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AJCT
Loi 3DS : principales innovations en matière d’aménagement du territoire et d’environnement
18/07/2022

La loi 3DS du 21 février 2022 (1) n’est pas une grande loi environnementale ou d’aménagement du territoire. Le gouvernement n’avait pas l’ambition qu’elle le soit. Il faut rappeler qu’elle a été précédée de quelques mois par la loi du 22 août 2021, dite loi Climat et résilience (2), qui fixe et décline plusieurs objectifs ambitieux dans ces domaines (3).

Ce texte, de 271 articles finalement, avait pour ambition affichée d’être « concret, utile, de terrain » (4) et de permettre aux collectivités de renforcer leur présence dans des champs très variés (habitat inclusif, action sociale et santé, tourisme…). Ses dispositions, lorsqu’elles concernent l’aménagement du territoire et l’environnement, sont pour la plupart techniques et intéressent de nombreux codes (code de l’environnement, code des transports, code général des collectivités territoriales, code de la construction et de l’habitation, code de l’urbanisme, code de la voirie routière, code rural…). Pour les plus novatrices, les techniques d’expérimentation sont largement utilisées.

Les pôles métropolitains dans la liste des AOM
À la suite de la loi d’orientation des mobilités (LOM) de décembre 2019, plusieurs adaptations se sont avérées nécessaires pour faciliter l’exercice de la compétence d’autorité organisatrice. L’article 25 de la loi 3DS prévoit désormais expressément que les pôles métropolitains peuvent devenir autorité organisatrice des mobilités, par transfert de cette compétence par leurs membres. Leur absence dans la liste des autorités organisatrices des mobilités (AOM) (5) pouvait faire naître un doute sur la possibilité de leur transférer cette compétence, alors qu’un tel pôle permet pourtant de regrouper plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont l’objectif est, notamment, de développer « des infrastructures et des services de transport […] afin de promouvoir un modèle de développement durable du pôle métropolitain et d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de son territoire, ainsi que l’aménagement du territoire infra-départemental et infra-régional » (6).

Les routes nationales : un transfert volontaire
Le gouvernement, accusé de délaisser son domaine routier, a la volonté de rapprocher la gestion des routes de l’usager. L’article 38 de la loi propose ainsi aux départements, aux métropoles et à la métropole de Lyon, de se voir transférer définitivement la propriété de certaines routes nationales non concédées (autoroutes, routes et portions de voies du domaine public national). L’article 40 propose aux régions, qui n’ont pas d’expérience particulière en matière routière, mais dans le prolongement de leurs attributions en matière de mobilités et d’aménagement du territoire, un transfert temporaire, à titre expérimental, pendant huit ans, dans le cadre de conventions. Ces collectivités vont avoir ainsi la possibilité d’investir sur ces voies (ou des ouvrages annexes) pour mieux les adapter à leur vocation ou à leurs projets. Le décret identifiant les routes concernées a été pris le 30 mars 2022 (7). Ont été exclus les itinéraires que l’État a jugés essentiels pour ses intérêts, pour le maillage national et pour le réseau transeuropéen. Près de 1 000 à 4 000 km sur les 12 000 km de routes de l’État non concédées pourraient ainsi être décentralisées (8). Pour les régions, des évaluations à mi-parcours et avant le terme de l’expérimentation seront menées afin d’examiner l’opportunité d’un transfert définitif. Les articles 38 et 40, de même que les articles 150 et 151 de la loi 3DS, règlent les modalités et conséquences pratiques et financières des transferts et mises à disposition. Il faut rappeler par ailleurs qu’en application de l’article 137 de la loi Climat et résilience, les régions devraient pouvoir instituer à compter du 1er janvier 2024 des contributions spécifiques assises sur la circulation des véhicules de transport routier de marchandises empruntant les voies du domaine public routier national mises à leur disposition.

Concertation – Les collectivités intéressées ont jusqu’au 30 septembre 2022 pour manifester leur volonté auprès du préfet de région. À cet effet, elles pourront demander la communication des informations relatives à l’état des routes. À l’issue de ce délai, si plusieurs collectivités souhaitent se voir confier une même route, le préfet de région organisera une concertation, sur la base de scénarios proposés par l’État. À la suite de cette concertation, les collectivités auront un mois pour délibérer à nouveau. Le ministre chargé des transports décidera alors, dans les trois mois, des routes transférées ou mises à disposition et de leur répartition entre les collectivités. La loi précise qu’il prendra en compte notamment le résultat de la concertation, la cohérence des itinéraires et les moyens dédiés à la gestion de ces routes. On comprend que le but n’est pas de segmenter encore davantage le réseau routier. Néanmoins, des transferts de gestion entre les échelons départementaux et régionaux seront possibles (9).

Modifications – La marge de manoeuvre des collectivités pour les éventuelles modifications des routes transférées ou mises à disposition, avec leurs accessoires et dépendances, n’est bien entendu pas totale. Les articles 38 et 40 prévoient que les projets de modification substantielle des caractéristiques techniques des autoroutes, des routes et des portions de voies ainsi que des passages supérieurs en surplomb seront soumis pour avis au préfet. Celui-ci devra s’assurer que ces modifications ne compromettent pas la capacité de ces voies à garantir la continuité des itinéraires routiers d’intérêt national et européen, la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et la desserte économique du territoire national. Les modalités d’application de ces dispositions seront fixées par voie réglementaire.

Des transferts de maîtrise d’ouvrage – Indépendamment de ce dispositif, l’article 41 de la loi 3DS permet des transferts de maîtrise d’ouvrage entre l’État et les collectivités. L’État peut ainsi confier, par convention, à un département, à la métropole de Lyon, à une métropole ou à une communauté urbaine, voire à une région si la voie constitue un itinéraire d’intérêt régional identifié par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’aménagement d’une voie du domaine public routier national non concédé située principalement sur son territoire et revêtant un caractère prioritaire pour l’intéressé. Sont ici visés des travaux d’ampleur limitée (élargissements…) et même la réalisation de nouvelles portions de routes. Cette délégation est exercée à titre gratuit (10).

Zones Natura 2000 terrestres : un transfert obligatoire aux régions
Objectifs – Depuis l’origine, l’État est placé au coeur du dispositif Natura 2000, qu’il soit terrestre ou marin. Le projet de désignation d’un site (ZSC ou ZPS) est établi par le préfet compétent, arrêté par le ministre de l’Environnement avant notification à la Commission européenne. Le document d’objectifs (DOCOB) est approuvé par le préfet. Ces objectifs sont déclinés ensuite dans des chartes et des contrats conclus notamment avec les titulaires de droits réels et personnels sur les terrains concernés ainsi que les professionnels et utilisateurs des espaces marins situés dans le site. L’État veille enfin au respect des protections, à travers l’évaluation des projets qui peuvent affecter un site. Dans ce cadre, les régions, alors qu’elles ont un rôle de chef de file en matière de protection de la biodiversité (11) et qu’elles sont les autorités de gestion des fonds européens mobilisables, n’ont pas de place particulière, même si certaines sont impliquées dans la gestion de sites. Tout au plus, peuvent-elles être, de manière alternative avec le préfet, l’autorité signataire des contrats Natura 2000.

Transferts – L’article 61 de la loi 3DS prévoit le transfert aux régions et à la collectivité de Corse, à compter du 1er janvier 2023, de la gestion des sites Natura 2000 terrestres (soit 1 500 sites environ). Est ainsi exclue la gestion des sites maritimes, qui intéressent le domaine public maritime de l’État, ainsi que la sécurité et la protection des frontières. Mais la désignation des sites elle-même restera maîtrisée par l’État. Les régions, la collectivité de Corse et lorsque son périmètre comprend un espace naturel sensible, le département, participeront néanmoins au processus de désignation d’un site terrestre. Leur avis préalable sera requis.

Responsabilité de la satisfaction des objectifs – Après ce transfert, la création du comité de pilotage, l’élaboration du DOCOB et les modalités de suivi de sa mise en oeuvre par conventions relèveront de la compétence de la région ou de la collectivité de Corse. Les contrats et chartes Natura 2000 seront signés par le président du conseil régional ou par le président de la collectivité de Corse (12). Les régions et la collectivité de Corse deviendront responsables à l’égard de l’État de la satisfaction des objectifs de résultats et de moyens fixés par les directives Habitats et Oiseaux, sans être l’autorité qui délimite ces zones et qui statue sur les projets donnant lieu aux évaluations d’incidences…

La loi prévoit un transfert de moyens humains et financiers pour compenser la hausse de la charge administrative pour les régions, sans instituer une taxe particulière, par exemple sur le modèle des espaces naturels sensibles des départements (13).

Faciliter les investissements – Pour les opérations réalisées dans une zone Natura 2000 terrestre, l’article 62 de la loi introduit la possibilité d’une dérogation supplémentaire à la règle de participation minimale à hauteur de 20 % des maîtres d’ouvrage (14). Le préfet de département peut ainsi réduire ce pourcentage lorsque le projet a pour objet de restaurer la biodiversité. Le préfet vérifiera si la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage et prendra en compte l’importance de la dégradation des habitats et des espèces, ainsi que les orientations du DOCOB. Cet assouplissement est néanmoins réservé aux communes de moins de 3 500 habitants ou aux groupements de moins de 40 000 habitants.

GEMAPI : des assouplissements et des recettes supplémentaires
Difficultés de structures et de moyens – La loi dite MAPTAM a expressément confié au bloc communal la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) (15). Cette compétence a été, à compter du 1er janvier 2020, transférée de façon obligatoire aux EPCI à fiscalité propre. Elle couvre plusieurs missions, dont la défense contre les inondations et contre la mer (PI). Ces compétences peuvent être en tout ou partie transférées ou déléguées à un établissement public territorial de bassin (EPTB) (16) et à un établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE). Ces syndicats ne peuvent instituer ni percevoir la taxe dite GEMAPI ; ils reçoivent des contributions et cotisations de leurs membres, dont les budgets sont alimentés, le cas échéant, par cette taxe, plafonnée à un maximum annuel de 40 € par habitant. Depuis l’entrée en vigueur des différentes réformes intervenues, la mise en oeuvre pratique de cette compétence se heurte toujours à des difficultés de structures et de moyens financiers.

Assouplissement du dispositif – La loi 3DS a pris en compte cette situation. L’article 33 permet à un même syndicat mixte, sur des parties distinctes de son périmètre, d’exercer les compétences propres à un EPAGE ou à un EPTB tout en conservant sa personnalité juridique unique. La loi Engagement et proximité (17), partant du constat que beaucoup de syndicats mixtes couvrent plusieurs unités hydrographiques relevant de bassins ou de sous-bassins versants distincts, avait permis, à certaines conditions, de transformer un syndicat mixte en EPTB et en EPAGE sur deux fractions intégralement différentes du périmètre du syndicat. Mais il s’agissait là d’une scission en plusieurs établissements. La loi 3DS assouplit le dispositif en permettant la mise en oeuvre des compétences par un même syndicat mixte. Par ailleurs, le même article 33 de la loi permet désormais à de tels syndicats mixtes intégrant la qualité d’EPAGE d’adhérer à des EPTB.

Faciliter les investissements – La loi revient là encore sur la règle du financement minimum de 20 % fixée à l’article L. 1111-10 du CGCT en précisant que les participations des membres d’un syndicat mixte (18) entrent dans le calcul des 20 % (19). Cette précision, qui n’est pas propre aux projets GEMAPI, sera particulièrement utile aux syndicats gemapiens.

Taxe PI – La novation la plus significative est introduite par l’article 34 de la loi qui porte sur la possibilité, pour un EPTB, d’instituer, à titre expérimental, pendant une durée de cinq ans, une sorte de « taxe PI » (un produit de contributions budgétaires fiscalisées). Dans les bassins figurant dans une liste qui sera fixée par décret, qui définira également les modalités d’application de ces nouvelles dispositions, un EPTB compétent en matière de lutte contre les inondations et la mer pourra financer ces actions PI en percevant un produit de contributions fiscalisées assises sur le produit de la taxe d’habitation, des taxes foncières et de la cotisation foncière des entreprises. Ce produit, non plafonné à 40 € par an par habitant, remplacera la contribution budgétaire que les EPTB perçoivent de leurs membres. Il sera possible de cumuler sur un même territoire la taxe GEMAPI et la nouvelle contribution fiscalisée pour le seul volet PI, sous réserve des dispositions éventuelles du décret attendu, et avec des variations selon la répartition des compétences exercées par les EPCI et syndicats mixtes.

Captages et préservation de la qualité de la ressource en eau : précisions sur le devenir des terrains agricoles préemptés
L’article 191 de la loi 3DS permet désormais à un syndicat mixte d’être titulaire du droit de préemption des terrains agricoles. Il prévoit également la possibilité pour le titulaire de ce droit de le déléguer à une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière (20).

Le même article précise le régime d’utilisation des biens préemptés. En cas de mise à bail, les baux (nouveaux ou conclus lors du renouvellement d’un bail existant) devront comprendre des clauses environnementales (21). En cas de cession, l’acquéreur doit consentir à la signature d’un contrat, d’une durée maximale de 99 ans, portant obligations réelles environnementales (22) et prévoyant au minimum les mesures garantissant la préservation de la ressource en eau.

Il est à noter que, d’une manière générale, la durée des contrats d’obligations réelles environnementales prévus à l’article L. 132-3 du code de l’environnement ne peut désormais excéder 99 ans.

ORT : renforcer l’outil pour revitaliser les centralités
Depuis 2016-2017 (23) et les rapports alarmants sur la dévitalisation croissante des villes moyennes, constituant souvent des maillons importants de l’armature urbaine, le gouvernement s’est fortement engagé dans des programmes d’actions destinées à lutter contre la vacance, réimplanter des activités et des services et offrir un cadre de vie plus attractif aux habitants (24). En 2018, la loi ELAN a institué un cadre d’intervention nouveau : l’opération de revitalisation de territoire (ORT). Afin d’assurer la cohérence des politiques à mener à l’échelle de l’intercommunalité et l’équilibre de son territoire, le contrat d’ORT, qui définit un programme d’actions, implique la signature des communes et de l’EPCI. Les commerces qui souhaiteraient s’implanter en centre-ville ne sont pas soumis, en principe, à autorisation d’exploitation commerciale (AEC). En parallèle, le préfet peut suspendre l’enregistrement et l’examen d’une demande d’autorisation commerciale en dehors des secteurs d’intervention de l’ORT (25). À la fin du mois d’avril 2021, 252 ORT avaient été signées selon l’ANCT.

La loi renforce l’efficacité des ORT – La règle selon laquelle une ORT doit obligatoirement comprendre la ville principale de l’EPCI est désormais assortie d’une exception, prévue par l’article 95 de la loi (26). Elle est néanmoins subordonnée à l’accord du préfet et au respect de deux conditions cumulatives : il doit exister une discontinuité territoriale ou un éloignement par rapport à la ville principale et des caractéristiques de centralité au sein de l’une ou des villes concernées. Cet assouplissement permettra de conclure plusieurs ORT sur un même EPCI et de couvrir davantage de communes situées dans des intercommunalités « polycentrées ». L’article 96 complète le II de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH) qui définit les parties du territoire des communes signataires de la convention d’ORT pouvant être intégrées dans le périmètre des secteurs d’intervention. Il est prévu expressément que ce périmètre peut inclure, outre un ou plusieurs centres-villes, des parties urbanisées de toute commune membre de l’EPCI. Les dispositifs des ORT pourront ainsi concerner des secteurs périphériques (entrées de villes, zones commerciales et pavillonnaires…).

Moratoire préfectoral – L’article 96 I de la loi étend le champ d’application du « moratoire » préfectoral (possibilité de suspendre l’enregistrement et l’examen des AEC) aux projets situés en dehors d’un secteur d’intervention « comprenant un centre-ville ». Le fait que le projet se situe au sein d’un secteur d’intervention ne garantit donc pas l’absence de suspension.

Dispositifs de dérogations – Aux secteurs d’intervention d’une ORT est désormais associé un dispositif propre de dérogations possibles aux règles d’urbanisme, c’est-à-dire distinct de celui prévu à l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme. Par exemple, une destination non conforme au règlement du PLU peut être autorisée dès lors qu’elle contribue à la diversification des fonctions urbaines du territoire concerné (27).

Nouveau contrat – L’article 110 de la loi facilite enfin l’intervention d’opérateurs en instituant un nouveau contrat, passé dans les formes prévues pour les concessions d’aménagement. Ce contrat, régi par le nouvel article L. 300-9 du CCH, permet de confier à un opérateur privé ou public un programme d’actions, portant notamment sur l’aménagement des espaces et des équipements publics de proximité, la modernisation ou la création d’activités, la création, l’extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales ou artisanales. Les collectivités peuvent ainsi conclure des concessions dans les mêmes conditions qu’en matière d’aménagement. Les opérateurs pourront alors exercer par délégation les droits de préemption urbains et sur les fonds de commerce.

AEC : l’effacement (expérimental) des CDAC
Délivrance des AEC – L’article 97 de la loi 3DS envisage la possibilité, dans le cadre d’une expérimentation d’une durée de six ans, de confier totalement à l’autorité compétente en matière d’urbanisme la délivrance des autorisations d’exploitation commerciale (AEC), c’est-à-dire sans avoir à recueillir l’accord de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). Cette évolution repose sur l’idée que les prérogatives des élus locaux peuvent être renforcées pour une meilleure efficacité du dispositif de régulation et que planifier et renforcer le contrôle de l’urbanisme commercial au stade des documents locaux d’urbanisme peut raccourcir la procédure d’instruction des projets en aval.

Participants – Peuvent participer à cette expérimentation les collectivités ayant signé une convention d’opération de revitalisation de territoire (ORT), mais aussi, sans nécessité d’une ORT, les métropoles du grand Paris, d’Aix-Marseille-Provence et de Lyon, ainsi que toutes les autres métropoles et communautés urbaines, ce qui en élargit considérablement le champ.

Absence de consultation de la CDAC – Sur les territoires expérimentaux, lorsque le projet nécessitera une autorisation d’exploitation commerciale, la demande sera instruite et délivrée par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme, qui tiendra lieu d’AEC sans consultation de la CDAC. Cette autorité sera soit le président de l’EPCI parce qu’il a cette qualité, soit le maire, mais avec l’avis conforme du président de l’EPCI, pour garantir que l’EPCI et la commune ont bien la même vision du développement commercial du territoire. L’autorité administrative statuera au vu des documents d’urbanisme applicables et des effets du projet en fonction d’une série de critères, empruntés à la législation commerciale. Un décret d’application apportera des précisions indispensables à la mise en oeuvre de l’expérimentation, notamment sur les délais d’instruction.

Des conditions importantes – Pour bénéficier de l’expérimentation, le territoire concerné devra être couvert à la fois par un SCoT exécutoire, comportant un document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (28) et par un PLUi exécutoire (à moins que l’ensemble des communes soient couvertes par des PLU), ayant déterminé les conditions d’implantation des équipements commerciaux en prenant en compte les critères sur lesquels se fondent les CDAC. Les objectifs du SCoT devront avoir été déclinés par le PLU. Ce dispositif de planification tranchera radicalement avec la relative opacité des décisions des CDAC, prises au coup par coup.

Gageons néanmoins que la modification des SCoT et PLU, même si la loi prévoit qu’elle peut être opérée sous la forme simplifiée avant la fin de l’année 2025 (29), donnera lieu à des études exigeantes autant qu’à d’âpres débats et qu’en pratique la durée de préparation de cette expérimentation sera longue…

Les auteurs de la loi 3 DS ont prévu que l’EPCI candidat aura à décider du choix de l’expérimentation par une délibération prise avant le 22 février 2025, après avis des communes membres et de l’établissement public compétent en matière de SCoT. Le préfet se prononcera ensuite après avis conforme de la CNAC sur le contenu des documents d’urbanisme précités… La CNAC disposera donc d’un droit d’opposition si elle estime que les autorités locales ont insuffisamment intégré les critères définis à l’article L. 752-6 du code de commerce.

Protection des alignements d’arbres le long des voies : des dérogations mieux encadrées
Principe de protection – La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (30) avait institué un principe de protection pour « les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication » (31). Il pouvait être dérogé à ce principe par « l’autorité administrative » dans certains cas, justifiés par l’état des arbres et pour les besoins « d’opérations de construction », sous réserve d’une compensation. Les collectivités ont été rapidement exposées, pour certains de leurs projets, à des actions contentieuses profitant des imperfections de la rédaction adoptée. Le Conseil d’État, dans un avis du 21 juin 2021 (32), avait fait lui-même un effort important d’interprétation de la disposition.

Réécriture – Ce régime de protection a été (heureusement) entièrement réécrit par l’article 194 de la loi 3DS. Ces nouvelles dispositions sont applicables aux demandes déposées depuis le 1er avril 2022, mais un décret d’application doit encore être pris pour définir les sanctions applicables et le régime d’instruction des demandes de dérogation.

Plutôt que des voies de communication, il s’agit désormais des voies ouvertes à la circulation publique. Cette notion est certes bien connue des juridictions administratives, mais on sait que les propriétaires d’une voie privée ont, en droit, la possibilité à tout moment de la fermer à la circulation du public…

Compétence préfectorale – La compétence pour statuer sur les demandes de dérogation a été attribuée au préfet du département. La collectivité compétente en matière d’urbanisme ou pour la gestion de la voie ne sera donc pas « juge et partie » lorsqu’elle sera maître d’ouvrage. La demande de dérogation, hors le cas de danger imminent prévu par la loi, doit faire l’objet d’une véritable demande d’autorisation lorsque l’abattage ou l’atteinte est rendu nécessaire « pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements ». Parallèlement, l’article L. 181-2 du code de l’environnement est modifié pour prévoir que l’autorisation environnementale tient lieu de cette nouvelle autorisation. La liste des procédures intégrées par l’autorisation environnementale au titre des IOTA/ICPE se trouve ainsi élargie. Une déclaration préalable suffira lorsque l’état sanitaire ou mécanique du ou des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes ou des biens ou un risque sanitaire pour les autres arbres (le dossier devant alors comprendre une étude phytosanitaire) ou lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures. Les dossiers de demande d’autorisation ou de déclaration doivent comprendre notamment « l’exposé des mesures d’évitement envisagées, le cas échéant, et des mesures de compensation […] que le pétitionnaire ou le déclarant s’engage à mettre en oeuvre ». Cette compensation doit se faire « prioritairement » à proximité des alignements concernés et dans un « délai raisonnable ».

Clarification – Il s’agit là d’une clarification bienvenue de la procédure et des conditions de dérogation, sans alléger, à nos yeux, le niveau de protection, étant rappelé que les auteurs de PLU peuvent toujours opter pour un régime de protection plus fort à travers le classement en espaces boisés.

AJ Collectivités Territoriales 2022 p.296

Mots clés :
ORGANISATION TERRITORIALE * Compétence * Réforme * Environnement * Mobilité * Gestion des milieux aquatiques * Prévention des inondations * Etablissement public de coopération intercommunale * Décentralisation * Gestion des milieux aquatiques * Prévention des inondations
ENVIRONNEMENT * Développement durable * Schéma régional du climat de l’air et de l’énergie (SRCAE) * Espace naturel * Site naturel
AMENAGEMENT * Aménagement du territoire * Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires
TRANSPORT ET MOBILITE * Politique des transports * Loi d’orientation des mobilités * Autorité organisatrice de la mobilité
VOIRIE * Domaine public * Domaine public routier

(1) Loi n° 2022-217 du 21 févr. 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
(2) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, sur laquelle, AJCT 2021. 564.
(3) Dont l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, l’augmentation des parts modales du fret ferroviaire et du transport ferroviaire de voyageurs (loi Climat et résilience, art. 131, 143 et 191).
(4) J. Gourault, discussion générale, Ass. Nat., 6 déc. 2021.
(5) C. transp., art. L. 1231-1 I.
(6) CGCT, art. L. 5731-1.
(7) Décr. n° 2022-459 du 30 mars 2022.
(8) Étude d’impact du projet de loi (p. 71 et 74).
(9) Loi 3DS, art. 40 V et VI.
(10) C. voirie rout., art. L. 121-5.
(11) CGCT, art. L. 1111-9 II. Elles sont également compétentes pour délimiter des réserves naturelles régionales et proposer la création de parc naturel régional.
(12) Des dispositions particulières sont prévues pour les zones interrégionales ou intégrant des terrains relevant du ministère de la Défense.
(13) Comme suggéré en 2015 par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) (Rapp., déc. 2015, Analyse du dispositif Natura 2000 en France, p. 26).
(14) CGCT, art. L. 1111-10.
(15) Sur cette loi, dossiers AJCT 2014. 232 s.
(16) Une trentaine en France.
(17) Loi n° 2019-1461 du 27 déc. 2019, sur laquelle, AJCT 2020. 223 s.
(18) Ainsi que d’un pôle métropolitain et d’un PETR.
(19) Loi 3DS, art. 64.
(20) Établissement public local défini à l’article L. 2221-10 du CGCT.
(21) Définies par l’article L. 411-27 du code rural.
(22) Au sens de l’article L. 132-3 du code de l’environnement.
(23) V. par ex. le rapport de l’inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable sur la revitalisation des centres-villes (juill. 2016).
(24) Programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, Action coeur de ville, Petites villes de demain et Territoires d’industrie.
(25) C. com., art. L. 752-1-2.
(26) CCH, art. L. 303-3.
(27) C. urb., art. L. 152-6-4 nouv.
(28) Ce qui veut dire que le contenu du SCoT devra avoir été « rénové » et que la réflexion devra également avoir été menée sur la problématique des entrepôts logistiques, non soumis à CDAC.
(29) On peut regretter, comme pour la mise en oeuvre des objectifs de la loi Climat et résilience en matière d’artificialisation des sols, que le choix d’une procédure de modification sans commissaire-enquêteur ait été fait…
(30) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
(31) C. envir., art. L. 350-3.
(32) CE 21 juin 2021, n° 446662, Association La nature en ville, Lebon ; AJDA 2021. 1302 ; RDI 2021. 555, obs. O. Fuchs ; AJCT 2021. 603, obs. T. Drevard.

Jean-Marc Petit
Avocat associé
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