Retour au blog
Lettre d’information - Le Radar n°4
Distribution / La résiliation du contrat à effet immédiat pour manquements répétés échappe à la qualification de rupture brutale si les stipulations du contrat ont été strictement respectées
16/06/2025

Infirmant un jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Lyon, la Cour d’appel de Paris a rendu le 12 mars 2025 un arrêt[1] qui peut retenir l’attention des constructeurs automobiles.

Dans cette affaire, le constructeur avait résilié le contrat le liant à un Réparateur Agréé au motif d’une non-conformité confirmée à diverses normes de représentation dites « standards », notamment des standards afférents à l’occupation de fonctions-clés (chef d’atelier, magasinier, mécanicien qualifié, …) et à la formation du personnel. Sans ambiguïté, et dans la stricte application du contrat, le constructeur avait déroulé les étapes d’une possible régularisation de la situation, puis avait in fine résilié le contrat au constat objectif d’une non-conformité réitérée.

Le Réparateur Agréé avait assigné le constructeur au motif à titre principal d’une rupture brutale de relations commerciales établies (article L442-1 du Code de commerce), et à titre subsidiaire d’une rupture abusive du contrat.

La défense du constructeur reposait sur la force obligatoire des conventions, et l’application du contrat tant en ce qui concerne les manquements retenus contre le Réparateur Agréé que la procédure suivie jusqu’à, et y compris, la notification de la résiliation. 

Toutefois, et c’est l’un des intérêts de cet arrêt, le constructeur ne pouvait se limiter à soulever le respect des dispositions du contrat ; il était tenu de répondre aux fondements de l’action, et donc, notamment, de prendre position sur la rupture brutale alléguée. A cet égard, le constructeur se référait donc à l’alinéa 3 de l’article L 442-1 II du Code de commerce pour apprécier la brutalité de la rupture et la gravité de «l’inexécution par l’autre partie de ses obligations », notamment les obligations base portant sur des «fondamentaux » de l’activité d’un réparateur agréé, cette inexécution rendant impossible la poursuite du contrat et justifiant une rupture sans préavis.

La Cour rappelle pour principe qu’il ne lui appartient pas « d’apprécier la gravité du manquement justifiant la mise en œuvre de la clause prévoyant la résolution de plein droit du contrat en cas d’inexécution par l’une des parties de l’une quelconque de ses obligations », mais ajoute qu’en revanche, dans le cadre d’une relation commerciale établie, et de surcroît, comme en l’espèce, une relation de longue durée (8 ans), il lui appartient d’apprécier si le distributeur a gravement manqué à ses obligations pour justifier une rupture de la relation sans préavis conformément à l’alinéa 3 de l’article L.442-1 II.

Procédant alors à un examen rigoureux des stipulations contractuelles, la Cour juge que le Réparateur Agréé a manqué à ses obligations essentielles « de manière persistante et en dépit des demandes réitérées » du constructeur, et qu’il s’agit de manquements suffisamment graves pour justifier une rupture de la relation commerciale établie sans préavis. Le jugement est en conséquence infirmé et le Réparateur Agréé est débouté de sa demande fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Sur le volet subsidiaire, la Cour juge ensuite que les stipulations contractuelles ont été appliquées de bonne foi et sans déloyauté par le constructeur, et elle déboute le Réparateur Agréé de ses demandes au titre d’une résiliation abusive.

On retiendra de cet arrêt que la résiliation à effet immédiat du contrat de distribution pour manquement contractuel est légitime si elle intervient en application d’une clause résolutoire dont les dispositions ont été strictement respectées, le Juge étant toutefois tenu d’examiner les stipulations contractuelles pour évaluer la gravité des manquements quand bien même la responsabilité alléguée dans une action en rupture brutale est de nature délictuelle.


[1] CA Paris Pôle 5 – Chambre 4, 12 mars 2025, RG n°22/17947, Jaguar Land Rover France c. Central Motor Lyon (aux droits de Deruaz Auto), affaire dans laquelle le Cabinet Adaltys représentait le constructeur

Olivier Gauclère
Avocat Counsel
Découvrir son profil
Adaltys Avocats
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.