La CJUE a rendu le 8 mai 2025 un arrêt [1] qui fait suite à une question préjudicielle posée par la Cour d’appel d’Anvers dans le cadre d’un litige concernant le respect de l’interdiction des ventes actives dans un territoire alloué exclusivement à un distributeur.
En l’occurrence, un accord de distribution exclusive avait été conclu en 1993 entre le producteur néerlandais de fromage C. et son distributeur exclusif pour la Belgique et le Luxembourg, B.K. Ce dernier reprochait à un autre opérateur, A.H, qui achète du fromage à C. pour le commercialiser sur des marchés situés en dehors de la Belgique et du Luxembourg, de porter atteinte à ses droits exclusifs en Belgique en y procédant à des ventes actives.
Par principe, lorsqu’un fournisseur accorde une exclusivité territoriale à un distributeur, il lui appartient de protéger ce distributeur contre les ventes actives de ses autres acheteurs, autrement dit de lui garantir l’effectivité de son exclusivité territoriale (c’est la condition dite de l’« obligation parallèle »), la restriction sur les ventes actives étant alors couverte par l’article 4, b), i) du règlement n° 330/2010 et bénéficiant de l’exemption catégorielle.
Encore faut-il qu’il soit établi que le fournisseur a fait le nécessaire pour que cette protection du distributeur exclusif soit effective. Cette preuve doit-elle tenir dans un accord, tacite ou explicite, entre le fournisseur et les (autres) distributeurs, ou résulte-t-elle de la seule constatation que, de facto, les autres distributeurs de ce fournisseur ne se livrent pas à des ventes actives sur le territoire du distributeur exclusif ? Tel était l’objet de la question préjudicielle posée par la Cour d’appel d’Anvers.
La Cour rappelle que la question de la preuve de l’existence d’un « accord », au sens de l’article 101, § 1, TFUE, relève de l’ordre juridique interne de chaque État membre, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (pt. 44). L’existence d’un tel « accord » peut être établie non seulement au moyen de preuves directes, mais également sur la base d’indices objectifs et concordants démontrant 1) que le fournisseur a invité ses distributeurs à ne pas réaliser de telles ventes sur ce territoire, et 2) que ces derniers ont, de facto, répondu à cette invitation (pt. 46).
Au cas d’espèce, les contrats de distribution conclus entre C. et ses distributeurs ne contenaient aucune clause interdisant aux distributeurs de pratiquer des ventes actives sur le territoire exclusif alloué à B.K. Il fallait donc examiner tous indices objectifs et concordants permettant d’établir si C. avait, ou n’avait pas, invité ses distributeurs à ne pas se livrer à des ventes actives sur le territoire exclusif alloué à B.K, et que ces distributeurs avaient, ou n’avaient pas, tacitement ou expressément acquiescé à l’éventuelle invitation de ce fournisseur (pts. 47-50).
A l’issue de son examen, la Cour dit pour droit que la seule constatation que tous les autres distributeurs, à l’exception du distributeur mis en cause (A.H), ne se livrent pas à des ventes actives sur le territoire exclusif n’est pas suffisante pour établir l’existence d’un « accord », au sens de l’article 101 TFUE, en ce qu’elle ne permet d’établir ni l’invitation du fournisseur ni l’acquiescement des autres distributeurs.
[1] Affaire C-581/23 (Beevers Kaas)