Suite à divers accidents provoqués par des airbags de la marque TAKATA, le Ministère en charge des transports a été amené à prendre à l’égard des constructeurs automobiles un certain nombre de mesures restrictives dans le cadre du dispositif de la surveillance du marché des véhicules.
Ainsi l’arrêté ministériel du 9 avril 2025 impose à 30 constructeurs un certain nombre de mesures restrictives provisoires : mise en place d’une procédure de stop drive (article 1er), information des propriétaires de véhicules de cette procédure avec obligation pour les constructeurs concernés de fournir les informations requises (article 3) et mise en place par les constructeurs d’un système d’information permettant le suivi du remplacement des airbags défectueux (article 4).
Ces mesures sont assorties de nombreuses mesures d’astreinte pouvant atteindre des montants très importants (jusqu’à 1 M€ par jour de retard pour le défaut de mise en œuvre des mesures prévues à l’article 4).
L’article 5 de l’arrêté renvoie ainsi à des décisions individuelles les mesures susceptibles d’être prises à l’égard de chacun des constructeurs, et notamment de ceux qui tarderaient à respecter les obligations prévues par cet acte.
Nul doute que, compte tenu de la dangerosité des airbags concernés et de la légitime émotion causée par certains accidents mortels survenus encore récemment, l’administration n’hésitera pas à faire usage de ces moyens forts de coercition sur les constructeurs.
Pourtant, l’arrêté du 9 avril 2025, ainsi qu’un certain nombre d’autres mesures qui ont déjà pu être décidées par le Ministère des transports, posent de questions sérieuses sur la base légale fondant celles-ci.
En effet, si le Code de la route contient un certain nombre de dispositions de nature à permettre à l’administration de contraindre les constructeurs à respecter leurs obligations en matière d’information des consommateurs et de sécurité des véhicules, les dispositions aujourd’hui en vigueur, telles que celles de l’article L.329-18 ou celles figurant aux articles L.329-33 à 45 ne paraissent pas correspondre directement aux hypothèses ici visées par l’arrêté du 9 avril 2025 et aux mesures individuelles susceptibles d’être adoptées.
En tout état de cause, le montant des injonctions susceptibles d’être prononcées par l’administration, en application de cet arrêté, dépasse très largement les maximas prévus par les dispositions susmentionnées du Code de la route.
Le Règlement (UE) 2018/858 du 30 mai 2018 pourrait-il constituer une telle base juridique ? La réponse apparaît, à ce stade, incertaine, le texte européen ne fixant aucun montant précis d’injonction susceptible d’être prononcée à l’égard des constructeurs. Or, s’agissant de la mise en œuvre de mesures ayant la qualification de sanction administrative, le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines exige que le quantum de la sanction soit précisément prévu par un texte, sans parler bien sûr de la définition précise des faits susceptibles de décider de son application.
Il ne fait ici guère de doute que ce sujet difficile continuera d’animer dans les prochaines semaines les débats juridiques, la mise en place de dispositifs garantissant la sécurité des automobilistes ne pouvant faire l’économie de la définition d’un cadre juridique sûr et clair.