A l’occasion d’un contentieux concernant le constructeur Kia, la Cour d’appel de Paris a rendu le 22 octobre 2025 un arrêt[1] où elle réaffirme sa grille d’appréciation des demandes en indemnisation de la rupture abusive du contrat de distribution automobile.
Dans cette affaire, l’abus invoqué par le concessionnaire (localisé à Saint-Gaudens) tenait dans le fait que la résiliation (« ordinaire », assortie d’un préavis de 2 ans) était intervenue peu de temps après que Kia avait approuvé, voire encouragé, la cession de fonds de commerce correspondant à 2 autres sites Kia du même concessionnaire (Muret et Toulouse). L’argument principal du concessionnaire était que s’il avait su que son contrat sur Saint-Gaudens serait résilié peu de temps après, il aurait négocié avec son concédant les modalités d’une sortie globale du réseau de distribution. En ne l’informant pas de la résiliation à venir à l’occasion de la cession des 2 fonds de commerce, Kia aurait agi de façon déloyale.
De façon au demeurant prévisible, la Cour d’appel de Paris relève que ni le contrat de concession (en l’occurrence) ni la loi n’imposent au fournisseur d’informer le distributeur préalablement à la notification de la résiliation. De plus, rien ne démontre, au cas d’espèce, que la décision de résilier était déjà prise par Kia au moment de la cession des 2 fonds de commerce.
L’abus est donc écarté à ce titre. Il l’est également au titre d’un autre argument, plus habituel celui-ci, invoqué par le concessionnaire, tenant aux investissements engagés aux fins de mise en conformité avec les standards de la marque, peu avant la résiliation. La Cour retoque cet argument après avoir constaté que les investissements en question étaient amortis au moment de la résiliation, et que les conditions et modalités de la résiliation ordinaire du contrat étaient connues du concessionnaire, qui les avait validées en signant son contrat.
« Au passage », la Cour réitère la règle de principe selon laquelle les contrats à durée indéterminée peuvent être rompus librement – sauf abus -, ceci aux fondements combinés de la prohibition des contrats perpétuels (désormais codifiée sous l’article 1210 du Code civil) et de l’article 1211 du Code civil (inapplicable au litige, mais dont la Cour relève qu’il reconduit le droit positif antérieur).
Enfin, on relèvera de cet arrêt qu’il donne l’occasion à la Cour d’appel de Paris d’exprimer clairement quelle est la double fonction d’un préavis : « il permet l’information du contractant pour favoriser la réorientation de son activité, et retarde la cessation effective de la relation contractuelle ».
[1] RG n°23/19525, Kia c. Motors Multimarques (arrêt accessible sur le site de la Cour de cassation)