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Le Moniteur
Analyse de jurisprudences – Janvier 2023
31/01/2023

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°6230 (27/01/2023)

Autorisations – Un permis modificatif peut régulariser un vice affectant le projet initial en raison de l’évolution des circonstances de fait

CE, 10 octobre 2022, n° 451530, mentionné aux tables du recueil Lebon.

Une communauté de communes a confié à une société la création d’un parc d’activités. Le maire de la commune concernée a délivré en août 2011 un permis d’aménager.

A la suite de la réduction du périmètre du projet, le pétitionnaire a obtenu en 2018 un permis d’aménager modificatif. Une association de défense de l’environnement a demandé l’annulation des deux autorisations, soulevant un vice au regard des règles applicables en zone littorale.

Question

Le permis d’aménager modificatif pouvait-il régulariser le premier permis délivré ?

Réponse

Oui. Lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité en résultant peut être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue, du fait d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce.

Contentieux – En cas de construction projetée sur le domaine public, le juge doit se borner à rechercher si le dossier de permis comporte l’accord du gestionnaire

CE, 23 novembre 2022, n° 449443, mentionné aux Tables.

Un maire a accordé à deux sociétés un permis de construire neuf bâtiments destinés à accueillir 98 logements incluant des aménagements sur le domaine public. Des voisins ont contesté ce permis. Le tribunal administratif leur a donné gain de cause. Il a estimé que les pétitionnaires n’avaient pas qualité pour déposer le dossier en raison de l’absence de déclassement et de vente de la parcelle concernée.

Question

Un tel moyen est-il fondé ?

Réponse

Non. Il résulte des termes de l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme – relatif aux pièces exigibles lorsqu’un projet porte sur une dépendance du domaine public – que le juge ne peut se fonder uniquement sur l’absence de déclassement et de transfert de la propriété de la parcelle pour en déduire que les sociétés n’ont pas qualité pour déposer une demande de permis de construire incluant les aménagements en cause. Il lui incombe seulement de rechercher si, faute de déclassement et de transfert, le dossier comportait toutefois une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire.

Plan local d’urbanisme – La majoration du volume constructible doit respecter la limite fixée en valeur absolue

CE, 23 novembre 2022, n° 441184, mentionné aux Tables.

Un maire a délivré un permis de construire pour la réalisation de 12 logements comprenant un tiers de logements sociaux. Des riverains ont contesté ce permis pour non-respect des règles de gabarit prévues par le règlement du PLU et définies comme la règle de distance des constructions par rapport aux limites séparatives.
Le tribunal administratif a rejeté la requête, estimant que, pour déterminer cette distance d’implantation minimale de la construction projetée, il convenait de retenir la hauteur maximale théorique autorisée par le PLU.

Question

Cette interprétation est-elle légale ?

Réponse

Non. Selon le PLU de la commune, la majoration du volume constructible autorisée pour la construction de logements sociaux dans certains secteurs, fixée dans la limite de 30 %, est applicable à chacune des règles concernées de hauteur, d’emprise et de gabarit. Lorsqu’est en cause la règle de gabarit, cette majoration permet notamment, pour une distance à la limite séparative donnée, d’augmenter d’un coefficient de 1,3 la hauteur du bâtiment autorisée par la règle de distance aux limites séparatives ou, pour une hauteur donnée, de réduire la distance aux limites séparatives de 1,3. Cette hauteur ou cette distance ainsi calculée ne saurait être augmentée
ou réduite au-delà ou en deçà de la limite fixée en valeur absolue par le PLU.

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°6228 (13/01/2023)

Candidature – Une personne condamnée à la peine d’exclusion des marchés publics est soumise à cette sanction lorsqu’elle est devenue définitive

CE, 2 novembre 2022, n° 464479, mentionné dans les Tables.

Un ministère a lancé une consultation pour la passation d’un accord-cadre pour des prestations de formation. Il a écarté la candidature d’une société au motif qu’une peine d’exclusion des marchés publics avait été prononcée à son encontre par un jugement du tribunal correctionnel de Paris. Le candidat avait cependant fait appel de ce jugement.

Question

Une peine d’exclusion des marchés publics entraîne-t-elle l’impossibilité de candidater à l’attribution d’un marché si elle n’est pas devenue définitive ?

Réponse

Non. En application des articles L. 2141-4 du Code de la commande publique et 506 du Code de procédure pénale, une personne condamnée à une peine d’exclusion des marchés par un jugement non exécutoire en raison de l’appel formé à son encontre, ne peut être exclue, pour ce motif, de la procédure de passation du marché. Dès lors, en l’espèce que l’entreprise avait fait appel de la condamnation prononcée à son encontre, l’exclusion de la procédure de passation du marché était irrégulière.

DSP – Le candidat est soumis pour son offre aux conventions collectives qui lui sont légalement applicables

CE, 10 octobre 2022, n° 455691, mentionné dans les Tables.

Une communauté de communes a engagé une consultation en vue de l’attribution de la délégation de service public (DSP) relative à l’exploitation de son centre aquatique. Plusieurs candidats ont présenté leur offre. L’offre d’une de ces sociétés prévoyait que ses personnels étaient soumis à la convention collective nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels et non à celle du sport.

Question

Un candidat à l’attribution d’une DSP qui présente une offre dans laquelle ses personnels sont soumis à une convention collective qui n’est pas applicable en l’espèce est-elle recevable ?

Réponse

Non. Il résulte des dispositions de l’article L. 2261-15 du Code du travail que les stipulations d’une convention de branche ou d’un accord collectif rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l’octroi d’une délégation de service public lorsqu’ils entrent dans le champ d’application de cette convention.
Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l’autorité concédante et doit donc être écartée comme irrégulière.

Exécution du marché – La réception n’empêche pas toute mise en cause de la responsabilité du maître d’œuvre par le maître d’ouvrage

CE, 10 octobre 2022, n° 455188, mentionné dans les tables du Recueil.

A la suite de la construction d’une médiathèque, la communauté d’agglomération, maître d’ouvrage, a recherché la responsabilité du maître d’œuvre, alors même que la réception des travaux avait été prononcée.

Question

Cette circonstance fait-elle obstacle à la possibilité pour le maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité du maître d’œuvre ?

Réponse

Non. Si la réception des travaux interdit au maître d’ouvrage d’invoquer, après qu’elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l’ouvrage dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure. La réception demeure ainsi sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif. Seule l’intervention du décompte général définitif interdit au maître d’ouvrage toute réclamation à cet égard, conformément à la jurisprudence (CE, 6 avril 2007, « Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer », n° 264490, publié au Recueil).

Gilles Le Chatelier
Avocat associé
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