Décision n° 2024-1119/1125 QPC du 24 janvier 2025
Pour rappel, l’article 38 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 avait institué un mécanisme de déplafonnement rétroactif des primes négatives dues par les producteurs à EDF OA en exécution de leur contrat de complément de rémunération.
Au regard du niveau exceptionnellement élevé des prix de l’électricité depuis octobre 2021, l’Etat espérait ainsi, via EDF OA, collecter plusieurs milliards d’euros pour financer les dispositifs d’aides mis en place pendant la crise de l’énergie.
Néanmoins, saisi d’une QPC, le Conseil constitutionnel avait jugé cet article contraire à la Constitution en raison de l’incompétence négative du législateur, qui avait confié au pouvoir réglementaire le soin de définir le « prix seuil » en fonction duquel avaient été calculés les reversements dus par les producteurs (Conseil constitutionnel, 26 octobre 2023, n°2023-1065 QPC).
Au regard des enjeux attachés à ce mécanisme de déplafonnement rétroactif, celui-ci a été régularisé par l’article 230 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
Concrètement, cet article imposait aux producteurs de reverser à EDF OA toutes les sommes perçues de la vente sur le marché de leur électricité et excédant le tarif de référence stipulé à leur contrat de complément de rémunération.
Cette mesure concernait les sommes perçues entre le 1er janvier 2022 et l’échéance de leur contrat.
Cependant, les producteurs se retrouvant, au final, privés de la possibilité de percevoir plus que leur tarif de référence, même en cas de hausse mesurée des prix de marché, cette mesure faisait perdre tout caractère incitatif au mécanisme de complément de rémunération.
C’est donc logiquement que le Conseil Constitutionnel a, de nouveau, été saisi.
La décision :
Saisi d’une QPC, le Conseil constitutionnel a censuré cet article en tant qu’il portait une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues garanti par les articles 4 et 16 de la DDHC (Conseil Constitutionnel, 24 janvier 2025, n°2024-1119 QPC).
Le Conseil constitutionnel a, en effet, considéré que : « les dispositions contestées ont pour effet de priver, jusqu’au terme de l’exécution de leur contrat, les producteurs d’électricité de la totalité des gains de marché dont ils auraient dû bénéficier, une fois reversées les aides perçues au titre du complément de rémunération, dans tous les cas où le prix de marché est supérieur au tarif de référence, que ces gains découlent d’une hausse tendancielle des prix de l’électricité ou d’une hausse imprévisible liée à une crise énergétique ».
Le Conseil constitutionnel a donc décidé d’abroger l’article 230 de la loi de finances pour 2024.
Il a toutefois reporté au 31 décembre 2025 la date de l’abrogation, estimant qu’une abrogation immédiate aurait été lourde de conséquences pour les finances publiques dans la mesure où les producteurs auraient sollicité le remboursement des sommes versés à EDF OA en application du déplafonnement (soit plusieurs milliards d’euros…), alors que ces sommes avaient permis à l’Etat de financer les dispositifs d’aides pendant la crise de l’énergie.
Quelle suite pour les producteurs ?
Si certains producteurs espéraient encore pouvoir réclamer le remboursement des sommes versées à EDF OA en cas de censure de l’article 230 de la loi de finances pour 2024, le Conseil constitutionnel a douché leurs espoirs en décidant de reporter au 31 décembre 2025 la date de l’abrogation des dispositions contestées.
Ce faisant, et sous réserve des éventuelles dispositions qui seront adoptées par le législateur pour tirer les conséquences de la décision d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a privé d’effet utile sa décision puisque les sommes perçues par EDF OA (en réalité par l’Etat) depuis 2022 en application d’un dispositif inconstitutionnel lui sont définitivement acquises.
Si les producteurs déploreront sûrement l’absence d’intérêt pécuniaire de la décision du Conseil constitutionnel, ces derniers pourront toujours espérer une réintroduction, pour l’avenir, du plafonnement des primes négatives. Le caractère incitatif qui caractérisait initialement le mécanisme de complément de rémunération pourrait alors être réinstauré.