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Responsabilité du maître d’ouvrage public pour inaction
08/09/2025

CE 22 juillet 2025, n° 493810

Cette décision ne dégage pas une solution nouvelle, mais constitue un exemple d’application très intéressant de l’obligation de direction et de contrôle du marché pesant sur le maître d’ouvrage public.

Origine du contentieux : réclamation sur décompte général

  • La société Eiffage Génie Civil était titulaire d’un marché de travaux pour la construction d’un nouvel ouvrage de franchissement de la rocade de Bordeaux nécessaire à l’extension de la ligne C du tramway.
  • En cours de chantier, le procédé constructif a été modifié à la demande de la DREAL en raison des conséquences sur l’environnement du procédé initialement choisi.
  • La société Eiffage Génie Civil a proposé et mis en œuvre un procédé conforme au CCTP, mais qui a occasionné des désordres sur un ouvrage mitoyen (pont des Hôtels). Ce qui a conduit à un arrêt des travaux et une perte de cadence. Ce sont notamment ces dommages dont le titulaire demandait réparation.

Faute de Bordeaux Métropole :

Selon les juges, Bordeaux Métropole ne pouvait ignorer le mauvais état initial du ” pont des Hôtels ” auquel le nouvel ouvrage devait s’accoler, ni la mauvaise qualité du sol, ni le principe d’une modification du procédé de forage utilisé à la suite de l’intervention de la DREAL.

C’est ainsi qu’ils considèrent qu’elle avait commis une faute en s’abstenant d’intervenir dans le choix de la nouvelle méthode d’implantation des pieux, manquant ainsi à son obligation de direction et de contrôle du marché.

Lien de causalité avec les dommages :

Les juridictions retiennent que l’arrêt de chantier et la perte de cadence résultent exclusivement des conséquences de l’utilisation d’un procédé de forage inadapté à la mauvaise qualité du sol et à la fragilité du ” pont des Hôtels “, et non d’un défaut d’entretien de cet ouvrage par la métropole.

25 % de part de responsabilité aux côtés du maître d’œuvre et du bureau de contrôle :

Le Conseil d’Etat valide l’appréciation des juges du fond qui avaient considéré que le maître d’œuvre et le bureau de contrôle technique avaient commis des fautes à l’origine des dommages d’Eiffage Génie Civil en validant le procédé de forage par vibration à l’origine des désordres sur l’ouvrage mitoyen qui ont conduit à l’arrêt de chantier.

La part de responsabilité de Bordeaux Métropole a été arrêtée à 25 %.

Préjudices :

  • Surcoûts liés à l’allongement de la durée d’exécution des principales tâches établi dans son principe par des courriers même en l’absence de constat contradictoire, moyen de preuve prévu à l’article 12 du CCAG. La durée d’évaluation réalisée par le maître d’œuvre qui est prise en compte par les juges.
  • Dépenses liées à l’allongement de la durée globale du chantier non pris en compte dès lors que cet allongement est imputable à d’autres causes. Sur la justification de son préjudice, la société Eiffage s’était contentée de produire un prix nouveau accompagné d’aucun justificatif.
  • Réorganisation du phasage avec mise en ouvre de moyens supplémentaires pour limiter l’impact de l’arrêt de chantier. Les juges écartent ce préjudice en l’absence de preuve sur la réalité de cette réorganisation et son utilité, et aussi en l’absence d’ordre de service demandant ces modifications.

Appréciation :

Sur la responsabilité du maître d’ouvrage public : cette décision illustre la nécessité pour le maître d‘ouvrage de s’impliquer dans l’exécution des travaux qu’il confie à des tiers pour jouer pleinement son rôle et remplir son obligation de direction et de contrôle des marchés.

Et cette obligation peut aller, comme en l’espèce, jusqu’à intervenir dans le choix du procédé constructif lorsque le maître d’ouvrage détient des informations particulières.

Sur le préjudice : cette affaire témoigne de l’importance de la justification des préjudices allégués et de la traçabilité en cours de chantier. Les titulaires doivent justifier chaque montant par des élément concrets et objectifs et le maître d’ouvrage saisi d’une réclamation se doit de vérifier que les postes de préjudice sont justifiés dans leur principe et leur montant.

Notre expertise

Notre cabinet intervient au quotidien auprès des acteurs de la construction pour assister ces derniers dans le cadre des réclamations en cours de chantier et celles portant sur le décompte général.

Plus généralement, nous assistons les titulaires de marchés publics et acheteurs publics sur les problématiques de passation et d’exécution des contrats publics.

Xavier Heymans
Avocat associé
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