Le 23 octobre 2024, le Parlement et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive n° 2024/2853 (« Directive ») qui remplace la directive 85/374/CEE en vigueur depuis près de 40 ans.
Ce nouveau texte marque une évolution majeure en matière de réglementation, en adoptant les règles de responsabilité aux défis posés par les nouvelles technologies, l’économie circulaire et les chaînes d’approvisionnement mondialisées.
Cette Directive vise à garantir un haut niveau de protection des consommateurs, tout en préservant la compétitivité des entreprises européennes et en renforçant la sécurité juridique. Elle établit des dispositions adaptées pour prendre en compte les spécificités de certains produits et services modernes, tels que les objets connectés et les systèmes d’IA.
Toutefois, afin de permettre une transition harmonieuse, ces nouvelles règles ne s’appliqueront qu’aux produits mis sur le marché ou en service après le 9 décembre 2026.
Les principales modifications de cette Directive se résument comme suit :
- Notion de « produits » – Article 4 : La Directive a élargi la définition de cette notion en incluant désormais les logiciels, en tant que produits autonomes ou ceux intégrés dans d’autres produits en tant que composants ; les fichiers de fabrication numériques qui contiennent les informations fonctionnelles nécessaires pour produire un élément corporel en permettant le contrôle automatisé des machines (tels que les perceuses, imprimantes 3D, etc.) ; et les services numériques intégrés ou interconnectés avec le produit.
- Préjudices indemnisables – Article 6 : La Directive a également élargi les préjudices indemnisables en incluant, outre les dommages corporels et matériels, la destruction ou corruption de données numériques non-utilisées à des fins professionnelles. Ainsi, la Directive couvrira, par exemple, le cas de suppression de fichiers numériques d’un disque dur (y compris le coût de la récupération ou de la restauration de ces données).
- Défectuosité du produit – Article 7 : De nouvelles circonstances ont été prises en compte par la Directive pour évaluer la défetuosité d’un produit. Le texte précise notamment que doit être pris en compte « l’effet sur le produit de toute capacité à poursuivre son apprentissage ou à acquérir de nouvelles caractéristiques après sa mise sur le marché ou sa mise en service » et « l’effet raisonnablement prévisible sur le produit d’autres produits dont on peut s’attendre à ce qu’ils soient utilisés conjointement avec le produit, notamment au moyen d’interconnexion ». La Directive précise aussi qu’un produit peut être considéré comme défectueux en raison de sa vulnérabilité en matière de cybersécurité.
- Responsabilité des opérateurs économiques du fait de leurs produits défectueux – Article 8 : La Directive a également élargi la liste des opérateurs économiques susceptibles d’être tenus responsables des dommages du fait d’un défaut de leurs produits (fabricant/importateur du produit/composant défectueux ; en l’absence d’importateur établi dans l’UE ou de mandataire, le prestataire de services d’exécution des commandes ; toute personne qui modifie de manière substantielle un produit en dehors du contrôle du fabricant ; tout fournisseur d’une plateforme en ligne ayant permis la vente en ligne BtoC, sous certaines conditions ; etc.).
- Divulgation des éléments de preuve – Article 9 : La Directive a facilité l’accès, pour les victimes, aux éléments de preuves à utiliser en justice.
- Charge de la preuve – Article 10 : La Directive a allégé la charge de la preuve pour les victimes, avec la possibilité de présumer la défectuosité du produit, si certaines conditions sont remplies, et/ou le lien de causalité. Cette présomption opérera si le demandeur fait face à des difficultés excessives pour prouver l’un et/ou l’autre, notamment en raison de la complexité technique ou scientifique du produit ou s’il démontre que la défectuosité du produit ou le lien de causalité entre la défectuosité du produit et le dommage est probable. A ce propos, il convient de noter que le défendeur a le droit de renverser toute présomption en apportant la preuve contraire.
- Exonération de responsabilité – Article 11 : La Directive a introduit une exception à l’exonération de responsabilité pour des défectuosités ayant apparu après la mise du produit sur le marché. En effet, si le produit reste sous le contrôle du fabricant, sa responsabilité pourra être recherchée. Selon le considérant 19 de la Directive, un produit reste sous le contrôle du fabricant « lorsque celui-ci conserve sa capacité à fournir des mises à jour ou des mises à niveau logicielles lui-même ou par l’intermédiaire d’un tiers».
- Responsabilité du fabricant du composant logiciel défectueux – Article 12 : Un outil de protection a été introduit pour les micro-entreprises et petites entreprises fabricantes de composants logiciels. Elles peuvent convenir avec le fabriquant qui intègre le composant logiciel dans son produit que ce dernier renonce à son droit de recours en cas de dommage causé par une défectuosité du composant logiciel. Cet outil s’inscrit dans le but de privilégier la capacité d’innovation des microentreprises et des petites entreprises qui fabriquent des logiciels et, par conséquent, de soutenir l’innovation dans un secteur qui nécessite un degré d’innovation particulièrement élevé.
- Délai de forclusion – Article 17 : S’agissant du délai de forclusion, il y a deux nouveaux éléments. Si le produit a fait l’objet d’une modification substantielle, le délai de forclusion sera interrompu. Par ailleurs, un nouveau délai butoir de 25 ans a été prévu afin de prendre en compte la latence des lésions corporelles : si une victime n’a pas été en mesure d’engager la procédure parce que le préjudice corporel est resté latent et ne s’est pas révélé au cours des dix premières années, le nouveau délai de forclusion sera applicable.
- Dérogation à l’exonération pour risque de développement Article 18 : La Directive n’a pas supprimé l’option laissée aux États membres de ne pas introduire dans leur législation une cause d’exonération pour risque de développement. Le risque de développement permet à un opérateur économique de s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise sur le marché ne permettait pas de déceler l’existence d’un défaut.
Les Etats membres doivent mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette nouvelle Directive au plus tard le 9 décembre 2026.
Article coécrit avec Mario CIFUENTES.