Analyse de Jurisprudences – Février 2022

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, N°6180 (25/02/2022)

Compétence du juge. Le marché conclu par un groupement de commandes auquel appartient un acheteur public est un marché public

Commentaire d’un arrêt du Tribunal des conflits du 10 janvier 2022 (N°C4230) relatif à la qualification de marché public des contrats conclus par un groupement de commandes.

Contrat de partenariat. Le motif d’intérêt général justifiant la résiliation peut être produit pour la première fois en appel

Commentaire d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 16 décembre 2021 (N°18VE03215). Dans le cadre d’un contrat de partenariat, un motif d’intérêt général invoqué en premier appel caractérise à lui seul l’existence de ce motif de nature à justifier la résiliation.

Paiement. L’entreprise dont le marché a été résilié peut contester cette résiliation devant le juge et demander à ce titre le solde du contrat

Commentaire d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 28 décembre 2021 (N°18NC02425) qui juge que la résiliation aux torts d’une entreprise ne fait pas obstacle à sa demande de paiement du solde du marché.

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, N°6178 (11/02/2022)

Autorisation. Le défaut de demande de régularisation entraîne l’annulation du permis 

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 6 octobre 2021 (n°442182). L’absence de régularisation de travaux effectués illégalement empêche la régularisation de nouveaux travaux et du permis de construire.

Contentieux. La notification d’un recours peut être faite à une adresse distincte de celle mentionnée dans l’autorisation

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 20 octobre 2021 (n°444581) qui juge que la notification d’un recours à un permis de construire à l’adresse indiquée dans l’arrêté d’autorisation est régulière.

Destination. Une résidence services seniors n’a pas une vocation de logement

Commentaire d’un arrêt du Conseil d’État du 13 décembre 2021 (n°443815). Cette décision juge qu’une résidence service seniors qui permet à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables ne constitue pas un logement au sens des dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) pour la réalisation de logements locatifs à vocation sociale.

Conseil et accompagnement d’une grande Métropole pour la résolution d’importantes problématiques constructives au sein d’un immeuble de grande hauteur (IGH).

Résolution amiable de certains désordres avec les intervenants à la construction, puis introduction d’une procédure contentieuse.

Dématérialisation des registres sociaux : Mode d’emploi

[Article publié par le Village de la justice, édition du 15/02/2022, https://www.village-justice.com/articles/dematerialisation-des-registres-sociaux-mode-emploi,41672.html]

Dans une société de plus en plus numérisée, la dématérialisation des registres de l’entreprise est une évolution logique, nécessaire et incontournable.

Il existe depuis de longue date une véritable volonté politique de moderniser la gestion sociétaire et notamment de permettre la dématérialisation de la gestion des titres financiers des sociétés. En effet, dans les années 80, le décret du 2 mai 1983, pris en application de l’article 94-II de la loi du 30 décembre 1981, entérine la dématérialisation des valeurs mobilières, enterrant ainsi définitivement l’émission des titres-papier ; la propriété des valeurs mobilières résultant dorénavant d’une inscription sur les comptes de la société émettrice.

Cette volonté politique affirmée de dématérialisation offre aux dirigeants d’entreprise l’opportunité d’une gestion sociétaire en toute transparence et sécurité, leur assurant à la fois gain de temps et d’espace. Elle sert dans le même temps l’objectif politique de lutte contre la fraude.

La technologie « Blockchain » émerge avec le « Bitcoin » au début du 21ème siècle, avec l’objectif clair de supprimer l’intermédiation. Très rapidement, l’essor de cette nouvelle technologie et ses applications financières en ont fait un outil performant et particulièrement adapté aux objectifs de numérisation et de dématérialisation en entreprise.

La législation favorisant la dématérialisation est parachevée depuis fin 2018. La technologie Blockchain s’est largement démocratisée. Les prestataires de services offrant des solutions pratiques fondées sur cette nouvelle technologie au service de l’entreprise se sont multipliés.

Une législation parachevée et opérationnelle

La loi dite « Sapin II »[i] du 9 décembre 2016 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances et à prendre les diverses mesures nécessaires à la dématérialisation des process sociaux. Deux ordonnances et deux décrets majeurs sont pris en ce sens.

Des assemblées dématérialisées. L’ordonnance du 4 mai 2017[ii] suivie de son décret d’application du 28 février 2018[iii] traduisent la volonté affirmée du Gouvernement de renforcer l’attractivité des entreprises françaises en encourageant notamment le recours aux technologies numériques dans le fonctionnement des organes sociaux. Ainsi, s’ouvre désormais aux sociétés anonymes[iv] et aux sociétés en commandite par actions la possibilité de tenir leurs assemblées générales d’actionnaires exclusivement par visioconférence ou par conférence téléphonique, dès lors que ce procédé électronique permet l’identification des participants et à condition que cette faculté soit prévue dans leurs statuts et qu’un droit d’opposition soit ménagé en faveur des associés représentant au moins 5 % du capital, avant ou après leur convocation et pour les seules assemblées générales extraordinaires.

Cette mesure s’applique également aux sociétés à responsabilité limitée[v], à deux nuances près : d’une part, la loi exclut la tenue dématérialisée des assemblées générales visant à délibérer sur les documents comptables sociaux et les comptes consolidés et, d’autre part, le droit d’opposition est une option qui, si elle est retenue, doit figurer dans les statuts.

Quant aux sociétés par actions simplifiée[vi], elles restent entièrement libres de prévoir dans leurs statuts les formes et conditions de la prise de décisions collectives par leurs associés.

Cette dématérialisation passe aussi par la faculté laissée aux sociétés, quelle que soit leur forme, de procéder à la signature de leurs procès-verbaux d’assemblées ou d’autres organes délibérants par voie électronique et également au vote électronique,dès lors que celui-ci est prévu dans les statuts.

Dématérialisation de l’inscription des titres financiers. La loi Sapin II a en outre ouvert la voie à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP) pour permettre de représenter et transmettre les titres financiers des sociétés. Ainsi, l’ordonnance du 8 décembre 2017[vii] et son décret d’application du 24 décembre 2018[viii], donnant lieu à l’adoption des articles L.228-1 du Code de commerce, L.211-3 et L.211-4 Code monétaire et financier, autorisent officiellement la dématérialisation des titres financiers.

Cette législation instaure un principe d’équivalence entre l’inscription en compte des titres et leur inscription dans un DEEP au nom d’un ou de plusieurs titulaires, propriétaires des titres financiers. Equivalence donc entre le registre matériel et le registre électronique, sous réserve que les garanties, en particulier en matière d’authentification, soient suffisantes et au moins équivalentes à celles présentées par l’inscription manuscrite. Ces textes ne créent pas d’obligation nouvelle et n’allègent pas non plus les exigences préexistantes. Ils ont simplement assuré une adaptation des dispositions relatives aux titres financiers pour permettre le recours à la dématérialisation et à l’utilisation d’un DEEP, dont l’usage est pour l’heure limité aux seuls titres non cotés.

La « Blockchain », également appelée « Dispositif d’enregistrement électronique partagé » ou « Technologie de registre distribué », fait désormais partie du paysage juridique français et joue un rôle déterminant dans le processus de dématérialisation actuellement en effervescence.

La « Blockchain » : une technologie adaptée à la numérisation

La « Blockchain » est une technologie, pas si récente[ix], quiinstaure pour la première fois un système de certification totalement décentralisé : finie la dépendance aux autorités centrales de certification. Elle connaît cependant son véritable essor et une réelle démocratisation, lorsqu’à partir de 2009, elle sert de base à la création de la cryptomonnaie « bitcoin » [x]. Il s’agit d’un registre[xi] informatique, protégé par cryptographie, qui permet de partager des informations et de faire circuler des jetons (token) représentant des valeurs ou des droits. Cette révolution technologique, découverte à l’occasion de l’invention des bitcoins, a révélé la possibilité de dématérialiser les actifs. L’idée de sa transposition dans d’autres secteurs, tel que notamment le droit des sociétés, s’est naturellement imposée.

La Blockchain, un DEEP reconnu pour ses propriétés intrinsèques. C’est un protocole de registre décentralisé, chargé de mettre en œuvre de manière infaillible un système de règles et leur exécution, qui contient la liste de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Le registre stocké sur les serveurs des utilisateurs, sans faire intervenir d’intermédiaire, constitue un historique infalsifiable des échanges.

Les intérêts de la Blockchain pour la dématérialisation sont multiples. Elle permet de se passer d’un tiers de confiance pour authentifier les intervenants d’une transaction, ce qui a pour effet d’accélérer le déroulement des transactions et d’en réduire le coût. Son caractère infalsifiable permet de répondre à la problématique de l’authenticité. Elle est donc particulièrement utile pour assurer l’intégrité des actes, documents ou transactions financières. Facile d’utilisation et d’accès, elle assure un partage rapide et sécurisé des données.

Pour les sociétés utilisatrices ou désireuses de l’être, c’est la promesse d’une automatisation et d’une simplification des process internes sociaux, d’une meilleure maîtrise et d’une transférabilité facilitée de l’information sociale.

Des solutions pratiques pour simplifier la gestion de la vie sociale

La dématérialisation en pratique, un large panel de services modulables. Le marché offre aujourd’hui de nombreuses prestations en matière de dématérialisation via un Intranet pré-paramétré composé de modules individualisés pouvant faire l’objet d’une offre parfaitement personnalisée en fonction des besoins réels de chaque société :

  • La gestion électronique des registres sociaux (registres d’assemblées et autres organes délibérants, de mouvements de titres, registre unique du personnel, …), avec l’option de reprise par numérisation de l’historique disponible sur les registres papier. Ce service inclut l’horodatage des opérations et des procès-verbaux et la faculté d’ancrer définitivement une copie des registres à une date donnée avec émission d’un certificat d’ancrage.
  • La convocation en ligne et le vote électronique des participants pour les assemblées générales ou les réunions d’associés ou d’autres organes sociaux de contrôle.
  • La signature électronique avancée prévoyant l’authentification préalable de l’identité des signataires, pour répondre à l’exigence légale.
  • La gestion automatisée des registres de mouvements de titres, avec la génération automatique des ordres de mouvements (ODM) et des imprimés cerfa correspondants et la mise à jour instantanée des comptes d’actionnaires.
  • La gestion individualisée des accès aux données avec des droits distinctifs (lecture, écriture, administration) qui peuvent être attribués à des utilisateurs divers (associés, dirigeants, mandataire, administrateurs, …).
  • Un coffre-fort numérique permettant de stocker tous les actes et documents sociaux considérés comme importants.

La gestion internalisée de la dématérialisation. Pour les structures de taille modeste avec très peu d’associés (TPE-PE) qui souhaitent garder la pleine maîtrise de leurs process sociaux et qui disposent en interne de la ressource nécessaire capable de gérer la prise en main d’un outil de dématérialisation et de gérer au fil de l’eau des opérations en nombre limité (peu d’assemblées ou de réunions, de rares opérations de haut de bilan), la solution la plus adaptée semble être celle de la souscription auprès d’un prestataire de services d’un abonnement qu’elles pourront moduler à souhait.

La voie de l’externalisation, désignation d’un mandataire. Pour les structures de taille moyenne ou de grande taille, avec un nombre conséquent d’actionnaires et pour les groupes de sociétés comptant plusieurs filiales qui génèrent de nombreuses opérations à l’année (réunions des associés, réunion des organes de contrôle de toute nature, opérations de haut de bilan et/ou de restructuration), il peut être préférable de déléguer la mise en œuvre et la gestion de la dématérialisation à un mandataire expérimenté afin de pouvoir se focaliser sur leur cœur de métier et bénéficier d’économies d’échelle.

Désormais, pour les décideurs des entreprises, la question ne se pose plus de savoir s’ils vont dématérialiser les registres sociaux, mais bien quand et comment ils vont y procéder.

Adaltys, qui accompagne fidèlement depuis plusieurs décennies les entreprises et leurs dirigeants dans les mutations nécessaires de la vie sociale, offre de les accompagner également dans le processus de dématérialisation de leurs registres et documents sociaux après une analyse précise de leurs besoins.


[i] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (article 120).

[ii] Ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés.

[iii] Décret n° 2018-146 du 28 février 2018 relatif à certaines modalités de participation des associés aux décisions collectives dans les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée.

[iv] Article L.225-103-1 du Code de commerce (Ccom).

[v] Article L.223-7 Ccom.

[vi] Article L.227-9 Ccom.

[vii] Ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers.

[viii] Décret d’application n°2018-1226 du 24 décembre 2018 relatif à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers et pour l’émission et la cession de minibons.

[ix] Celle-ci trouverait en fait son origine dans un article de 1991 écrit par deux chercheurs scientifiques en cryptographie, Stuart Haber (cryptographe) et Scott Stornetta (physicien), qui pose les bases de cette révolution technologique : Haber, S., Stornetta, W.S. « How to time-stamp a digital document (Comment horodater un document numérique) ». J. Cryptology 3, 99–111 (1991).

[x] Satoshi Nakamoto, un mystérieux Japonais dont on ne sait que peu de choses, met au point le 3 janvier 2009 une monnaie cryptographique et un système de paiement peer-to-peer baptisé « bitcoin » fondée sur la technologie blockchain. Il s’agit, comme nous l’explique le chercheur mathématicien et informaticien Jean-Paul Delahaye sur son blog, d’une sorte de fichier informatique composé de pages (blocks) ordonnées, évoluant par addition de nouvelles pages, une à une, sans que ne s’opère jamais aucun retrait, effacement ou modification. Ce fichier, concaténation dans l’ordre de toutes les pages, à l’instant n, est le fichier blockchain. S’il est (quasi) infalsifiable, c’est que ses pages sont numérotées et identifiées selon un ordre bien précis, grâce à des méthodes de cryptographie. Mais surtout que des copies du fichier sont envoyées en permanence aux quatre coins du monde chez chacun de ses utilisateurs, de sorte que quelqu’un qui essaierait de falsifier une page serait immédiatement contredit par les millions de copies dispersées qui contiennent l’information authentique. [Source : Blog de Jean-Paul Delahaye – « Qu’est-ce qu’une blockchain ? » 11.10.2017- https://scilogs.fr/complexites/quest-quune-blockchain/].

[xi] La Blockchain, comme le résume le chercheur Français en sciences mathématiques et informatiques Jean-Paul Delahaye, est comme « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais impossible à effacer et indestructible. »

Spectaculaire assouplissement du contentieux de la TEOM en 2021, 7 ans après la jurisprudence Auchan

Résumé : Au bout de sept ans d’une application particulièrement rigoureuse de la jurisprudence Auchan, aux termes de laquelle le Conseil d’Etat avait jugé que la TEOM n’avait pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale, obligatoire en 2014, n’aurait pas été instituée, le Conseil d’Etat a radicalement changé sa position. Malgré la pression du législateur qui avait rendu facultative la redevance spéciale, à compter du 1er janvier 2016, malgré l’explosion des contentieux TEOM entre les entreprises et les collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale compétents, il faudra attendre la fin de l’année 2021 pour que le Conseil d’Etat admette in fine le financement des déchets non ménagers concurremment par la redevance spéciale et, en tant que de besoin, par la TEOM.

Solution.- La collecte et le traitement des déchets non ménagers peuvent être financés concurremment par la RS et la TEOM. La TEOM n’est donc plus exclusivement réservée à la collecte et au traitement des déchets ménagers mais peut financer une partie de la collecte et du traitement des déchets non ménagers. Par suite, pour apprécier le caractère non manifestement disproportionné du taux de la TEOM, il y a lieu de prendre en compte le produit de la RS dans les recettes non fiscales à déduire du montant des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets ménagers et des déchets non ménagers.

Impact.- Par cet arrêt, le Conseil d’Etat fait une application bienvenue de l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2015, conformément à l’esprit du législateur qui était de permettre le financement des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers au moyen, concurremment, du produit de la redevance spéciale et, en tant que de besoin, du produit de la TEOM.

CE, 29 nov. 2021, n° 454684 : Lebon T.

[…]

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Établissements Darty et Fils a demandé au tribunal administratif d’Orléans de prononcer la décharge des cotisations de taxe d’enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 dans les rôles de la commune de Tours (Indre-et-Loire), à raison de locaux dont elle est propriétaire au 31 rue Gustave Eiffel, ainsi que la restitution des sommes en cause. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté ces demandes.

2. Aux termes du I de l’article 1520 du Code général des impôts, dans sa rédaction issue du V de l’article 57 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, applicable à compter du 1er janvier 2016 : ” Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal “. Les déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales s’entendent des déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. Aux termes de l’article L. 2333-78 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2015 précitée : ” Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes peuvent instituer une redevance spéciale afin de financer la collecte et le traitement des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14. / Ils sont tenus de l’instituer lorsqu’ils n’ont institué ni la redevance prévue à l’article L. 2333-76 du présent code ni la taxe d’enlèvement des ordures ménagères prévue à l’article 1520 du Code général des impôts. / Ils ne peuvent l’instituer s’ils ont institué la redevance prévue à l’article L. 2333-76 (…) / Elle est calculée en fonction de l’importance du service rendu, notamment de la quantité des déchets gérés. Elle peut toutefois être fixée de manière forfaitaire pour la gestion de petites quantités de déchets “. Aux termes du 2 bis du III de l’article 1521 du Code général des impôts, issu de la loi du 29 décembre 2015 : ” Les conseils municipaux peuvent exonérer de la taxe les locaux dont disposent les personnes assujetties à la redevance spéciale prévue à l’article L. 2333-78 du Code général des collectivités territoriales (…) “.

3. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l’établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales cité au point 2 et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s’ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets ménagers comme des déchets non ménagers, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu’elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du même code, relatives à ces opérations.

4. Il résulte, en particulier, des dispositions rappelées au point 2 que le législateur a entendu permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétents, à compter du 1er janvier 2016, de couvrir les dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers mentionnés à l’article L. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales au moyen, concurremment, du produit de la redevance spéciale de l’article L. 2333-78 du même code et, en tant que de besoin, du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

5. Par suite, en jugeant que l’institution de la redevance spéciale prévue à l’article L. 2333-78 du Code général des collectivités territoriales n’impliquait pas nécessairement que son produit finance la totalité des dépenses de collecte et de traitement des déchets non ménagers, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pouvant également pourvoir au financement de ces dépenses pour leur part non couverte par cette redevance ou d’autres recettes non fiscales, le tribunal administratif n’a, contrairement à ce qui est soutenu, pas entaché son jugement d’erreur de droit.

6. Il n’a pas davantage commis d’erreur de droit en incluant le produit attendu de la redevance spéciale dans les recettes non fiscales devant être déduites du montant des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets ménagers comme des déchets non ménagers pour apprécier le caractère non manifestement disproportionné du taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères fixé pour l’année 2016.

7. Le pourvoi de la société établissement Darty et fils ne peut, par suite, qu’être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

[…]

NOTE

L’automne 2021 aura été particulièrement riche d’enseignement en matière de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Après plusieurs années aux termes desquelles les collectivités territoriales ont été confrontées à une appréciation particulièrement excessive et sévère de la jurisprudence Auchan (CE, 31 mars 2014, n° 368111, Auchan ; Lebon T. 2014, p. 623 ; JCP A 2014, act. 327) et des arrêts postérieurs, et malgré l’intervention du législateur, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015, restée sans effet réel sur les contentieux, force est de constater une volonté récente des juridictions administratives de rééquilibrer les règles applicables.

Par un arrêt du 29 novembre 2021 (CE, 29 nov. 2021, n° 454684 : Lebon T. 2014, p. 623 ; JCP A 2014, act. 327), le Conseil d’État précise le lien entre la TEOM et la redevance spéciale (RS), au regard des règles applicables au 1er janvier 2016. La Haute Juridiction admet que la collecte et le traitement des déchets non ménagers puissent être financés concurremment par la RS et la TEOM. La TEOM n’est donc plus exclusivement réservée à la collecte et au traitement des déchets ménagers mais peut financer une partie de la collecte et du traitement des déchets non ménagers. Par suite, pour apprécier le caractère non manifestement disproportionné du taux de la TEOM, il y a lieu de prendre en compte le produit de la RS dans les recettes non fiscales à déduire du montant des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets ménagers et des déchets non ménagers.

En l’espèce, la commune de Tours a institué la RS et la TEOM sur son territoire pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers et ménagers. À l’instar de nombreuses collectivités, la commune de Tours a pris la décision de ne pas exonérer de TEOM les entreprises assujetties à la RS (possibilité offerte à l’article 1521 III, 2, bis du CGI). La SAS Établissements Darty et Fils a saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à la décharge des cotisations de TEOM, au titre des années 2017 et 2018 et à la restitution desdites sommes.

Par un jugement en date du 17 mai 2021, le tribunal a rejeté sa demande après avoir relevé que la TEOM pouvait financer une partie des dépenses de collecte et de traitement des déchets non ménagers, non financés par la RS.

La SAS Établissements Darty et Fils a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par un arrêt du 29 novembre 2021, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi en cassation et jugé que « le législateur a entendu permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétents, à compter du 1er janvier 2016, de couvrir les dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers mentionnés à l’articleL. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales au moyen, concurremment, du produit de la redevance spéciale de l’articleL. 2333-78 du même code et, en tant que de besoin, du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. […] Par suite, en jugeant que l’institution de la redevance spéciale prévue à l’articleL. 2333-78 du Code général des collectivités territoriales n’impliquait pas nécessairement que son produit finance la totalité des dépenses de collecte et de traitement des déchets non ménagers, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pouvant également pourvoir au financement de ces dépenses pour leur part non couverte par cette redevance ou d’autres recettes non fiscales, le tribunal administratif n’a, contrairement à ce qui est soutenu, pas entaché son jugement d’erreur de droit ».

Le Conseil d’État a donc confirmé le jugement du tribunal administratif d’Orléans et aucune somme n’a été restituée à la requérante.

Cet arrêt attire l’attention à plusieurs titres.

1 – Le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence traditionnelle, à savoir que la TEOM « n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires ».

Il rappelle ensuite que le champ de la TEOM a été modifié par la loi de finances du 29 décembre 2015 portant loi de finances rectificatives pour 2015. En effet, alors qu’antérieurement à la loi de finances du 29 décembre 2015, la TEOM n’avait pour objet de couvrir que les seules dépenses relatives à la collecte et au traitement des ordures ménagères, le législateur a voulu marquer un coup d’arrêt à la jurisprudence Auchan. Il a ainsi élargi le champ de la TEOM aux dépenses relatives à l’enlèvement et au traitement des déchets non ménagers, non couverts par des recettes non fiscales.

2 – À première vue, il pourrait être avancé que cet arrêt ne fait que tirer les conséquences du changement de réglementation, applicable depuis le 1er janvier 2016.

Mais en réalité, et c’est là l’apport principal de cet arrêt, le Conseil d’État établit un lien entre RS et TEOM.

Pour rappel, la RS a pour objet de financer la collecte et le traitement des déchets non ménagers assimilés aux ordures ménagères (CGCT, art.L. 2333-78). Cela vise les déchets collectés par le service public de gestion des déchets dont le producteur n’est pas un ménage (CGCT, art.R. 2224-23). L’article L. 2333-78 prévoit que :

– la mise en place de la RS est obligatoire pour les collectivités qui assurent la collecte et le traitement de déchets non ménagers et qui n’ont mis en place ni la TEOM, ni la Redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) ;

– la RS est facultative si les collectivités ont mis en place la TEOM ;

– la RS ne peut être instituée si la collectivité a mis en place la REOM.

Alors que le Conseil d’État a affirmé à plusieurs reprises que la TEOM n’avait pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers, alors même que la RS n’aurait pas été instituée (CE, 31 mars 2014, n° 368111 et 368122 ; Lebon T. p. 623 ; JCP A 2014, act. 327. – CE, 25 juin 2018, n° 414056, SA Auchan France), il déduit de la réforme applicable au 1er janvier 2016 que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peuvent « couvrir les dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers au moyen, concurremment, du produit de la redevance spéciale de l’articleL. 2333-78 du même code et, en tant que de besoin, du produit de la TEOM ».

Il s’ensuit que le produit de la RS n’a pas à financer la totalité des dépenses de collecte et de traitement des déchets non ménagers. Ces dépenses peuvent être couvertes par la TEOM pour leur part non couverte par cette redevance ou d’autres recettes non fiscales.

Dès lors, pour apprécier le caractère non manifestement disproportionné du taux de TEOM, le produit attendu de la redevance spéciale doit être inclus dans les recettes non fiscales devant être déduites du montant des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets ménagers comme des déchets non ménagers.

3- Il est indéniable que cet arrêt s’inscrit dans le prolongement d’une évolution jurisprudentielle, voire d’une révolution, initiée en quelques semaines seulement, tendant à adoucir la sévérité des règles mises en place avec la jurisprudence Auchan (CE, 31 mars 2014, n° 368111, Auchan).

D’une part, dans un arrêt du 22 octobre 2021 (CE, 22 oct. 2021, n° 434900, Métropole de Lyon c/ Assoc. des contribuables actifs du lyonnais : Lebon), le Conseil d’État a élargi la notion de dépenses de fonctionnement susceptibles d’être prises en compte dans la TEOM. Il admet ainsi, pour la première fois, que certaines dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité puissent être prises en compte sous réserve que la collectivité soit en mesure de fournir une comptabilité analytique permettant d’identifier les dépenses directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets.

Même si l’introduction d’une nouvelle catégorie de dépenses admises dans le champ de la TEOM est très encadrée et dont la mise en œuvre pourra, en pratique, s’avérer difficile, l’ouverture du champ des dépenses est toutefois une révolution et une bonne nouvelle pour les collectivités.

D’autre part, force est de constater que la multiplicité des contentieux de TEOM constitue une opportunité pour le juge administratif de faire évoluer le contentieux administratif.

Ainsi, dans quatre arrêts du 4 octobre 2021, rendus à propos de la TEOM, le Conseil d’État précise le contentieux de l’exception d’illégalité et l’articulation entre la légalité de l’acte réglementaire et la légalité de l’acte individuel pris en application de cet acte réglementaire. Ainsi, dans l’hypothèse où l’illégalité d’un acte réglementaire a cessé, du fait d’un changement de circonstances, à la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité d’un acte pris pour son application ou dont il constitue la base légale, il incombe au juge, saisi d’une exception d’illégalité de cet acte réglementaire soulevée à l’appui de la contestation de ce second acte, de l’écarter.

Dans un avis en date du 15 novembre 2021 (CE, 15 nov. 2021, n° 454125), le Conseil d’État, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 113-1 du CJA, précise les règles applicables en matière de prescription quadriennale des actions en reconnaissance de droits, visées à l’article L. 77-12-1 du CJA. Il précise ainsi que les délais de prescription et de forclusion opposables, pour faire valoir les droits dont la reconnaissance est demandée, à chacun des membres du groupe indéterminé de personnes au bénéfice duquel l’action est introduite, sont interrompus à compter de la date à laquelle la réclamation préalable est formée par l’auteur de l’action collective. La date à laquelle la réclamation préalable est formée s’entend de la date à laquelle le demandeur l’a adressée à l’administration, peu importe que cette administration soit ou non compétente.

En conclusion : en quelques semaines, le Conseil d’État a atténué la sévérité de la jurisprudence Auchan. S’il est indéniable que la jurisprudence aura à préciser la mise en œuvre de ces règles, il est permis de penser que ces récents arrêts ont d’ores et déjà permis de lever certaines inquiétudes des services financiers et des services en matière de déchets des collectivités. Reste à espérer que cette appréciation favorable à une gestion pratique des déchets soit confirmée par la jurisprudence ultérieure.

L’effet cristallisant du certificat d’urbanisme en cas d’annulation du refus de permis de construire

Commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat, SCI DAI MURAILLE, 24 novembre 2021 n°437355

Dans une décision en date du 24 novembre 2021, le Conseil d’Etat est venu préciser sa jurisprudence relative à la cristallisation des règles en vigueur lors de la délivrance d’un certificat d’urbanisme dit opérationnel et le régime d’annulation des refus de permis de construire (article L.600-2 et L.410-1 du code de l’urbanisme) tout en précisant l’articulation entre ces deux dispositifs.

[…]

Article rédigé par Xavier Heymans et Jules Touzet, Juriste, CIFRE, Université de Bordeaux.

Pour en savoir plus:

https://www.village-justice.com/articles/effet-cristallisant-certificat-urbanisme-cas-annulation-refus-permis-construire,41596.html

Projet Lyon Rhône Solaire 

Lancé par la Métropole de Lyon en 2016, « l’Appel des 30! » avait identifié six sites industriels métropolitains intéressés pour développer la production photovoltaïque sur leur foncier. Les industriels concernés et la Métropole ont choisi d’attribuer l’ensemble des surfaces à un opérateur unique, la société Terre et Lac. 

Ce partenariat « public privé » innovant nécessitait une assistance juridique d’experts : outre la nécessité d’intégrer la diversité de sites et des contraintes attachées (droit de l’urbanisme, droit de l’environnement…), la Métropole désirait être actionnaire à hauteur de 27,5 % de la société de projet portant les six centrales photovoltaïques. 

L’assistance d’ADALTYS, structurée en équipe projet, a porté sur plusieurs thématiques : 

  • la réglementation photovoltaïque (obligation d’achat, accès au réseau ; environnement et urbanisme), en vue de sécuriser le développement, la construction et l’exploitation des centrales photovoltaïques en ombrières et sur toitures ; 
  • le travail de rédaction et de négociation des contrats de développement, d’EPC (construction clé en main) et d’O&M (exploitation maintenance) ; 
  • le Corporate, en rédigeant les statuts et le pacte d’actionnaires de la future société, et en procédant à son enregistrement ; 
  • enfin, la sécurisation globale du processus décisionnel de la Métropole Lyon, en travaillant les motifs et l’exposé précis de la délibération finalement votée par les élus.  

Aujourd’hui finalisé avec succès, ce projet illustre l’expertise d’ADALTYS et la complémentarité de nos équipes, en agrégant des compétences publiques et privées, dans une thématique de référence du Cabinet, l’énergie. 

Formation: « Mieux appréhender le fonctionnement et les compétences des intercommunalités »

Simon Rey a dispensé le 8 février une formation complète sur le fonctionnement et les compétences de l’intercommunalité, pour les membres de l’Association des Maires de France de la Haute-Savoie (ADM 74).

Cette formation d’une journée s’adressait donc aux maires, maires délégués, adjoints, présidents et vice-présidents de communautés de communes/d’agglomération, conseillers délégués, conseillers municipaux et communautaires.

Au programme de cette formation complète :

  • Le fonctionnement de l’intercommunalité
  • les transferts de compétences
  • l’exercice des compétences par la communauté
  • les transferts des pouvoirs de police spéciale au président de la communauté et la mutualisation entre la communauté et ses communes membres

Mission de conseil auprès d’une Métropole sur la mise en place d’une Zone à Faible Emissions Mobilité (ZFE-m)

Analyse de la réglementation – Détermination des compétences – Comparaison de divers scénarii.