Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à un fonctionnaire d’informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d’une procédure de mutation de l’existence d’une enquête pénale le mettant en cause : il ne peut dès lors être regardé comme ayant commis une fraude en n’en faisant pas état (Conseil d’État, 6ème chambre, 03/02/2023, 441867).
Dans cette affaire qui a déjà donné lieu à deux arrêts du Conseil d’Etat (Conseil d’État, 6ème chambre, 03/02/2023, 441867 ; Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 30/12/2021, 441863), un agent, qui avait postulé pour être recruté par voie de mutation auprès d’une autre collectivité, avait, entre l’entretien de recrutement et la date de prise d’effet de sa mutation, fait l’objet d’une citation à comparaître par le procureur de la République puis d’une condamnation à une peine de prison avec sursis pour un abus de confiance commis dans l’exercice de précédentes fonctions, sans inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Le fonctionnaire avait fait le choix de ne pas en faire part à son nouvel employeur.
Mais, informée de la situation, la Commune d’accueil avait finalement retiré sa décision de recrutement par voie de mutation, au motif qu’elle aurait été obtenue par fraude de la part de l’agent, et la Commune d’origine avait, quant à elle, refusé de réintégrer l’agent.
Dans le premier arrêt du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat a jugé que la Commune qui a accepté de recruter, dans le cadre d’une procédure de mutation, le fonctionnaire faisant l’objet d’une enquête pénale, voire d’une condamnation pénale, ne peut légalement retirer à tout moment sa décision de recrutement au motif que ledit fonctionnaire aurait manqué au devoir de probité auquel il était tenu en sa qualité d’agent public en lui dissimulant qu’il faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l’exercice de fonctions analogues, dès lors qu’il n’est pas tenu d’informer son employeur de l’enquête en cours (Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 30/12/2021, 441863).
En revanche, rien ne fait obstacle à ce que la Commune d’accueil engage, par la suite, une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à l’enquête pénale et, le cas échéant, à une condamnation pénale et, si cette procédure disciplinaire se conclut par une sanction mettant fin à ses fonctions de manière définitive, à ce qu’elle prononce sa radiation des cadres par voie de conséquence (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 18/10/2018, 412845).
Dans le second arrêt du 3 février, le Conseil d’Etat en déduit qu’en l’absence de manquement de l’agent à son devoir de probité, et donc de faute, les préjudices qu’il a subis du fait du refus de la Commune d’origine de la réintégrer dans ses services ne peuvent être regardés comme découlant directement et exclusivement d’une faute qu’il aurait commise en dissimulant à la commune d’accueil qu’il faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l’exercice de fonctions analogues.
Ainsi, le fonctionnaire, et plus généralement, l’agent public, est tenu au devoir de probité (article L. 121-1 du code général de la fonction publique), lequel n’implique néanmoins pas de devoir informer son employeur ou son futur employeur des enquêtes ou condamnations pénales qui le concernent.
Le Conseil d’Etat avait déjà jugé dans le même sens qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait à un agent contractuel d’informer son employeur de la condamnation pénale dont il avait fait l’objet postérieurement à son recrutement (Conseil d’État, 5ème / 4ème SSR, 04/02/2015, 367724). Le rapporteur public dans ses conclusions sur cet arrêt avait d’ailleurs précisé que, sauf à ce que le juge pénal ait prononcé une interdiction d’exercer une fonction publique, l’obligation pour l’agent public d’informer son employeur d’une condamnation pénale prononcée à son encontre ne pouvait résulter que d’une disposition législative ou réglementaire expresse, laquelle n’existait pas (et n’existe toujours pas à ce jour), de sorte que le fait de ne pas avoir informé l’administration ne pouvait être regardé comme fautif.
Cette position rejoint celle du Ministre de l’Intérieur qui a précisé qu’aucune disposition du statut des fonctionnaires ne fait obligation à un fonctionnaire territorial, condamné par une juridiction répressive à une peine d’emprisonnement avec sursis, d’en informer la collectivité territoriale qui l’emploie et a ajouté qu’il appartient aux parquets d’aviser les différentes administrations des poursuites pénales engagées et des condamnations définitives prononcées à l’encontre des agents (RM à QE n°3078, publiée au JOAN du 16 octobre 2007, page 6377).