Retour au blog
Lettre d’information – Le Radar n°6
Validité des clauses attributives de juridiction : nouvelle tendance spécifique au Tribunal judiciaire de Paris ou véritable revirement de jurisprudence 
22/12/2025

A l’occasion de deux dossiers récemment traités par le Cabinet, le Tribunal judiciaire de Paris a adopté une approche pour le moins singulière s’agissant de la validité des clauses attributives de juridiction.

Dans chacune de ces affaires, des sociétés commerciales étaient liées par un contrat comportant une clause attributive de juridiction désignant le Tribunal judiciaire de Paris comme juridiction compétente en cas de litige.

Dans les deux affaires, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris a soulevé d’office son incompétence au profit du Tribunal des Activités Economiques de Paris (anciennement Tribunal de commerce).

Il a en effet considéré que la compétence des tribunaux de commerce pour les litiges opposant des sociétés commerciales revêtait un caractère d’ordre public, interdisant ainsi toute dérogation conventionnelle entre deux sociétés commerciales.

Pour fonder cette position, le juge s’est appuyé sur les articles L.211-3 du Code de l’organisation judiciaire relatif à la compétence résiduelle du Tribunal judiciaire et L.721-3 du Code de commerce, qui attribue compétence aux tribunaux de commerce pour connaître des litiges entre sociétés commerciales.

Dans l’une des deux affaires, il a en outre évoqué un arrêt récent de la Cour de cassation[1], qu’il interprète comme consacrant le caractère d’ordre public de la compétence exclusive des tribunaux de commerce. Cette lecture appelle néanmoins des réserves puisque si l’arrêt précité évoque une compétence « exclusive » des tribunaux de commerce pour les litiges entre sociétés commerciales, il ne s’inscrit pas dans le cadre de l’examen d’une clause attributive de juridiction et ne qualifie nullement cette compétence d’ordre public.

Pour autant, en se prévalant de cette interprétation, le juge a estimé que la clause attributive de juridiction prévue dans les contrats liant les parties était dépourvue d’effet en ce qu’elle dérogeait à la compétence matérielle exclusive des tribunaux de commerce (ou TAE). En revanche, ladite clause a été jugée valable s’agissant de la dérogation à la compétence territoriale, le juge retenant que les parties avaient voulu donner compétence aux juridictions de Paris.

Les deux affaires ont ainsi été renvoyées devant le Tribunal des Activités Economiques de Paris et non devant le Tribunal de commerce qui aurait été territorialement compétent en l’absence de toute clause attributive de juridiction.

Le Tribunal judiciaire de Paris paraît ainsi adopter une approche plus stricte de sa compétence, vraisemblablement afin d’éviter tout contournement conventionnel de la taxe instaurée par la Réforme des tribunaux de commerce en vigueur depuis le 1er janvier 2025 (cf. Radar n°3) pour tout litige d’un montant supérieur à 50 000 euros.

Certes, dans une troisième affaire récente également traitée par le Cabinet, la clause attributive de juridiction désignant le Tribunal judiciaire de Paris et conclue entre deux sociétés commerciales, a été jugée valable.

Toutefois, si cette orientation du Tribunal Judiciaire de Paris venait à se confirmer, elle devra être prise en compte, d’une part, dans la rédaction ou la revue des clauses attributives de juridiction au sein des contrats et, d’autre part, dans la stratégie contentieuse.


[1] Cass. Com., 20 décembre 2023, n°22-11.185

Article co-écrit avec Kenza Bouya (ADALTYS)

Françoise Brunagel
Avocate associée
Découvrir son profil
Adaltys Avocats
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.