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Lettre d’information - Le Radar n°2
Action en garantie des vices cachés recevable malgré la connaissance du vice avant l’acquisition
11/12/2024

Dans un récent arrêt[1], la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision particulièrement lourde de conséquences en matière de garantie des vices cachés.

Selon les faits, le 18 juin 2015, une société de crédit-bail faisait l’acquisition d’un véhicule auprès d’un concessionnaire et l’avait remis à une autre société, en exécution d’un contrat de crédit-bail avec option d’achat.

Suite à plusieurs anomalies menant à une panne, un expert judiciaire était désigné en référé. Il déposait son rapport le 26 juin 2019, lequel concluait à l’existence d’un défaut de conception d’une pièce d’origine. Nonobstant, le preneur levait l’option d’achat le 6 septembre 2019, tout en ayant connaissance de ce rapport, et donc du défaut affectant le véhicule.

Les 18 octobre et 26 décembre 2019, le nouveau propriétaire du véhicule assignait alors le vendeur initial et le constructeur en garantie des vices cachés. Au stade de l’appel, la Cour d’appel de Montpellier écartait la garantie des vices cachés au motif que le sous-acquéreur de la chose avait connaissance du vice lors de sa propre acquisition.

La Cour de cassation casse l’arrêt et juge l’action en garantie des vices cachés recevable.

Elle rappelle que la garantie des vices cachés accompagne la chose vendue en tant qu’accessoire au contrat. A ce titre, la haute juridiction considère que lorsque l’action en garantie des vices cachés est exercée à l’encontre du vendeur originaire à raison d’un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s’apprécie à la date de la vente dans la personne du premier acquéreur.

En effet, si le vice est caché pour le premier acquéreur mais apparent pour le sous-acquéreur, il n’en demeure pas moins que le dernier utilise l’action du premier. Il est ainsi indifférent que le sous-acquéreur ait eu connaissance du défaut lors de sa propre acquisition lorsqu’il s’agit d’apprécier le bien-fondé d’une action en garantie des vices cachés à l’encontre du vendeur originaire.

Si cette position permet de respecter la logique de l’action directe sur le fondement de la garantie des vices cachés, elle peut paraître surprenante.

En effet, les termes du texte fondateur de la garantie des vices cachés depuis 1804, l’article 1641 du Code civil, sont d’une clarté incontestable : le mécanisme de protection essentiel que constitue la garantie des vices cachés repose intégralement sur la méconnaissance par l’acquéreur du défaut affectant le bien acquis.

En faisant l’acquisition d’un bien qu’il sait défectueux, le vice est devenu apparent, et la logique voudrait que l’acquéreur perde, de facto, le bénéfice de la garantie des vices cachés.

Il est ainsi permis de s’interroger sur le fait de savoir si la Cour de cassation, par une telle décision, ne serait pas en train de progressivement dénaturer le texte initial.


[1] Cass. Com. 16 oct. 2024, n° 23-13.318

Charles Corcia
Avocat
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