Par un arrêt du 19 juin 2024[1], la Cour de cassation a apporté une précision importante afférente à l’obligation d’information et de conseil du vendeur.
Selon les faits, une personne faisait l’acquisition de 67 planches de bois d’une longueur de 4,52 mètres chacune auprès d’une société spécialisée. Un préposé de cette dernière aidait l’acquéreur à charger les planches dans la remorque de son véhicule. Pendant une descente sur le trajet, l’acquéreur percute un autre véhicule et les deux conducteurs décèdent dans l’accident, en raison du déport de la remorque surchargée. Les héritiers de l’acquéreur recherchaient alors la responsabilité du vendeur, à qui ils reprochaient un manquement à son obligation de sécurité, ainsi qu’à son obligation d’information et de mise en garde. La Cour d’appel de Rennes faisait droit à cette demande.
Se pourvoyant en cassation, la société venderesse arguait que l’obligation de sécurité ne saurait couvrir le transport des marchandises vendues, considérant que l’acquéreur est devenu propriétaire et gardien de la chose. Ainsi, aucun transfert de la garde de la chose n’avait eu lieu, le chargement s’étant opéré sous la responsabilité de l’acquéreur.
Sans grande justification, la Cour de cassation rejette ce moyen, et se concentre spécifiquement sur l’obligation d’information et de conseil, rappelant le principe de la responsabilité contractuelle (art 1231-1 du Code civil).
Elle relève que le consommateur, profane, n’avait pas été informé du poids total des planches, ni par le préposé (qui l’ignorait), ni par la venderesse elle-même (par le biais de factures par exemple). Il apparaissait en outre que cette dernière avait été sensibilisée à ce sujet par une campagne de la fédération de négoce de bois et matériaux en 2013.
C’est donc par un faisceau d’indices que la Cour a constaté un manquement à l’obligation d’information et de conseil de la part de la société venderesse. Il importe de préciser que la haute juridiction contextualise cette obligation par rapport aux caractéristiques des matériaux vendus en l’espèce et aux conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel.
Enfin, la société venderesse arguait également de la faute de l’acquéreur, qui avait fait l’objet de deux contraventions au titre de l’accident litigieux, pour circulation en surcharge et défaut de maitrise de son véhicule.
La Cour de cassation écarte également ce moyen, estimant que le comportement imprévisible de la remorque, dû à sa surcharge, était la cause exclusive de l’accident.
La précision qu’apporte la Cour de cassation élargit donc considérablement, à notre sens, l’obligation d’information et de conseil qui incombe au vendeur. Ce dernier doit en effet tenir compte des caractéristiques des produits qu’il vend, et ce notamment vis-à-vis des conditions de transport par un acheteur non professionnel.
[1] Civ. 1re, 19 juin 2024, F-B, n° 21-19.972