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Le Moniteur
Analyse de jurisprudences – Novembre 2022
25/11/2022

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°6220 (25/11/2022)

Concessions : le règlement de la consultation pour la conclusion d’une DSP est obligatoire sauf erreur purement matérielle

CE, 20 juillet 2022, n° 458427, mentionné dans les tables du Recueil.

Une commune a lancé une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution de sous-traités du service public balnéaire sur une plage. L’offre d’un candidat a été rejetée comme irrégulière au motif que, contrairement à ce qu’imposait le règlement de la consultation, le projet de sous-traité qu’il avait adressé ne comportait ni son identité ni le montant de redevance proposée. Or, le candidat avait fait mention de son identité dans la lettre de présentation de sa candidature et le montant de la redevance était énoncé dans une fiche distincte.

Question

Cette erreur suffisait-elle à rendre irrégulière sa candidature ?

Réponse

Oui. « Le règlement de la consultation prévu par une autorité délégante pour la passation d’une délégation de service public est obligatoire dans toutes ses mentions […] sauf si [l’exigence méconnue] se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou […] résulte d’une erreur purement matérielle », juge le Conseil d’Etat. En l’espèce, tel n’était pas le cas puisque les informations demandées étaient nécessaires à l’autorité délégante pour s’assurer de l’identité de la personne avec laquelle elle contractait et ne peuvent dès lors être regardées comme ayant été manifestement inutiles.

Mesure d’exécution : le refus de renouvellement d’un contrat ne peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge

CE, 13 juillet 2022, n° 458488, mentionné dans les Tables.

Une commune a conclu avec un particulier une convention d’occupation temporaire du domaine public portuaire. Ultérieurement, elle a informé cette personne par courrier qu’elle ne serait pas en mesure de renouveler le contrat pour une année supplémentaire.

Le particulier a contesté cette décision devant le juge, en en demandant l’annulation.

Question

Une telle demande est-elle recevable ?

Réponse

Non. Une partie à un contrat administratif peut former devant le juge un recours contestant la validité de la résiliation d’un contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, eu égard à la portée d’une telle mesure, rappelle le Conseil d’Etat. Mais il n’en va pas de même pour les décisions de la personne publique refusant de faire application de stipulations du contrat prévoyant son renouvellement. « Il s’agit alors de mesures d’exécution du contrat qui n’ont ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours », énonce la Haute juridiction administrative.

Responsabilité : l’action fondée sur le dol pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 est régie par la prescription trentenaire

CE, 10 octobre 2022, n° 454446, mentionné dans les Tables.

A la suite d’un marché de construction de plusieurs immeubles, le balcon d’un des bâtiments s’est effondré en 2007. Plusieurs expertises ont été menées, dont la dernière a conduit à un rapport remis en 2015.

Le maître d’ouvrage a alors demandé de condamner solidairement les constructeurs pour faute assimilable à une fraude ou à un dol.

Question

L’action introduite par le maître d’ouvrage était-elle prescrite ?

Réponse

Non. Si, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, « les actions fondées sur la responsabilité pour faute assimilable à une fraude ou à un dol sont prescrites par cinq ans à compter de la date à laquelle le maître d’ouvrage connaissait ou aurait dû connaître l’existence de cette faute, par application des dispositions de l’article 2224 du Code civil, elles étaient régies, jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, par la prescription trentenaire qui courait à compter de la manifestation du dommage ».

En l’espèce, pour des faits survenus avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008, le point de départ de la prescription d’une durée de trente ans était bien fixé à compter de la manifestation du dommage.

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°6218 (11/11/2022)

Document d’urbanisme : l’absence des indicateurs nécessaires à l’analyse des résultats d’application du PLU ne l’entache que d’une illégalité partielle

CE, 7 juillet 2022, n° 451137, mentionné aux Tables.

Des particuliers ont contesté la délibération approuvant le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune dans laquelle ils résident. Ils estimaient le document illégal puisqu’il manquait, dans le rapport de présentation, les indicateurs nécessaires à l’analyse des résultats d’application du PLU (art. L. 153-27 et R. 151-4 du Code de l’urbanisme).

Question

L’absence de ces indicateurs entache-t-elle d’illégalité l’ensemble de la délibération approuvant le document ?

Réponse

Non. Conformément aux articles L. 153-27 et R. 151-4 du Code de l’urbanisme, les indicateurs nécessaires à l’analyse des résultats de l’application du PLU à laquelle il devra être procédé neuf ans après son approbation (ce délai a été ramené à six ans par la loi Climat et résilience), doivent être identifiés dès l’élaboration du plan et figurer dans le rapport de présentation. Si leur absence constitue une illégalité, cette dernière est sans conséquence sur le PLU en tant qu’il fixe les règles opposables aux demandes d’autorisation d’urbanisme. Leur absence n’est de nature à justifier qu’une annulation partielle en tant que la délibération a omis d’identifier les indicateurs en cause.

Patrimoine : la seule autorisation d’occupation domaniale n’a pas à être compatible avec un plan de sauvegarde et de mise en valeur

CE, 5 juillet 2022, n° 459089, mentionné dans les tables du recueil Lebon.

Une société a contesté le refus de la commune de lui délivrer une autorisation d’occuper le domaine public au droit d’un local qu’elle exploite, situé dans le périmètre d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Le tribunal administratif lui a donné raison mais la juridiction d’appel a annulé le jugement. Elle estimait que le refus de la commune pouvait être fondé sur un motif tiré du non-respect du PSMV.

Question

La délivrance de cette autorisation était-elle subordonnée à sa compatibilité avec le PSMV ?

Réponse

Non. Il résulte des dispositions des articles L. 313-1 et L. 313-2 du Code de l’urbanisme régissant les PSMV que la légalité d’une autorisation d’occuper le domaine public situé dans un tel périmètre n’est subordonnée à sa compatibilité avec ce plan et à l’accord de l’architecte des bâtiments de France que lorsqu’elle emporte autorisation de réaliser les travaux ayant pour effet de modifier l’état des immeubles.

Les dispositions de ce plan ne sont pas opposables à une demande qui a pour seul objet, comme en l’espèce, de solliciter une autorisation d’occuper le domaine public sans modification de l’état des immeubles.

Permis de construire : l’avis du préfet pour des travaux portant sur un lieu de culte n’est pas toujours requis

CE, 25 juillet 2022, n° 463525, mentionné aux Tables.

Un maire a délivré à une association un permis de construire un centre culturel et cultuel musulman.

Trois ans après, il lui a accordé un permis modificatif se rapportant au même projet. Le préfet a vainement demandé au maire de retirer ce permis de construire modificatif au motif qu’il aurait dû être préalablement saisi pour avis en vertu de l’article L. 422-5-1 du Code de l’urbanisme. L’affaire arrive devant le Conseil d’Etat.

Question

Le permis modificatif devait-il être soumis pour avis au préfet ?

Réponse

Non. Il résulte des dispositions de l’article L. 422-5-1 précité, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, que la consultation du préfet n’est requise que lorsque la demande dont l’autorité compétente est saisie porte sur un projet ayant pour effet de créer ou d’étendre significativement une construction ou une installation destinée à l’exercice d’un culte. En présence d’un permis modificatif, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier s’il a cette portée avant de soumettre obligatoirement pour avis le projet au préfet.

Gilles Le Chatelier
Avocat associé
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