2021 sera considérée comme une grande année pour notre environnement et les législations qui l’intéressent, comme celles de l’urbanisme et de l’immobilier, du fait de la promulgation le 22 août de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience ». Les collectivités et leurs plans locaux d’urbanisme (PLU et PLUi) doivent bien entendu participer activement à cette lutte… L’été 2021 aura également été marquée par des décisions importantes du Conseil d’Etat, notamment sur le contenu des PLU.
La jurisprudence
Pour ce qui concerne les procédures de PLU, le Conseil d’Etat a précisé les conditions très restrictives qui permettent d’engager une procédure de modification simplifiée pour erreur matérielle (Conseil d’État, 21 juillet 2021, n°434130). En pratique, cette procédure légère (sans enquête et donc sans commissaire-enquêteur) a pu être utilisée par des collectivités pour revenir sur certaines règles ou zonages considérés a posteriori comme inadéquats. Le Conseil d’Etat a rappelé dans son arrêt ce qu’il avait jugé en janvier 2020 : cette procédure ne peut être engagée que si elle porte sur une réelle « malfaçon rédactionnelle ou cartographique » qui conduit « à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du PLU, telles qu’elles ressortent des différents documents constitutifs du PLU ». Il ajoute désormais que même si ces conditions sont remplies la procédure simplifiée ne peut en aucun cas être mise en œuvre pour autoriser une nouvelle activité incompatible avec la vocation du secteur ou de la zone définis par le PLU applicable.
Le Conseil d’Etat a également statué sur un autre point très discuté, celui de savoir si après une annulation partielle de PLU, la collectivité peut adopter les nouvelles dispositions en modifiant directement de PLU hors du cadre des procédures de modification ou de révision que le code de l’urbanisme décrit, donc sans consulter le public. Cette « troisième voie » avait été admise par certaines cours administratives d’appel. Le Conseil d’Etat a très clairement écarté cette possibilité, même si elle avait pour finalité d’assurer par la voie la plus rapide et la plus économe la pleine exécution de la décision de justice. Ainsi, en cas d’annulation partielle et de retour aux règles antérieures, il appartient à la collectivité « de faire application, selon la nature et l’importance de la modification requise, de l’une de ces procédures », à moins que la modification puisse s’inscrire dans une procédure en cours (Conseil d’État, 16 juillet 2021, n°437562).Aussi, par exemple, une procédure de modification simplifiée, impliquant la consultation du public, pourra être engagée, si son objet entre d’une part dans le champ d’une modification de PLU et d’autre part dans le champ d’une modification simplifiée.
Pour ce qui concerne le contenu des PLU, le Conseil d’Etat a tranché une question de principe, portant sur la possibilité ou non de prévoir des zones urbaines inconstructibles ou quasiment inconstructibles, en dehors du cas prévu expressément par le 2ème alinéa de l’article L 151-23 du code de l’urbanisme (qui permet de localiser, dans les zones urbaines, les terrains non bâtis « nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles »).
Alors que la Cour de Marseille avait jugé que « il n’existe pas de principe selon lequel il serait impossible en zone U d’interdire toute nouvelle construction » (CAA Marseille, 18 juin 2010, n°08MA03508), celle de Lyon avait considéré que des restrictions très étendues au droit de construire n’étaient pas admissibles en zone urbaine. Le Conseil d’Etat n’a pas suivi cette dernière : notre droit actuel (sur la base de la rédaction assez générale de l’article L 151-9 du code de l’urbanisme) permet de prévoir en zone urbaine de telles règles. Mais il faut bien entendu qu’elles soient pleinement justifiées, au cas par cas, par les orientations générales et les objectifs du PADD (Conseil d’Etat, 30 juillet 2021, Commune d’Avenières Veyrins-Thuellin, n° 437709). Ce peut être le cas par exemple lorsqu’il s’agit de zones situées en dehors de l’enveloppe urbaine du centre alors que le parti d’urbanisme retenu vise à recentrer l’urbanisation
Cette position est somme toute assez logique : la lutte contre l’étalement urbain est depuis plus de 10 ans un objectif légal qui s’impose aux collectivités publiques et qui doit trouver sa traduction dans un PLU. Cet objectif doit pouvoir justifier, si nécessaire, que des zones déjà urbanisées ne le soient pas davantage. Il était difficilement admissible que l’état du droit résultant de la loi SRU, consolidé par les lois Grenelle, soit considéré comme ne fournissant pas les moyens de traduire ces objectifs en zone urbaine ou obligeant les auteurs de PLU à classer en zone naturelle des secteurs urbanisés sans qualités particulières…
Cette solution rappelle celle que le Conseil d’Etat a dégagée un mois plus tôt pour les cônes de vue et les servitudes non aedificandi instituées en zone urbaine (Conseil d’Etat, 14 juin 2021, SCI des Sables, n° 439453). On peut considérer, là aussi, que notre droit actuel (selon les cas les articles L 151-19 et L 151-22 du code de l’urbanisme) permet de prévoir de telles restrictions au droit de construire. Il faut néanmoins que la localisation de cônes de vue ou de secteurs non aedificandi, leur délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, soient « proportionnées » et qu’elles n’excèdent pas « ce qui est nécessaire à l’objectif recherché ». Le Conseil d’Etat précise que la restriction est une interdiction de toute construction, elle n’est légale que « s’il s’agit du seul moyen permettant d’atteindre l’objectif poursuivi ».
Les collectivités doivent bien justifier ces restrictions dans leur PLU, surtout dans ceux qu’il faudra bientôt élaborer dans le cadre de loi « climat et résilience ». L’option prise est très clairement de privilégier davantage l’utilisation des espaces déjà urbanisés…
La loi « climat et résilience » et les PLU
L’objectif national fixé par la loi est d’atteindre une absence d’artificialisation nette des sols en 2050. A cet effet, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années à venir doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix dernières années (article 191 de la loi). Cet objectif devant être appliqué de manière territorialisée et différenciée, les documents des collectivités doivent logiquement lutter contre l’artificialisation des sols et viser l’objectif d’absence d’artificialisation nette à terme, en optimisant la densité des espaces urbanisés, tout en maîtrisant l’étalement urbain, en assurant la qualité urbaine, la préservation et la restauration de la biodiversité et de la nature en ville (article 192).
La loi définit notamment les notions d’artificialisation, d’artificialisation nette, mais il faut attendre en l’état un décret en Conseil d’Etat pour que les modalités de mise en œuvre de ces objectifs soient fixées et que soit établie « une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme » (article 192).
Dans ce cadre, les PLU doivent participer à l’effort de lutte, mais sans être nécessairement « en première ligne » à court terme.
En effet, l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols sur les dix prochaines années et la trajectoire vers le « zéro artificialisation nette », doivent d’abord être intégrés, s’il ne le sont pas déjà, au niveau des documents de planification régionale, au premier rang desquels figurent les SRADDET (qui sont donc le point d’entrée de la stratégie de réduction de la consommation d’espace, qui sera alors déclinée selon les différentes parties du territoire régional), et là où ils sont applicables sur certains territoires, les SAR (outre-mer), le PADDUC (Corse) et le SDRIF (ile de France). L’objectif de réduction sera ensuite, normalement, décliné par lien de compatibilité aux niveaux intercommunal et communal dans les documents infrarégionaux, dont les SCOT puis, pour être ainsi défini au plus proche des réalités du terrain par les PLU, dès leur première révision ou modification après l’approbation des documents régionaux. C’est donc normalement par rapport à l’objectif de réduction du rythme de l’artificialisation des sols fixé par le SCoT ou, en l’absence de SCoT, par le document régional pertinent, que les PLU fixeront les objectifs localement, ce qui induira des modifications « en cascade » des documents.
Le dispositif de transition (complexe) est détaillé par l’article 194 de la loi. Il fixe notamment des limites temporelles pour garantir l’adaptation effective de l’ensemble des documents dans des délais préfix et prévoit l’intégration directe des objectifs si les documents supérieurs ne sont pas modifiés dans les délais impartis. Il vise les hypothèses des procédures en cours et de documents vertueux « avant l’heure » qui bénéficient de certaines souplesses. Dans le dispositif décrit, les documents régionaux modifiés, si nécessaire (on sait que ce devrait être au moins le cas pour les SRADDET d’Auvergne Rhône Alpes, du Grand Est, de Nouvelle-Aquitaine…) doivent être approuvés dans les 2 ans de la promulgation de la loi, c’est dire avant le 23 août 2023, les SCOT doivent l’être dans le délai de 5 ans et les PLU dans le délai de 6 ans, soit avant le 23 août 2027. Si ce ne n’est pas le cas, leurs zones AU ne pourront plus faire l’objet d’autorisations d’urbanisme. Pour faciliter la transition, la procédure de modification simplifiée peut être utilisée, même si elle est d’ordinaire réservée aux changement mineurs apportés aux documents…
En attendant, et sachant que des interventions législatives viendront certainement corriger ce calendrier qui parait optimiste, certaines dispositions régissent le contenu des PLU et les éventuelles procédures en cours dans les conditions fixées (le cas échéant) par la loi.
Le texte durcit les conditions d’ouverture à l’urbanisation de nouvelles zones. L’article 194 de la loi impose par exemple, pour pouvoir ouvrir à l’urbanisation des espaces naturels, agricoles ou forestiers, qu’une étude préalable de densification des zones urbanisées soit réalisée, faisant ressortir que la capacité d’aménager et de construire est déjà « mobilisée » dans les espaces urbanisés.
L’article 199 concerne l’impossibilité de procéder par modification de PLU pour ouvrir les « veilles » zones AU, hors acquisitions effectuées dans les zones concernées par les acteurs publics (art . L 151-31 4° CU). L’âge de la zone AU désormais pris en compte est de 6 ans, au lieu des 9 ans applicables avant la loi, sauf si cette zone AU a été délimitée avant le 1er janvier 2018 (subsiste alors dans ce cas le délai de 9 ans).
Le même article prévoit que les OAP devront comporter un échéancier prévisionnel d’ouverture à l’urbanisation des zones AU et, le cas échéant, de réalisation des équipements correspondant à chacune d’elles. Cette obligation, qui incitera les collectivités à avoir une réflexion prospective sur les projets en amont (et les outils de fiscalité à mettre en place…) ne concerne pas les projets de PLU en cours d’élaboration, modification ou de révision s’ils ont été arrêtés avant le 22 août 2021.
L’article 200 prévoit que les OAP doivent définir, en cohérence avec le PADD, les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur les continuités écologiques.
L’article 201, applicable aux communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l’article 232 du code général des impôts et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue au dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du CCH, prévoit que le PLU doit définir, dans les secteurs qu’il délimite, une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables, qui sera exigible des constructions nouvelles.
L’article 203 de la loi revoit la périodicité de l’évaluation obligatoire des PLU, définie à l’article L. 153-27 du code de l’urbanisme, qui est ramenée de neuf ans à six ans.
Enfin, la loi ajoute des cas possibles de dérogation aux dispositions de PLU, notamment en matière de stationnement de véhicules motorisés lorsque les projets de construction font un effort supplémentaire pour le stationnement sécurisé des vélos (article 117).