. Viser les hôtels futurs dans les secteurs concernés peut être une précaution à prendre…

La cour administrative d’appel de Marseille a quant à elle validé récemment une interdiction prévue dans certaines zones d’un PLU, de même qu’une disposition permettant de déroger dans les cas de reconstruction ou de transformation, sans changement de destination des établissements existants, aux règles de gabarit, hauteur, emprise au sol, prospect, si la construction existante ne respectait pas lesdites règles. Bien entendu, ces mesures doivent être justifiées. Dans cette dernière affaire, le PADD du PLU prévoyait de préserver le tissu hôtelier stratégique pour pérenniser la vocation touristique de la commune. Le rapport de présentation faisait état de la volonté de « maintenir les mesures incitatives telles que des emprises au sol élevées pour les aménagements hôteliers tout en dissuadant l’évolution des 53 hôtels existant vers l’immobilier classique » [43].

C. Les projets d’UTN 

La réforme des UTN opérée par la loi « Montagne 2 » (loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne N° Lexbase : L0100LCP), entrée en vigueur le 1er août 2017, a eu pour objet, principalement, de les intégrer dans les SCoT et PLU, selon qu’il s’agit d’UTN structurantes ou locales. Elle a fait l’objet d’un commentaire complet par le ministère en 2018 [44]. Récemment, les députés chargés du rapport d’information sur l’évaluation de la loi « Montagne 2 » [45] ont noté avec satisfaction que cette loi a instauré un équilibre, « recherché par tous les acteurs », et que, de l’avis du ministère de la Cohésion des territoires, « les collectivités territoriales n’émettent pas de remontées négatives et semblent s’être approprié le dispositif qui avait pour principaux objectifs la simplification et la planification des projets ». 

Ils ont également noté que l’objectif ZAN faisait peser de nombreuses inquiétudes sur la constructibilité en zone de montagne et que certains projets de SCoT comportaient, en quelque sorte par précaution, un grand nombre d’UTN structurantes « dont il est évident qu’il n’est pas prévu de toutes les réaliser »…


[1] Ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020 pour les SCoT (N° Lexbase : L4299LXI), loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (N° Lexbase : L8342IZY), et décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 (N° Lexbase : L0839KWY) pour les PLU.

[2] Cf. pour les SCoT, l’article 7 de l’ordonnance qui prévoit que ses dispositions sont applicables aux SCoT, aux PLU, aux documents en tenant lieu et aux cartes communales « dont l’élaboration ou la révision est engagée à compter du 1er avril 2021 », les auteurs de SCoT en cours pouvant se soumettre volontairement à ses dispositions.

[3] Les autres documents régionaux, le PADDUC, le SDRIF et les SAR sont également concernés.

[4] Art. 191.

[5] Ou lors de leur première modification ou révision à compter du 22 août 2021, dans l’hypothèse où le schéma régional intègrerait déjà des objectifs de la loi.

[6] Nouvel art. L. 141-8 (N° Lexbase : L6783L7D).

[7] art. 194, § IV, 11°. Le DOO et le PADD à défaut de PAS seront alors utilisés.

[8] C. urb., art. L. 153-27 (N° Lexbase : L6909L7Z).

[9] Une partie de ces données devrait être disponible compte tenu des obligations qui pèsent déjà sur les SCoT et les PLU en matière d’analyse de la consommation foncière.

[10] CGCT, art. L. 2231-1 (N° Lexbase : L6707L7K). Ce rapport rendra compte de la mesure dans laquelle les objectifs de lutte contre l’artificialisation sont atteints.

[11] P. Soler-Couteaux, J.-P. Strebler, Les documents d’urbanisme à l’épreuve du zéro artificialisation nette : un changement de paradigme, RDI, 2021, p. 512.

[12]  Le PADDUC comprend un « plan montagne » pour répondre aux problématiques de la montagne Corse. Cf Le PADDUC dans son intégralité.

[13] La compatibilité se distingue de la conformité en ce que la seconde implique un rapport de stricte identité alors que la première se satisfait d’une non-contrariété. Elle implique l’obligation de ne pas aller à l’encontre de la politique d’ensemble retenue lors de l’élaboration du document supérieur. Pour mesurer cette compatibilité, il faut rechercher dans le cadre d’une analyse globale conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu’impose ce document, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier du document supérieur.

[14] Le PGRI définit les objectifs de la politique de gestion des inondations à l’échelle du bassin ou d’un groupement de sous-bassins. Il traite l’ensemble des aspects de la gestion des inondations : la prévention, la surveillance, la prévision et l’information sur les phénomènes, la réduction de la vulnérabilité des territoires, l’information préventive, l’éducation, la résilience et la conscience du risque.

[15] Les SDAGE et SAGE appréhendent notamment les enjeux du développement touristique en montagne (impact sur l’eau potable en haute saison, impact des enneigeurs artificiels sur le cycle naturel de l’eau, opportunité de réaliser certains projets au regard de l’évolution climatique et de la pérennité de l’enneigement…).

[16] La DTA des Alpes-Maritimes continuera ainsi à s’appliquer en termes de compatibilité à tous les SCoT de son périmètre, tant que leur élaboration ou leur révision n’aura pas été prescrite à compter du 1er avril 2021 (sauf application anticipée de l’ordonnance « hiérarchie des normes » dans le cadre d’une procédure d’élaboration ou de révision en cours avant 1er avril 2021).

[17] Cerema, SCoT et montagnes Repères techniques et juridiques. On trouve bien entendu des situations très différentes, entre des SCoT comportant une partie de territoire en montagne (Grand Clermont, Grande Région de Grenoble, Ouest Alpes Maritimes), des SCoT dont le territoire est intégralement en zone de montagne (Haut-Jura, Tarentaise-Vanoise, Pays de Maurienne…).

[18] C. urb., art. L 131-4 (N° Lexbase : L4653LXM).

[19] L. Prieur, La loi « littoral » et le SCoT, Lexbase Pub. n° 635 N° Lexbase : N8399BYQ), 2021 et CE, 29 septembre 2020, n° 423087 N° Lexbase : A13923WH).

[20] CE, 9 mai 2005, n° 277280 (N° Lexbase : A2186DIS).

[21] Cf. dans un cas de ce type CAA Marseille, 9 juillet 2019, n° 18MA04160 (N° Lexbase : A9840ZKN).

[22] C. urb., art. L 131-6 (N° Lexbase : L4654LXN).

[23] CE, 6 février 1998, n° 161812 (N° Lexbase : A6336ASH).

[24] Parmi lesquels, le principe d’équilibre entre notamment le renouvellement urbain, le développement urbain et rural maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l’étalement urbain et une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels, le principe de diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l’habitat, le principe de protection des milieux naturels et des paysages.

[25] Pour une application récente s’agissant d’un SCoT : CAA Douai, 12 octobre 2021, n° 20DA00617 (N° Lexbase : A5298494).

[26] TA Grenoble, 19 octobre 2017, n° 1600090 (N° Lexbase : A9039WWP).

[27] C. urb., art. L. 122-7 (N° Lexbase : L2375KIS).

[28] C. urb., art. L. 122-14 (N° Lexbase : L2382KI3).

[29] C. urb., art. L. 151-38 (N° Lexbase : L2595KIX) et R. 151-48 (N° Lexbase : L0294KWS).

[30] C. urb., art. L. 473-2 CU (N° Lexbase : L2778KIQ).

[31] C. tour., art. L 342-18 (N° Lexbase : L1811LC3). Condition non applicable notamment aux servitudes instituées en vue de faciliter la pratique du ski de fond ou l’accès aux sites d’alpinisme, d’escalade en zone de montagne et de sports de nature ainsi que l’accès aux refuges de montagne.

[32] C. urb., art L 141-3 (N° Lexbase : L6780L7A).

[33] C. urb., art. L 141-15 (N° Lexbase : L4674LXE).

[34] C. urb., art. L 141-12 (N° Lexbase : L4534LX9).

[35] C. urb., art. L 141-11 (N° Lexbase : L4533LX8).

[36] C. urb., art. L 143-28 (N° Lexbase : L6785L7G).

[37] C. urb., art. L 151-4 (N° Lexbase : L9974LMD).

[38] C. urb., art. L 151-5 modifié (N° Lexbase : L6786L7H).

[39] C. urb., art. L 141-4 (N° Lexbase : L9974LMD).

[40] C. urb., art. L. 141-19 (N° Lexbase : L4575LXQ).

[41] C. urb., art. R. 123-9 (ancien) pour les PLU non modernisés et R. 151-33 (N° Lexbase : L0309KWD) pour les PLU modernisés.

[42] CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT03666 (N° Lexbase : A95313WW).

[43] CAA Marseille, 17 décembre 2021, n° 19MA04240.

[44] Ministère de la Cohésion des territoires, Fiche n° 5, Les unités touristiques nouvelles.

[45] Rapport d’information sur l’évaluation de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Lire les autres articles du dossier :

Les principes d’urbanisation en montagne confrontés à la loi « climat et résilience

Le cabinet Adaltys, en collaboration avec Lexbase, vous propose un numéro spécial consacré au droit de l’urbanisme en montagne, au travers de 6 articles publiés dans Lexbase Public, édition n°651, du 13/01/2022.


Vous trouverez, ci-dessous le premier de ces articles, rédigé par Jean-Marc Petit, et qui porte sur «  Les principes d’urbanisation en montagne confrontés à la loi « climat et résilience » :

En 1985, lorsque la loi « Montagne » a été promulguée [1], l’article frontispice du Code de l’urbanisme, à l’époque l’article L. 110 (N° Lexbase : L6123IEI), donnait simplement pour objectif aux collectivités de « gérer le sol de façon économe, assurer la protection des espaces naturels et des paysages et promouvoir l’équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ». L’article L. 121-10 (N° Lexbase : L9982LMN) obligeait les documents d’urbanisme « à déterminer les conditions » permettant, d’une part, de limiter l’utilisation de l’espace, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et les paysages et d’autre part, de prévoir suffisamment de zones réservées aux activités économiques et d’intérêt général et de terrains constructibles pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière de logement. Depuis, les exigences ont été très nettement renforcées par les réformes successives (lois « SRU », « Grenelle 2 » …).

La loi « Montagne », directement opposable aux autorisations d’urbanisme pour garantir une plus grande efficacité du dispositif, est restée quant à elle globalement protectrice de l’espace montagnard, malgré les assouplissements introduits en 2003, et en 2016 par la loi dite « Montagne 2 » [2]. Cela n’a pas empêché la France de détenir le « record d’Europe » de la surface artificialisée par habitant et de voir l’artificialisation, avec ses inconvénients induits, augmenter, sur l’ensemble du territoire national, et ce presque quatre fois plus vite que la population.

Parallèlement, les traductions concrètes du réchauffement climatique et les perspectives à terme ont amené à réfléchir à l’évolution de la politique de développement touristique en montagne (en fonction notamment de l’altitude, des possibilités de développement des transports « propres »…). La lutte contre l’artificialisation des sols en vue d’une absence d’artificialisation nette à terme (objectif « ZAN ») a enfin été ajoutée aux objectifs généraux par la récente loi dite « climat et résilience » [3]. La maîtrise du développement rural est désormais visée ; la maîtrise de l’étalement ainsi que le renouvellement urbain sont rappelés à plusieurs reprises [4].

L’ensemble du territoire national est concerné par ces ambitions fortes, susceptibles de contrarier l’application locale des règles. Le dispositif de la loi « Montagne », s’il peut être utilisé pour assurer effectivement une grande protection, rend également possible la consommation d’espaces naturels et l’artificialisation des sols, que la loi climat et résilience tend à réguler de manière drastique.

I. Les possibilités de consommation et d’artificialisation ouvertes par la loi « Montagne »

Les communes soumises aux principes d’urbanisation de la loi « Montagne » [5], énumérés aux articles L. 122-1 (N° Lexbase : L2369KIL) à L. 122-27 et R. 122-1 (N° Lexbase : L6662LEH) à R. 122-20 du Code de l’urbanisme, soit 5 000 communes environ, sont concernées par six principes fondamentaux plutôt protecteurs. Ces dispositions sont opposables à leurs documents d’urbanisme dans des conditions fixées par le Code de l’urbanisme, ainsi qu’aux autorisations individuelles [6] et plus généralement « à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, la réalisation de remontées mécaniques et l’aménagement de pistes, l’ouverture des carrières, la recherche et l’exploitation des minerais et les installations classées pour la protection de l’environnement » [7].

Par exception, sont toutefois exonérés du respect de ces règles les travaux et projets énumérés à l’article L. 122-3 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0270LNC), notamment les services publics autres que les remontées mécaniques mais seulement si leur localisation est justifiée par des nécessités techniques impératives. L’établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public est également concerné si ces réseaux répondent à la nécessité d’améliorer la couverture du territoire. Surtout, ces principes, dont la généralité uniforme se heurte à l’hétérogénéité des territoires, sont assortis d’exceptions et laissent des possibilités d’urbanisation et d’artificialisation.

A. Principe n° 1 : les espaces, paysages, milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard doivent être préservés (C. urb., art. L 122-9)

En application de cet article, les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols « doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces » et pour satisfaire à cette exigence, ils « doivent comporter des dispositions de nature à concilier l’occupation du sol projetée et les aménagements s’y rapportant avec l’exigence de préservation de l’environnement montagnard prévue par la loi » [8]. Le Code de l’urbanisme ne précise pas quels sont les espaces, paysages et milieux caractéristiques concernés. Il peut donc s’agir d’espaces ne faisant pas l’objet d’une protection règlementaire (sites classés et inscrits, parcs…). Les juridictions apprécient l’existence ou non d’un élément caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard et s’il y a ou non préservation de cet élément. Les décisions rendues récemment confirment la complexité de l’approche. Dans une même espèce, il peut y avoir entre les juridictions de première instance et d’appel des divergences de vues radicales [9]. Toujours est-il que les espaces concernés ne sont pas sanctuarisés. Un refus de permis de construire pour un projet éolien dans un espace de ce type peut être invalidé en l’absence « d’impact paysager notable » [10].

B. Principe n °2 : les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières doivent être préservées (C. urb., art. L 122-10)

Là aussi, logiquement, le Code de l’urbanisme ne précise pas quelles sont les terres concernées.

La loi « Montagne 2 » est venue confirmer que les terres se situant en fond de vallée le sont.

L’administration et la jurisprudence apprécient également le respect de cette disposition [11] au vu de différents paramètres (par exemple les labels AOP/AOC, les diagnostics PLU, les délimitations de zones agricoles protégées…). Cet article précise néanmoins que la nécessité de préserver toutes ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux et que doivent être également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Dans ce cadre, la jurisprudence considère par exemple que la seule circonstance qu’une vaste prairie très faiblement pentue et présentant les caractéristiques d’un pré agricole ne suffit pas pour qu’elle soit protégée [12]. Il n’y a donc pas de sanctuarisation des terres agricoles ou à vocation agricole. Cette disposition est ensuite assortie d’exceptions : figurent les constructions et équipements prévus à l’article L. 122-11 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1854LCN), telles les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières, certains équipements sportifs liés à la pratique du ski et de la randonnée.

C. Principe n° 3 : la capacité d’accueil des espaces destinés à l’urbanisation doit être compatible avec la préservation des espaces naturels et agricoles mentionnés aux articles L 122-9 et L 122-10 (C. urb., art. L 122-8)

Au regard de cette disposition, qui se combine avec les articles précédents, le juge administratif s’attache à une analyse globale du document concerné, qui peut permettre des extensions. Il a été jugé par exemple que cet article est respecté dès lors qu’en « favorisant la densification des espaces urbanisés existants, en densifiant le centre-ville et en ouvrant progressivement les zones de développement futur, la commune a pour objectif de réduire son rythme d’artificialisation des sols de 25 % et que le PLU en litige réduit son potentiel urbanisable par rapport au POS antérieur » [13].

D. Principe n° 4 : l’extension éventuelle de l’urbanisation doit se faire en continuité de l’urbanisation existante (C. urb., art. L 122-5 et suivants)

Il s’agit là d’une disposition essentielle motivée par la lutte contre le mitage de l’espace montagnard, mais qui permet par nature les extensions de l’urbanisation. Elle donne lieu en pratique à des interprétations plus ou moins libérales selon les départements montagnards concernés, notamment sur la condition liée à l’existence d’une urbanisation suffisante pour pouvoir justifier une extension. Elle est constituée historiquement des bourgs et villages [14], mais aussi des hameaux [15]. Depuis 2003, elle peut être également constituée de « groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants », expression introduite pour permettre d’écarter les contours jurisprudentiels exigeants de la notion de hameau. L’interprétation de cette notion est néanmoins assez restrictive. Il est jugé que « l’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble »[16]. Le Conseil d’État a exclu la possibilité de construire en continuité d’une dizaine d’habitations existantes, espacées de 25 à 40 mètres, dans un secteur non desservi par les réseaux d’eau et d’assainissement [17].

Si la loi dite « Montagne 2 » a précisé que le principe de continuité s’apprécie au regard des caractéristiques locales de l’habitat traditionnel, des constructions implantées et de l’existence de voies et réseaux[18], l’appréciation de la continuité se fait toujours comme depuis l’origine au cas par cas en utilisant les critères dégagés depuis 1985 par la jurisprudence : distances entre les bâtiments, densité, forme et logique de l’urbanisation locale, présence ou non de voies et de réseaux. Une distance trop élevée au regard du contexte local reste rédhibitoire.

Outre l’exception déjà citée, l’interdiction de construire en discontinuité ne concerne pas l’extension limitée des constructions existantes, ainsi que, depuis la loi « Montagne 2 », les « annexes de taille limitée » à ces constructions. Il a été récemment jugé qu’une annexe de 8 mètres carrés d’une maison de 55 mètres carrés peut être autorisée [19].

Mais surtout peuvent toujours être réalisées en discontinuité les unités touristiques nouvelles (UTN), qui regroupent notamment les opérations de construction d’hébergements et d’équipements touristiques, qui peuvent être structurantes. Il y a certes certaines limites : aux termes de l’article L 122-15 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9766LEG), le développement touristique est admis dès lors qu’il prend en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées mais aussi la vulnérabilité de l’espace montagnard au changement climatique. La création ou l’extension d’une UTN ne peut pas par ailleurs être autorisée si la qualité des sites et les grands équilibres naturels ne sont pas respectés.

Peuvent également être réalisés en discontinuité les installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Cette dernière exception profite aux constructions et ouvrages qui en raison des nuisances ou des risques qu’ils génèrent doivent être éloignés des habitations (relevant notamment de la législation ICPE). Les éoliennes, soumises à des règles de distance en application du code de l’environnement, sont concernées [20]. À l’inverse, un parc photovoltaïque ne remplit pas en principe cette condition d’incompatibilité [21], mais il peut être autorisé dans le cadre d’une autre exception [22].

À cet égard, le Code de l’urbanisme laisse notamment la possibilité, en présence d’un SCOT, d’un PLU, d’une carte communale et même en l’absence de ces documents de réaliser des projets en discontinuité, certes sous des conditions strictes définies par l’article L 122-7 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2375KIS[23].

E. Principe n° 5 : les parties naturelles des plans d’eau de moins de moins de 1000 hectares sont protégées sur une distance de 300m à compter de la rive  (C. urb., art. L 122-12 et s)

Ce principe est lui-aussi assorti d’exceptions, assez limitées, prévues par les articles L. 122-12 (N° Lexbase : L2380KIY), L. 122-13 (N° Lexbase : L2381KIZ), notamment pour les gîtes d’étapes ouverts au public pour la promenade et la randonnée et par l’article L. 122-4 (N° Lexbase : L2372KIP) qui vise notamment la possibilité pour un SCOT ou un PLU de délimiter des secteurs constructibles (avec l’accord de l’État).

F. Principe n° 6 : certaines routes nouvelles sont interdites (C. urb., art. L 122-4)

Les routes concernées sont seulement les routes nouvelles de vision panoramique, de corniche ou de bouclage dans la partie des zones de montagne située au-dessus de la limite forestière, sauf exception justifiée par le désenclavement d’agglomérations existantes ou de massifs forestiers ou par des considérations de défense nationale ou de liaison internationale ([24]).

Ainsi, même si ces articles protecteurs sont d’application cumulative, d’interprétation restrictive s’agissant des exceptions qu’ils ouvrent, au point que le dispositif est souvent présenté comme menant à l’asphyxie des possibilités de construction en montagne, ils permettent, dans certaines limites, de consommer des espaces naturels, agricoles et forestiers et d’artificialiser les sols.

II. Les objectifs nationaux de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et du « zéro artificialisation nette »

Dès octobre 2018, après la présentation par le Gouvernement du « plan biodiversité » incluant « l’objectif ZAN », le ministre de la Cohésion des territoires indiquait que les dispositions particulières à la montagne devaient être envisagées comme un moyen permettant de concilier les différents enjeux du territoire, à savoir préserver les espaces naturels et agricoles « en luttant contre l’artificialisation des sols »,  tout en garantissant aux communes et intercommunalités « de pouvoir répondre à la demande de logement et de développement des activités économiques » [25].

Depuis, la loi « climat et résilience » a été promulguée. Certes, elle ne réduit pas directement les possibilités ouvertes par les articles susvisés. Mais elle fixe comme objectif national d’atteindre l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, en compensant entièrement les surfaces éventuellement artificialisées par des surfaces renaturées [26]. Ensuite, l’optique n’est plus d’affirmer des principes et de s’en remettre, pour le résultat, au volontarisme des collectivités et au contrôle par les services de l’État. La loi fixe désormais la mobilisation des moyens à la réalisation d’un résultat formulé sous une forme quantitative et impérative, qui doit être mis en œuvre selon un calendrier imposé [27]. Il s’agit là d’un véritable changement de paradigme [28]. Une première étape de réduction du rythme de l’artificialisation pour les dix ans à venir est fixée au niveau national et également au niveau régional dans le cadre, notamment, des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) : 50 % maximum de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation réelle de ces espaces sur les dix dernières années. Les SCOT et les PLU sont mobilisés pour traduire localement ces options (lire notre article dans ce même numéro spécial, Les SCoT et PLU de montagne : entre la mise en œuvre de la loi « climat et résilience » et la planification du développement touristique éventuel N° Lexbase : N0069BZL).

La notion d’artificialisation, qui est centrale, doit encore être précisée par un décret qui établira une nomenclature des sols artificialisés à utiliser, à terme, par les documents régionaux. La loi en donne une définition générale [29] et une plus opérationnelle, précisant que l’on devra considérer comme artificialisée une surface « dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ». Le texte réglementaire, qui devrait être plus précis s’agissant des sols dont la structure et la composition sont perturbés par l’homme, et qui devrait comporter des seuils de déclenchement pour la classification des surfaces, est bien entendu très attendu…

L’urbanisation en continuité, les créations d’UTN et les aménagements de domaines skiables vont s’inscrire dans ce nouveau cadre, encore flou, qui ne semble pas susceptible de s’adapter davantage aux spécificités et aux ambitions de certains territoires montagnards…


[1] Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne (N° Lexbase : L7612AGZ).

[2] Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (N° Lexbase : L0100LCP).

[3] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (N° Lexbase : L6065L7R).

[4] Cf. les nouveaux art. L. 101-2 (N° Lexbase : L7076L79) et L 101-2-1 (N° Lexbase : L7077L7A) du Code de l’urbanisme.

[5] C’est-à-dire les seules communes délimitées par les arrêtés auxquels fait référence l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985. Cf. CE, 20 juillet 2020, n° 428023 (N° Lexbase : A62093RE). La liste des communes concernées figure sur le site du ministère de la Transition écologique.

[6] Sauf sur le territoire de la DTA des Alpes-Maritimes, seule opposable lorsqu’elle fixe les modalités d’application des dispositions particulières aux zones de montagne, sous réserve que ces prescriptions soient suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions. Cf. CE, 19 novembre 2021, n° 435153 (N° Lexbase : A48077CZ).

[7] C. urb., art. L. 122-2 (N° Lexbase : L2370KIM).

[8] CE, 24 avril 2012, n° 346439 (N° Lexbase : A4188IKC).

[9] Cf. par exemple CAA Marseille, 19 novembre 2021, n° 19MA03306 (N° Lexbase : A61457CL).

[10] CAA Marseille, 2 février 2021, n° 18MA02635 (N° Lexbase : A82104ES).

[11] Elle a récemment été considérée comme méconnue dès lors que les parcelles concernées étaient assez vastes (4 500 m2), exploitées pour un usage de fauche, qu’elle s’inscrivaient dans un couloir préservé de toute urbanisation dédié aux activités agricoles et pastorales à proximité de plusieurs exploitations agricoles dont celle qui les exploite, et alors qu’une étude de la chambre d’agriculture avait conclu à la nécessité de préserver les parcelles situées à moins de 600 mètres des bâtiments agricoles (CAA Lyon, 7 juillet 2020, n° 18LY03445 N° Lexbase : A69713SY).

[12] CAA Lyon, 13 avril 2021, n° 19LY01654 (N° Lexbase : A02574QL).

[13] CAA Marseille, 13 juillet 2021, n° 20MA01160 (N° Lexbase : A17354ZB).

[14] Cette dernière notion renvoyant à une urbanisation également organisée autour d’un noyau traditionnel, ayant une vie propre toute l’année, accueillant ou ayant accueilli des éléments de vie collective (commerces, service public…).

[15] Ce terme désigne un petit ensemble de bâtiments d’habitation (une dizaine ou une quinzaine environ), regroupés, proches et structurés, d’une taille inférieure aux bourgs et aux villages, et distincts de ces derniers.

[16] CAA Marseille, 27 février 2020, n° 19MA05462 (N° Lexbase : A94973GT).

[17] CE, 2 octobre 2019, n° 418666 (N° Lexbase : A5093ZQP).

[18] C. urb., art. L. 122-5-1 (N° Lexbase : L1260LCN).

[19] CAA Lyon, 30 novembre 2021, n° 20LY00707 (N° Lexbase : A68167E8).

[20] CE, 16 juin 2010, n° 311840 (N° Lexbase : A9801EZZ).

[21] CE, 7 octobre 2015, n° 380468 (N° Lexbase : A8951NSC).

[22] CAA Marseille, 16 novembre 2021, n° 18MA04138.

[23] Notamment étude de discontinuité, création de hameaux et de groupes d’habitations nouveaux intégrés à l’environnement, zones d’urbanisation future de taille et de capacité d’accueil limitées (ZUFTECAL).

[24] Le ministère de la Cohésion des territoires a précisé ces notions sur son site.

[25] Instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018, relative aux dispositions particulières à la montagne du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6982MAT).

[26] Article 191 de la loi.

[27] Article 194 de la loi.

[28] P. Soler-Couteaux, J.-P. Strebler, Les documents d’urbanisme à l’épreuve du zéro artificialisation nette : un changement de paradigme, RDI, 2021, p. 512.

[29] C. urb., art. L. 101-2-1 (N° Lexbase : L7077L7A) : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. L’artificialisation nette des sols est le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés ».

Lire les autres articles du dossier :

Evaluation environnementale: décryptage du décret du 13 octobre 2021

Champ d’application

Le décret du 13 octobre 2021 modifie le champ d’application de l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme et des unités touristiques nouvelles.

Au cas par cas

Est créé un dispositif d’examen au cas par cas réalisé directement par la collectivité responsable du document d’urbanisme sous réserve de l’avis conforme de l’autorité environnementale.

Entrée en vigueur

Le décret est entré en vigueur le 16 octobre 2021. Il s’applique aux procédures d’élaboration ou de révision des PLU en cours, lancées après le 8 décembre 2020, à tout stade d’avancement de la procédure.

Pour savoir plus :

Nomination de quatre Counsels

Nous sommes ravis d’annoncer la nomination de quatre counsels. Cette nomination marque notre reconnaissance de l’implication et de l’engagement de ces brillantes avocates dans le développement de notre cabinet.

Séverine Buffet, en droit de l’urbanisme

Chloé Fischer, en droit immobilier

Anne-Claire Louis, en droit de l’expropriation/préemption

Julie Roche, en droit des contrats publics

Cooptation Lucie Paitier

ADALTYS ANNONCE LA COOPTATION DE LUCIE PAITIER, ET RENFORCE SON EXPERTISE EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, DROIT DE L’ENERGIE ET EN DROIT PUBLIC DES AFFAIRES AU SEIN DE SON BUREAU DE RENNES


Le cabinet Adaltys poursuit le développement de sa présence en région avec la nomination comme associée de Lucie Paitier, qui avait créé le bureau de Rennes en 2019. Elle a en effet démontré sa capacité à développer une clientèle locale et nationale, auprès d’acteurs privés et publics, dans les domaines du droit de l’environnement, du droit de l’énergie et du droit public des affaires.


« Les problématiques liées au droit l’environnement, et au développement des énergies renouvelables sont des thématiques qui ont du sens : pour moi, pour l’avenir. »

Pour cette bretonne ayant grandi dans le golfe du Morbihan, sensibilisée aux enjeux environnementaux et à la préservation du littoral, c’est une rencontre avec les équipes juridiques et techniques de l’agence de l’énergie de la Réunion [devenue Energies Réunion] qui lui a permis de trouver sa vocation. Alors qu’elle est étudiante en master 2 à l’université de Bordeaux IV, et se prédestinait à une carrière dans le notariat, elle rejoint pendant quelques mois l’agence et se familiarise avec les problématiques liées au développement des énergies renouvelables. Révélation pour ces thématiques qui font écho à ses convictions, virage à 180 degrés, Lucie Paitier décide de passer le concours pour devenir avocate et de consacrer son activité au droit de l’énergie.


« Ce que j’aime, ce n’est pas le droit pur, c’est le droit en tant que matière vivante et évolutive, associé à la technicité des sujets. »
Pour poursuivre sa formation, elle part en Australie effectuer un LLM, et suivra des cours en droit international de l’environnement et du changement climatique. Ce sera aussi l’occasion de découvrir d’autres aspects, plus internationaux, et d’enrichir ainsi sa pratique tout en confirmant son intérêt pour le droit de l’environnement et de l’énergie.


« Au sein du cabinet Adaltys, j’ai trouvé le soutien nécessaire pour poser des bases solides, et ainsi gagner la confiance de mes clients et de mes associés. »
Après sa première collaboration au sein d’un cabinet d’affaires parisien, son arrivée chez Adaltys en 2016 marque son envie de diversifier sa pratique avec de nouvelles matières et de gérer des dossiers complexes et variés. Dès sa deuxième journée, elle est propulsée dans les méandres d’un contentieux de masse médiatisé, pour lequel elle n’a cessé de s’investir quotidiennement, afin d’accompagner son client et de définir, à ses côtés, une stratégie contentieuse.

« Le contentieux est une partie incontournable de mon activité, je suis pugnace et toujours combattive pour défendre les intérêts de mes clients ».
Ses cinq années de collaboration, au côté de Gilles Le Chatelier, devenu président d’Adaltys en 2020, sont aussi marquées par des rencontres et la conviction que ses valeurs rejoignent celles du cabinet. C’est avec fierté qu’elle décide de rejoindre l’équipe des associés, pour concrétiser son implication, son attachement et sa confiance dans le projet collectif mené par l’ensemble des équipes.


A PROPOS DE LUCIE PAITIER
Lucie Paitier accompagne aussi bien des acteurs publics que privés (gestionnaires de réseaux, développeurs de projets, investisseurs, collectivités locales, sociétés publiques locales…).
Ses matières de prédilection sont :

  • L’environnement : sites et sols pollués, gestion du trait de côte/préservation du littoral, gestion de l’eau ;
  • L’énergie : les réseaux de distribution publique d’électricité, le développement des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, hydrogène vert et décarboné).
    Après un parcours au sein de cabinets d’affaires parisiens (Huglo-Lepage, Shearman and Sterling, CGR Legal [devenu LPA-CGR]), le retour en Bretagne et le choix d’y développer ses activités au sein d’un territoire auquel elle est attachée, est apparu comme une évidence. Une évidence qui s’est révélée cohérente avec la volonté du cabinet de poursuivre son maillage géographique, et de proposer un service juridique de haute qualité auprès des acteurs économiques locaux et nationaux.

Parution de l’ouvrage CCAG maîtrise d’oeuvre

Jusqu’à aujourd’hui, les CCAG-PI étaient la seule référence pour les marchés de maîtrise d’oeuvre. Trop généralistes, ils ne répondaient pas assez aux spécificités de ces marchés. Le 1er avril 2021, est entrée en vigueur le nouveau CCAG dédié aux marchés de maîtrise d’oeuvre. À cette occasion, Le Moniteur, Laurent Sery et Christian Romon se sont associés pour la publication d’un ouvrage qui dispense des conseils pratiques et des exemples permettant la rédaction de clauses équilibrées.

Vous pouvez retrouver l’ouvrage sur :https://boutique.lemoniteur.fr/ccag-maitrise-d-oeuvre-commente.html

Draft Revision of PRC Company Law – What A FIE Should Pay Attention To

The Company Law of the People’s Republic of China (Draft Revision) (the “Draft Revision”) was published for public consultation on 24 December 2021. The Draft Revision contains 15 chapters and 260 articles, which substantially add and amend about 70 articles to the existing 13 chapters and 218 articles of the Company Law, and will have a direct impact on foreign-invested enterprises operating in China in many aspects. This is particularly so given that the Foreign Investment Law, which came into effect on 1 January 2020, sets a five-year transitional period for foreign-invested enterprises in China to complete the adjustments to their corporate governance structure according to the Company Law, and that a large number of enterprises have not yet completed this adjustment process. This revision to the Company Law, once entering into force, will become the new basis for foreign-invested enterprises to adjust their corporate governance structure. Therefore foreign-invested enterprises need to pay sufficient attention to this revision.

1. On the Party’s leadership of state-owned enterprises

Article 145 of the Draft Revision provides that “the organizations of the Communist Party of China in state-funded companies shall play a leading role in accordance with the provisions of the Constitution of the Communist Party of China, deliberate and discuss major business management matters of the company, and support the shareholders’ meeting, the board of directors, the supervisory board and senior management in exercising their powers in accordance with the law”. Article 143 of the Draft Revision clarifies that state-funded companies include wholly state-owned, state-controlled limited liability companies and joint-stock companies.

Accordingly, the discussions in recent years on the establishment of party organizations in Sino-foreign joint ventures in which state-owned capital is in a controlling position may finally find a clear legal basis.

There is still some room for interpretation of the wording “to deliberate and discuss major business and management matters”, such as what matters are considered to be major business and management matters and whether “to deliberate and discuss” means not to enjoy direct decision-making power. But still, this amendment is providing a legal tool and a clearer legitimacy for the presence of the party organization in the company from a legislative perspective.

2. On the corporate capital

The reform and optimization of the company’s capital regime is one of the main focuses of this amendment. However, most of the relevant amendments are reflected under the company form of joint stock company, rather than limited liability company, which is used by the vast majority of foreign companies.

Under the legal form of joint stock company, the company may adopt an authorized capital system, i.e. a joint stock company is established by issuing only a portion of its shares, and the articles of association or the shareholders’ meeting may make an authorization for the board of directors to decide whether to issue the remaining shares in accordance with the actual needs of the company’s operations (Articles 97 and 164 of the Draft Revision). The company may create different types of shares, including preferred and subordinated shares, special voting shares, shares subject to transfer restrictions, etc. (Articles 157 and 158 of the Draft Revision). The company may choose to adopt denominated or non-denominated shares in accordance with its articles of association (Article 155 of the Draft Revision) etc. Whether these flexible provisions will result in more Sino-foreign joint stock companies in practice in the future is a question that deserves long-term observation.

3. On shareholders’ contributions and transactions of equity interest

Pursuant to Articles 46 and 47 of the Draft Revision, the failure of a shareholder to pay his capital contribution in full and on time will give rise to legal liability on several levels. Firstly, in respect of the shareholder, if he or she fails to pay the capital contribution within the prescribed period after a call by the company, he or she will be deemed forfeiting the part of equity for which he or she did not pay; secondly, in respect of the failure to pay the capital contribution during the establishment process, the shareholder will be liable to the company for interest and damages, while the other shareholders at the time of establishment will be jointly and severally liable; thirdly, the directors, supervisors and executive officers of the company will be liable for compensation if they have knowledge of the failure and fail to take action.

In addition, Article 48 of the Draft Revision also adds a mechanism for the accelerated expiry of the capital contributions subscribed by the shareholders of a limited liability company, stipulating that if the company is unable to settle its debts as they fall due and clearly lacks the ability to do so, the company or its creditors shall have the right to request the shareholders who have subscribed the capital contributions but have not yet reached the deadline for payment to pay the capital in advance.

In the context of equity transactions, defective equity, i.e., for example, equity contributed by the transferring shareholder but not yet due for payment, or equity that is due for payment and the transferring shareholder has not fulfilled its payment obligations, or equity in which the value of the assets used to make the contribution is significantly low in the case of a non-monetary contribution, will make the transferee (jointly and severally) liable for the contribution or the full contribution (Article 89 of the Draft Revision).

4. On corporate governance

In practice, the three-tier structure of

  • shareholders/shareholders’ meeting
  • board of directors/executive directors + supervisory board/supervisors
  • managers

required by the existing Company Law is somewhat redundant for many small foreign-owned enterprises. The supervisory board, in particular, is in practice mostly reduced to a single supervisor, who is also mostly a formality and does not really play a role in monitoring the performance of the company’s directors and managers.

The Draft Revision allows companies to choose a single-tier governance model, i.e. a board of directors only, without a supervisory board. According to Article 64 of the Draft Revision, if a limited liability company chooses to have only a board of directors, an audit committee consisting of directors shall be set up in the board of directors to be responsible for supervision.

In addition, for small-scale limited liability companies, the Draft Revision also gives some flexibility. Instead of a board of directors, such companies may have a director or manager (Articles 70 and 130 of the Draft Revision); instead of a supervisory board, they may have one or two supervisors (Article 84 of the Draft Revision).

5. On directors, supervisors and senior management of the Company

One of the common concerns of foreign investors in foreign-funded enterprises is what responsibilities and risks will be borne by the executives of those foreign-funded enterprises in China. Certain content of this Draft Revision also focuses on this issue of liability of executives.

Article 65 of the Draft Revision adds a very detailed provision on the process of change of directors, namely, “If a director resigns, he/she shall notify the company in writing and the resignation shall take effect on the date of receipt of the notice by the company. …… If a director who is the legal representative resigns, he/she shall be deemed to resign from the legal representative at the same time.”

The practical significance of this provision is that when many large multinational enterprises change their executives, this is often achieved through a resignation letter at their foreign headquarters, while in the PRC company registration and filing process, the relevant filing needs to be completed in order to fully release the executive from his or her liabilities. The time lag between the resignation letter and the completion of the filing can sometimes be months to years due to issues such as internal processes at the company’s foreign headquarters, or perhaps even due to lack of cooperation from the subsidiary in China. Executives who have already stepped down are often concerned about incurring some executive liability during this process. This new provision in Article 65 should therefore help to clarify the responsibilities and obligations of corporate executives in such circumstances.

Article 66 of the Draft Revision provides that the shareholders’ meeting may resolve to dismiss a director; if a director is dismissed before the expiry of his or her term of office without due cause, that director may request compensation from the company. This provision seems to echo Article 62 of the Draft Revision, which states that “the board of directors shall be the executive body of the company”. As an executive body, the board of directors has a more specific and routine role than the shareholders’ meeting, which is the “authority” of the company. Although directors are not employees of the company and do not receive a salary, it is a common practice in foreign companies abroad to pay them a certain amount of remuneration through a mandate agreement to compensate them for their work. The dismissal of a director without cause is almost analogous to the dismissal of an employee for those directors who work “full time” on the affairs of the company. It is therefore reasonable for the directors to ask for some compensation from the company in such circumstances.

If the aforementioned detailed rules help to protect directors and clarify their responsibility, the following contents undoubtedly increase and reinforce the responsibilities of the persons concerned.

The Draft Revision strengthens the responsibility of directors, supervisors and senior management to maintain the adequacy of the company’s capital. As mentioned above directors, supervisors and senior management may be held personally liable for inadequate capital contributions by shareholders in the process of capitalization. The above-mentioned persons will also be liable in the process of capital withdrawal by shareholders, distribution of company profits and reduction of capital (Articles 47, 52, 207 and 222 of the Draft Revision).

In addition, the Draft Revision adds the provision that directors and senior management who, in the performance of their duties, intentionally or through gross negligence, cause damage to others, shall be jointly and severally liable with the company (Article 190 of the Draft Revision).

In practice, the issue of the liability of directors has been widely discussed after the court judgment in the Kangmei Pharmaceuticals case was made public at the end of 2021. In that case, the court ruled that several independent directors were jointly and severally liable to bear within certain percentage the debts of Kangmei Pharmaceutical, on the grounds that the directors concerned had failed to exercise due diligence. Accordingly, the aforementioned independent directors may all be liable for hundreds of millions of RMB in damages. This new provision in the Draft Revision will undoubtedly provide a more direct and clearer legal basis for the court to handle such cases.

The Draft Revision is still in the consultation stage and detailed adjustments may still be made subsequently. However, in terms of the general trend, foreign enterprises, which are subject to the uniform application of the Company Law, will need to pay close attention to the adjustments to the corporate governance structure, the more flexible provisions for joint stock companies and the responsibilities of directors, supervisors and senior management in order to operate in China in an efficient and compliant manner.

Guide Décideurs- Contentieux et arbitrage

Entrée d’Adaltys dans le guide guide Décideurs contentieux et arbitrage, édition 2022 ! Avec l’arrivée de Sylvie Le Damany et Martin Declosmenil en septembre 2021, nous sommes fiers d’apparaître en forte notoriété pour cette première année de création de notre pôle Droit Pénal des affaires.

Merci à nos confrères, nos clients et à l’équipe de Décideurs de nous permettre d’intégrer ce classement en bonne position.

Voici le lien vers le classement:

https://www.leadersleague.com/fr/classements?country=france-1&profession=cabinet-d-avocats&topic=contentieux-arbitrage

Droit funéraire : évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales

En partenariat avec le Magazine Résonance, l’équipe funéraire du cabinet Adaltys vous propose un suivi et un décryptage de l’actualité juridique du secteur funéraire.

Vous trouverez ci-joint notre veille du mois de décembre 2021.

Analyse de Jurisprudences – Janvier 2022

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, N°6173 (07/01/2022)

Sinistres. L’assureur est subrogé dans les droits du maître d’ouvrage s’il a fait état de la police d’assurance au cours de l’expertise

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 25 novembre 2021 (n°442977) L’action d’un assureur en indemnisation du préjudice pour un sinistre survenu en cours d’exécution d’un marché public est recevable si les modalités d’indemnisation ont été mentionnés dans le rapport d’expertise.

Procédure d’attribution. Le défaut d’impartialité constitue un vice justifiant l’annulation du contrat

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 25 novembre 2021 (n°454466). Le principe d’impartialité qui implique l’absence de situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure de sélection des offres figure au nombre des principes généraux du droit qui s’impose au pouvoir adjudicateur. Sa méconnaissance constitue un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation d’un contrat.

Contrat administratif. Le tiers évincé doit contester le marché dans un délai de deux mois

Commentaire d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai du 30 novembre 2021 (n°19DA02741) qui rappelle que le recours en contestation de la validité d’un contrat administratif d’un candidat évincé doit être introduit dans le délai de deux mois.