Dans un arrêt en date du 18 octobre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait opéré un revirement de jurisprudence remarqué en considérant que la règle d’ordre public découlant de l’application combinée des articles L442-4, III (anciennement L.442-6, III) et D.442-2 (anciennement D.442-3) du Code de commerce « institue une règle de compétence d’attribution exclusive et non une fin de non-recevoir » (Com. 18 oct. 2023, FS-B+R, n° 21-15.378).
Pour rappel s’agissant de la règle dont il est question, « les litiges relatifs à l’application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 » – ce qui inclut notamment les affaires de rupture brutale de relation commerciale établie – « sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret » (article L442-4 III du Code de commerce). Conformément à l’article D442-2, ces juridictions sont les tribunaux de commerce de Paris, Bordeaux, Lyon, Rennes, Tourcoing, Nancy, Marseille, Fort de France (article D.442-2 du Code de commerce). En appel, seule la Cour d’appel de Paris est compétente pour connaitre des décisions rendues par ces juridictions de première instance (article D.442-2 du Code de commerce).
Ce revirement ne visait toutefois que le premier degré de juridiction de sorte que la question n’avait pas encore été abordée en cause d’appel.
C’est désormais chose faite avec l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 janvier 2025, qui s’aligne sur la jurisprudence relative à la saisine d’un tribunal incompétent en considérant que la saisine d’une cour d’appel incompétente est également une question de compétence d’attribution et non une question de pouvoir juridictionnel (Com. 29 janv. 2025, n° 23-15.842, FS-B).
En l’espèce, la Cour d’appel de Bordeaux avait déclaré « irrecevable » l’appel formé contre le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction spécialisée au titre de l’article D.442-2 du Code de commerce, et jugé que la demande présentée devant elle excédait son pouvoir juridictionnel. Un pourvoi avait dès lors été formé s’appuyant sur le revirement en date de 2023.
L’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux est cassé, les juges de la Cour de cassation jugeant que la règle désignant la Cour d’appel de Paris seule compétente pour connaître des jugements rendus par les juridictions de première instance spécialisées, institue une règle de compétence d’attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.