Accords-cadres : précisions sur le plafond et l’exception à l’obligation de remise en concurrence

Au cours des derniers mois, la CJUE et le Conseil d’État ont rendu des arrêts importants concernant les accords-cadres. En effet, le 17 juin 2021, la CJUE a jugé qu’il existait une obligation de fixer un maximum en valeur ou en quantité de l’accord-cadre au stade de sa passation et le Conseil d’État en a tiré les conséquences sur le plan interne. En outre, dans une autre décision datée du 3 février 2022, la CJUE a apporté d’intéressantes précisions sur le régime juridique relatif à la cession d’un accord-cadre concernant la substitution d’attributaire par suite d’une opération de restructuration à la suite d’une succession partielle ou universelle du cocontractant initial.

Technique d’achat relativement nouvelle, l’accord-cadre a conquis progressivement les acheteurs et s’est imposé aujourd’hui dans le paysage juridique de la commande publique. Si les premiers textes relatifs à celui-ci datent de la directive européenne 93/38/CE (1) , ce n’est pourtant que dans les directives marchés 2004/17/CE (2) et 2004/18/CE (3) que son régime juridique a été précisé. Et ce n’est que le Code des marchés publics issu du décret du 28 août 2006 (4) qui a introduit cette notion dans le droit national, d’abord de manière distincte des marchés à bons de commandes puis, commune, ces derniers ayant été intégrés dans sa définition par la directive européenne 2014/24/UE (5) . L’article 33 de cette dernière directive énonce ainsi aujourd’hui qu’« un accord-cadre est un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d’établir les conditions régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées ». L’article L. 2125-1 du Code de la commande publique précise désormais que l’accord-cadre « permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée ». La place de l’accord-cadre dans le champ de la commande publique est donc particulière, puisqu’il est cité au rang des techniques d’achats de même que le concours, le système de qualification ou encore le système d’acquisition dynamique. Il s’agit donc d’une procédure mise en œuvre par l’acheteur en amont de la conclusion d’un marché, qui vise à établir les fondations de la relation contractuelle sur lesquelles viendront, par la suite, s’appuyer un ou plusieurs marchés publics. L’originalité de l’accord-cadre tient pour l’essentiel à la faculté offerte aux acheteurs de disposer d’une certaine souplesse quant à la quantification des besoins à satisfaire notamment s’agissant du volume de ceux-ci. Le régime juridique de l’accord-cadre révèle également une certaine liberté : leur durée est limitée en principe à quatre ans sauf exception (6) , et il est possible de les conclure avec un seul ou plusieurs attributaires (7) . Curieusement, jusqu’à récemment, l’accord-cadre n’avait fait que peu parler de lui que sur le terrain contentieux, les principales occurrences dans la jurisprudence se cantonnant essentiellement sans grande originalité à juger de ses conditions d’attribution, à l’appréciation des modalités d’encadrement des obligations et engagements des parties en ce qui concerne sa durée (8) ou bien encore le principe d’exclusivité des titulaires (9) . Par deux décisions récentes rendues sur renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation de la directive 2014/24/UE en date du 17 juin 2021 et du 3 février 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a cependant placé les accords-cadres sous les feux de la rampe. Elle l’a d’abord fait avec fracas dans sa décision rendue le 17 juin 2021 (10) en jugeant qu’il existait une obligation de fixer un maximum en valeur ou en quantité de l’accord-cadre au stade de sa passation. Les arrêts ici commentés du Conseil d’État s’inscrivent dans le prolongement de cette jurisprudence pour en tirer les conséquences sur le plan interne ; c’est avec plus de mesure en revanche que la CJUE a également apporté d’intéressantes précisions sur le régime juridique relatif à la cession d’un accord-cadre relatif à une substitution d’attributaire par suite d’une opération de restructuration à la suite d’une succession partielle ou universelle du cocontractant initial.

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Pour en savoir plus:

https://www.moniteurjuris.fr/inte/document/REVUE/CPC233R03S02F05

REVUE CONTRATS PUBLICS – N° 233 – 

Extension du champ d’application du permis de construire modificatif

Dans une décision récente, le Conseil d’Etat vient d’étendre les modifications pouvant faire l’objet d’un permis de construire modificatif.

Conseil d’Etat, sect., 26 juill. 2022, n° 437765

Jusqu’à présent, seules les modifications qui n’affectaient pas l’économie générale du projet pouvaient faire l’objet d’un permis modificatif. De façon constante, la jurisprudence énonçait qu’un permis de construire modificatif ne devait pas bouleverser, par l’ampleur ou la nature des modifications, l’économie ou la conception générale du projet (Conseil d’Etat, 8 / 9 ss-sect. réunies, 27 avr. 1994, n° 128478 ; voir aussi Conseil d’Etat, 6e – 1re ss-sect. réunies, 1er oct. 2015, n° 374338).

Dans un avis du 2 octobre 2020 (CE, Avis,  2 octobre 2020, n° 438 318),  le juge administratif avait admis que, dans le cadre d’une procédure de régularisation au cours d’une instance contentieuse dirigée contre l’autorisation initiale, le permis de construire modificatif pouvait autoriser des modifications portant sur l’économie générale du projet tant qu’elles n’affectaient pas sa nature « qu’un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. »

La décision du 26 juillet 2022 vient étendre cette solution aux demandes de permis modificatifs hors de toute procédure de régularisation.

La Haute juridiction énonce ainsi :

« L’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. »

En l’espèce, les modifications portaient sur la jonction de deux bâtiments, la construction d’un escalier, le remplacement d’un mur et de deux pare-vues par deux murs en bois.

Ainsi, les évolutions de projet se traduisant par des modifications importantes ne nécessitent plus le dépôt d’un nouveau permis de construire. Un simple permis de construire modificatif peut les autoriser si 3 conditions sont remplies :

  • le bénéficiaire est titulaire d’un permis de construire en cours de validité,
  • la construction autorisée par ce permis n’est pas achevée,
  • les modifications ne modifient pas la nature du projet.