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Lettre d’information
Rupture brutale des relations commerciales établies : le préavis est désormais plafonné
16/05/2019

RUPTURE BRUTALE DES RELATIONS COMMERCIALES ÉTABLIES : LE PRÉAVIS EST DÉSORMAIS PLAFONNÉ

Nouvel article L442-1II du Code de commerce 

En quelques années, la brusque rupture de relations commerciales établies est devenue un élément incontournable du panorama judiciaire français  

Pour mémoire, celui qui rompt une relations commerciales établies avec un partenaire sans préavis ou avec un préavis insuffisant s’expose à des dommages-intérêts qui peuvent s’avérer conséquents.

Tout à fait spécifique au droit français, une telle sanction est analysée comme une survivance de la traditionnelle main mise de l’Etat sur le monde des affaires. 

Jusque très récemment, elle était prévue par l’article L 442-6 I 5° du Code de commerce.

Suite à une ordonnance du 24 avril 2019, la brusque rupture de relations commerciales établies est désormais codifiée sous l’article L 442-1 II du Code de commerce ainsi rédigé :

          « II. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. » 

Qu’est ce qui change ? Les praticiens reconnaîtront que rédaction reste sensiblement identique. 

En réalité, l’apport de l’ordonnance du 29 avril 2019 est dans l’alinéa suivant qui dispose :

           « En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. » 

Autrement dit, le préavis « suffisant » est désormais plafonné à dix-huit mois.

Jusqu’à présent, en cas de litige, le préavis jugé suffisant était fixé par les tribunaux sans aucun plafonnement, les juges prenant en compte non seulement la durée de la relation mais aussi le degré de dépendance de  la victime et ses facultés de retrouver rapidement un partenaire de substitution.  

En pratique, des préavis atteignant ou dépassant dix-huit mois restaient inhabituels mais pas exceptionnels.

On a ainsi vu des décisions retenir un préavis de trois ans au bénéfice d’un distributeur compte tenu de ses difficultés à trouver un fournisseur répondant aux exigences précises du marché (Paris, 7 janvier 2015) ou encore un préavis de vingt-quatre mois dans le cadre d’une relation de concession exclusive de trente-cinq ans, dont la rupture avait entrainé la nécessité de restructurer l’entreprise victime (Amiens, 2 juin 2015).

Le plafonnement aura au moins le mérite de fixer une borne même si elle peut paraître très élevée. Rappelons que la rupture se fait aux risques et périls de celui qui en prend l’initiative et il est souvent périlleux de faire une anticipation du préavis qui serait jugé suffisant par un juge. 

L’ordonnance ne prévoit pas de disposition transitoire concernant le nouvel article L 442-1 du Code de commerce. Dès lors que les règles sur les pratiques restrictives de concurrence sont considérées comme d’ordre public, on peut admettre qu’il est d’application immédiate qu’il y ait ou non un contrat écrit sous-jacent à la relation. 

Valérie Spiguelaire
Avocate associée
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