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Village de la justice
Zéro artificialisation Nette: les nouveaux outils opérationnels des collectivités 
14/09/2023

Le 20 juillet 2023 a été promulguée la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

Cette loi est issue d’une initiative sénatoriale liée aux difficultés rencontrées et relayées par les élus dans la mise en œuvre des dispositions de la loi du 22 août 2021 dite Climat et résilience , relatives aux objectifs de « Zéro Artificialisation Nette » (ci-après « ZAN »).

Il est notamment prévu par cette loi de donner aux autorités locales des moyens d’intervention pour lutter contre l’artificialisation des sols.

Le droit de préemption urbain version « Zéro Artificialisation Nette ».

L’article 6 de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux a créé un nouvel article L211-1-1 au sein du Code de l’urbanisme.

Ce nouvel article élargit le droit de préemption urbain à des secteurs prioritaires pour lutter contre l’artificialisation des sols qui peuvent, en particulier, viser :

  • les terrains contribuant à la préservation ou à la restauration de la nature en ville, notamment lorsqu’il s’agit de surfaces végétalisées ou naturelles situées au sein des espaces urbanisés ;
  • les zones présentant un fort potentiel en matière de renaturation, en particulier dans le cadre de la préservation ou de la restauration des continuités écologiques, et qui peuvent être notamment les zones préférentielles pour la renaturation identifiées dans le schéma de de cohérence territoriale ;
  • les terrains susceptibles de contribuer au renouvellement urbain, à l’optimisation des espaces urbanisés ou à la réhabilitation des friches mentionnées à l’article L111-26.

Ces secteurs doivent être délimités par délibération motivée de la Commune ou de l’EPCI compétent en matière de droit de préemption urbain.

Par ce biais, le droit de préemption urbain peut être institué en dehors des zones urbaines ou à urbaniser et donc dans toute zone agricole ou naturelle, ce qui fait la particularité de ce droit.

Parallèlement, les notions de restauration, recyclage foncier et renaturation sont ajoutées à l’article L300-1 du Code de l’urbanisme, définissant les actions ou opérations d’aménagement.

Cette nouvelle hypothèse de mobilisation du droit de préemption urbain permettra de « capter » des terrains utiles à la renaturation et au recyclage foncier, lors de leur cession.

Ces dispositions sont d’application immédiate et toute collectivité compétente en matière de droit de préemption urbain peut élargir son champ d’application territorial dès l’adoption d’une délibération motivée, tout en soulignant que l’exercice du droit de préemption urbain ne reste légal que si la collectivité est en mesure de justifier de cette prérogative par un projet réel.

Le sursis à statuer version « Zéro Artificialisation Nette ».

L’article 6 de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux prévoit également que l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme puisse surseoir à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme entraînant une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qui pourrait compromettre l’atteinte des objectifs de réduction de cette consommation susceptibles d’être fixés par le document d’urbanisme en cours d’élaboration ou de modification.

Cette nouvelle hypothèse de sursis à statuer est insérée au sein de l’article 194 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 dite climat et résilience qui programme le rythme pour atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050 et fixe notamment pour la première tranche de dix années 2021-2031 un objectif de réduction de la consommation des par rapport à la consommation réelle des espaces observées au ours des dix années précédentes.

Le nouveau sursis à statuer institué par la loi du 20 juillet 2023 est un outil qui peut être mobilisé pour l’atteinte de cet objectif de réduction de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers et pour ce seul objectif.

La décision de sursis à statuer est conditionnée à une procédure d’élaboration ou de modification de PLU en cours ayant pour objet de fixer des objectifs de réduction de la consommation d’espaces pour la période 2021-2031.

Dans ces conditions, une décision de sursis à statuer apparaît pouvoir être opposée dès la prescription de la procédure de modification ou d’élaboration, et ce jusqu’à l’approbation de cette procédure, à la condition qu’il puisse être justifiée que la procédure en cause vise à intégrer au sein du document d’urbanisme des objectifs de réduction de la consommation d’espace. Le sursis à statuer ne peut être ni prononcé, ni prolongé après la fixation de ces objectifs par le document d’urbanisme.

Un sursis à statuer est donc ici possible en présence d’une « simple » modification du Plan Local d’Urbanisme. Ce qui n’est pas le cas du sursis à statuer qui peut être opposé dans le cadre de l’élaboration ou de l’évolution d’un document d’urbanisme à des projets de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux la réalisation du futur document d’urbanisme, qui ne peut pas être mis en œuvre dans la cadre d’une procédure de modification du PLU (CE, 28 janvier 2021, Commune de Valence, n°433619).

Il sera relevé que l’hypothèse de la procédure de révision n’est pas visée et qu’il est possible de s’interroger sur la possibilité d’une décision de sursis à statuer dans le cadre de la mise en œuvre d’une telle procédure. Néanmoins, compte-tenu de l’esprit du texte et de sa finalité, l’exclusion de la procédure de révision de son champ d’application serait difficilement compréhensible.

La décision de sursis à statuer devra être motivée en considération soit de l’ampleur de la consommation résultant du projet faisant l’objet de la demande d’autorisation, soit de la faiblesse des capacités résiduelles de consommation au regard des objectifs de réduction de de la consommation d’ENAF, étant relevé que la décision de surseoir à statuer ne peut être opposée à une demande pour laquelle la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant de la réalisation du projet est compensée par la renaturation au moins équivalente à l’emprise du projet.

Sur la durée du sursis à statuer, force est de relever qu’il n’est pas renvoyé aux dispositions de l’article L424-1 du Code de l’urbanisme qui fixe le régime de droit commun des décisions de sursis à statuer et précise notamment que le sursis à statuer ne peut excéder deux ans.

Le délai de validité du sursis pris sur le fondement de l’article 194 de la loi climat et résilience est l’approbation de la procédure de modification ou d’élaboration du document d’urbanisme.

A l’expiration du délai de validité du sursis à statuer, l’autorité compétente devra statuer sur la demande d’autorisation d’urbanisme dans un délai de 2 mois à compter de la confirmation par le pétitionnaire de cette demande. A défaut, l’autorisation sera considérée comme accordée dans les termes de la demande.

Le propriétaire du terrain qui se verra opposer un sursis disposera d’un droit de délaissement. Il pourra mettre en demeure la collectivité de procéder à l’acquisition de son terrain dans les conditions et délai de droit commun, prévus aux articles L230-1 à L230-6 du Code de l’urbanisme. Il s’agit d’une différence notable avec le sursis à statuer « classique » prévu par l’article L424-1 du Code de l’urbanisme pour lequel le droit de délaissement n’est possible que dans l’hypothèse d’un refus d’autorisation d’urbanisme, faisant suite à une décision de sursis à statuer.

Le sursis à statuer version ZAN est, dans les conditions énoncées précédemment, d’application immédiate aux demandes d’autorisation d’urbanisme, sauf certificat d’urbanisme en cours de validité sur le terrain concerné.

Source : https://www.village-justice.com/articles/zero-artificialisation-nette-les-nouveaux-outils-operationnels-des,47227.html

Séverine Buffet, Jean-Marc Petit, Avocats Associés
et Simon Julien, Juriste.

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